Eglises d'Asie – Chine
Macao : des catholiques s’inquiètent d’un projet de loi sur la sécurité nationale
Publié le 18/03/2010
Le projet porte sur l’article 23 de la Loi fondamentale. Il vise à criminaliser les actes portant atteinte à « la souveraineté, l’intégrité du territoire, l’unité ou la sécurité nationale » de la République populaire de Chine, et dresse la liste de ces actes en sept catégories : trahison, sécession, subversion, sédition, vol de secrets d’Etat, appartenance ou contact avec des groupes ou des organisations politiques à Macao ou à l’étranger « mettant en péril la sécurité nationale ».
Le 22 octobre dernier, le chef de l’exécutif de Macao, Edmund Ho Hau Wah, a déclaré que cette loi était nécessaire et venait combler un vide juridique découlant du transfert de Macao, du Portugal à la Chine populaire. Une période de consultation populaire de 40 jours était alors annoncée – laquelle s’est achevée le 30 novembre. Le chef de l’exécutif a ajouté qu’il escomptait que la loi serait votée par le parlement local en 2009 (2).
Le 15 novembre, l’hebdomadaire catholique chinois, l’Observatorio de Macau, a organisé une rencontre au Centre pastoral des jeunes du diocèse de Macao afin de débattre de ce projet de loi (3). Les intervenants ont tous exprimé leur inquiétude quant à un texte perçu comme potentiellement liberticide. Pour Antonio Ng Kuok-cheong, catholique et membre du parlement local, les 40 jours de consultation publique prévus par le gouvernement sont notoirement insuffisants ; cette période devrait être prolongée. Plus fondamentalement, le texte de loi devrait inclure une clause de « défense de l’intérêt public », opposable, dans certains cas, aux menaces désignées comme portant atteinte à « la sécurité nationale ». Antonio Ng est président et fondateur de la New Democratic Macau Association, un des mouvements civiques les plus actifs de Macao (4).
Face à un texte de loi qui prévoit de lourdes peines de prison (de quinze à vingt-cinq ans pour trahison, sécession ou subversion contre le gouvernement chinois, d’un à huit ans pour la sédition, de deux à quinze ans pour la divulgation de secrets d’Etat, et de deux à dix ans pour espionnage, vol ou achat de secrets d’Etat mettant en danger la sécurité nationale), d’autres personnalités ont réagi. Selon Paulino Commandante, avocat et catholique, le projet de loi pèche par son imprécision. Ainsi, le concept de « secret d’Etat » n’est pas clairement délimité et cela a pour conséquence de mettre le gouvernement en position de force par rapport aux citoyens de Macao. Si le caractère criminel d’un acte est défini par les autorités après que cet acte a été commis, les libertés individuelles sont en grand danger, a fait valoir l’avocat. Paulino Commandante s’est ainsi inquiété du fait que les catholiques de Macao pourront désormais être considérés comme ayant commis un crime par le simple fait d’être entrés en contact avec des communautés « clandestines » de l’Eglise catholique en Chine.
Pour Chio Chu-ching, secrétaire générale du Centre pour la pastorale des jeunes du diocèse de Macao, les jeunes qui ont pour habitude de discuter des problèmes de société sur Internet pourront se voir inquiétés. « Une fois le projet de loi voté, ils peuvent craindre de voir surveillés les commentaires qu’ils échangent sur les forums et d’être ensuite accusés d’enfreindre la loi sur la sécurité nationale », a-t-elle mis en garde, précisant que les jeunes vont réfréner leur liberté d’expression, ce qui conduira à un désengagement politique complet.
Enfin, Sr Beatrice Leung Kit-fun (5), professeur de sciences politiques dans des universités de Macao et de Hongkong, a déclaré espérer que les catholiques oseront faire entendre leur point de vue. Tant à Hongkong qu’à Macao, le principe « un pays, deux systèmes » ne peut fonctionner sans une expression libre des opinions, fussent-elles divergentes.
Durant les débats, un participant, Leong Bo-man, membre de la New Democratic Macau Association, a souligné le fait que, selon lui, le territoire de Macao, et en particulier son système judiciaire, n’était pas prêt pour une législation de ce type.
Le 23 novembre, près d’une centaine de manifestants, comprenant des fonctionnaires, des salariés du secteur privé, des étudiants ainsi que des militants pro-démocratie venus de Hongkong, se sont rendus devant le siège du gouvernement de Macao afin de signifier leur opposition au projet de loi.