Eglises d'Asie

A l’occasion du 50ème anniversaire des ordinations épiscopales illicites de 1958, le gouvernement réaffirme son attachement au principe d’indépendance de l’Eglise catholique de Chine

Publié le 25/03/2010




Le 19 décembre dernier, c’est dans le cadre solennel et très officiel de l’Assemblée nationale populaire, à Pékin, que, devant 45 évêques « officiels » et quelque 200 prêtres, religieuses et catholiques convoqués pour l’occasion par le gouvernement, les autorités chinoises ont rappelé les principes qui, selon elles, président à l’organisation de l’Eglise catholique de Chine.

La date correspondait au 50ème anniversaire des ordinations non reconnues par Rome de 1958, lorsque les PP. Bernadine Dong Guangqing et Yuan Wenhua furent ordonnés sans mandat pontifical, respectivement, pour les sièges épiscopaux de Hankou et Wuchang (province du Hubei), consommant ainsi une rupture avec le Saint-Siège entamée sept ans plus tôt par l’expulsion du nonce en Chine et confirmée en 1957 avec la création de l’Association patriotique des catholiques chinois, organisation chargée de mettre en œuvre la politique d’indépendance de l’Eglise de Chine vis-à-vis de l’Eglise universelle.

Dans le discours qu’il a prononcé à cette occasion et qui a été largement repris par la presse officielle, Du Qinglin, directeur du Front uni, l’organisation qui chapeaute les organismes de la société chinoise non directement affiliés au Parti communiste, a fait l’éloge des évêques et des prêtres qui, durant 50 ans, ont « tenu haut la bannière de l’amour de la patrie et de l’Eglise », ajoutant que le Parti « n’avait pas été déçu » par leur travail. Sur la question des relations avec l’Eglise universelle, Du Qinglin a répété la ligne officielle : « Le Vatican ne doit pas s’ingérer dans les affaires politiques intérieures de la Chine, y compris en utilisant la religion pour le faire. » Les deux conditions, bien connues, à l’ouverture d’un dialogue avec le Saint-Siège ont été répétées : rupture des relations diplomatiques avec Taiwan et non-ingérence dans les affaires intérieures de la Chine, en particulier sur la question de la nomination des évêques.

En présence de Ye Xiaowen, directeur de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses (ex-Bureau des Affaires religieuses), c’est Mgr Joseph Ma Yinglin, évêque de Kunming et secrétaire général de la Conférence des évêques « officiels », qui a prononcé le discours répondant à celui de Du Qinglin. Mgr Ma a été ordonné à l’épiscopat sans mandat pontifical, en 2006, et est systématiquement mis en avant par les autorités chinoises depuis le décès de Mgr Michael Fu Tieshan, évêque « officiel » de Pékin sans mandat pontifical décédé le 20 avril 2007.

Pour les observateurs, la cérémonie organisée à Pékin le 19 décembre est significative à un double titre. Premièrement, des signes concordants montrent que le gouvernement chinois cherche activement à imprimer sa marque sur l’Eglise catholique en Chine, notamment sur les questions relatives aux nominations de candidats pour les nombreux postes épiscopaux aujourd’hui vacants. Deuxièmement, la célébration de ce 50ème anniversaire et l’absence d’ouverture dont témoignent les discours prononcés à cette occasion s’inscrivent dans un contexte où, de son côté, le Saint-Siège tient à réaffirmer les principes mis en exergue par le pape Benoît XVI dans sa lettre aux catholiques chinois de juin 2007. En effet, dans une lettre en date du 22 avril 2008, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat, a écrit à tous les évêques légitimes – i.e. ceux reconnus par le pape – de Chine. Envoyée à 90 évêques, « officiels » ou « clandestins », actifs ou émérites, mais tous en pleine communion avec le pape, la lettre est parvenue à ses destinataires entre mai 2008 et ces dernières semaines, délais dus à ses modalités de distribution (1).

Dans sa lettre, le cardinal Bertone souligne « les principes fondamentaux de la doctrine catholique » et rappelle aux évêques que « le ministère de l’Episcopat » est un ministère de communion. Chacun des 90 évêques, dont, pour la première fois, la liste nominative est donnée, est appelé à assumer « avec courage la mission de Berger » afin de promouvoir la nature catholique de l’Eglise et d’obtenir une plus grande liberté d’action, le tout dans un dialogue direct et respectueux avec les autorités civiles. Plus concrètement, le cardinal enjoint les évêques à « agir ensemble » pour obtenir le droit de se réunir en tant que collège épiscopal et de discuter librement entre eux des sujets qui les intéressent. Sans citer nommément l’Association patriotique des catholiques chinois, le cardinal écrit que c’est en observant les principes décrits dans la lettre du pape en juin 2007 que les évêques chinois trouveront « l’attitude correcte à adopter » face à cette organisation (2). Le secrétaire d’Etat rappelle également aux évêques que les ordinations épiscopales en Chine ne doivent être menées que lorsqu’elles ont reçu « le mandat apostolique ».

La lettre du cardinal Bertone, qui se voulait discrète – elle n’a pas été publiée par Rome –, a été rapidement commentée sur des sites Internet et des blogs catholiques en Chine. Les noms des évêques qui étaient présentés par ordre alphabétique dans la lettre ont été repris par des sites qui les ont classés par province et avec leurs titres épiscopaux complets (3). Sur un site, on trouve même la liste des évêques qui n’ont pas été reconnus par le Saint-Siège. Contacté par l’agence Ucanews, Mgr Peter Fang Jianping, évêque coadjuteur « officiel » de Tangshan, ordonné sans mandat pontifical le 6 janvier 2000 puis légitimé en 2002, estime que l’existence de la liste éliminera les supputations auxquelles les uns et les autres se livrent sur le fait de savoir qui est un évêque légitime et qui ne l’est pas. Un autre évêque, présent sur la liste mais préférant s’exprimer sous le sceau de l’anonymat, dit apprécier l’appel du cardinal Bertone à voir les évêques demander la liberté de se réunir sans surveillance de la part des autorités, mais il ajoute qu’il est peu probable que cet appel se concrétise. Lui-même, dans son diocèse, rencontre de grandes difficultés à obtenir que ses prêtres se réunissent ; une réunion au plan national des évêques catholiques lui paraît encore plus difficile à obtenir. Un évêque « clandestin » du nord du pays affirme, quant à lui, sa bonne volonté à « maintenir des relations harmonieuses avec les autorités », mais fait part de sa perplexité face à cet objectif quand le gouvernement n’a de cesse, comme il vient de le faire ce 19 décembre, de réaffirmer les principes d’autonomie de l’Eglise catholique en Chine.