Eglises d'Asie

Le cardinal Zen Ze-kiun incite les évêques chinois à faire preuve de courage, l’ère du « compromis » avec le gouvernement étant passée

Publié le 25/03/2010




Par un article paru le 4 janvier dans les colonnes du Kung Kao Po, l’hebdomadaire en langue chinoise du diocèse catholique de Hongkong, le cardinal Zen Ze-kiun a lancé un vigoureux appel aux évêques « officiels » de l’Eglise catholique en Chine à se montrer courageux, notamment face à la perspective prochaine de la réunion de l’Assemblée nationale des délégués catholiques.

Cette instance, réunie théoriquement tous les cinq ans, est chargée d’élire les responsables de l’Association patriotique des catholiques chinois et ceux de la Conférence des évêques « officiels » de l’Eglise catholique de Chine (1).

Le 24 décembre, Mgr Joseph Zen avait fait savoir à la presse de Hongkong que le pape Benoît XVI avait accepté sa démission – demandée depuis plusieurs années – de la charge d’évêque de Hongkong ; la démission devrait être effective au cours du premier semestre de l’année 2009 et le cardinal a ajouté qu’elle le laisserait plus disponible pour suivre les affaires de l’Eglise en Chine. C’est dans ce cadre que le cardinal Zen a publié cet article intitulé : « Réflexions à propos du martyre de saint Etienne », premier martyr de la chrétienté (2).

Mgr Zen s’adresse directement à « [ses] frères dans l’épiscopat du continent chinois » pour leur dire : « N’ayez pas peur, prenez sur vous la croix que l’Histoire vous confie. A ce moment critique, le choix que vous ferez peut revitaliser l’Eglise ou bien la condamner à une longue agonie. Vous devrez répondre de cela devant l’Histoire et vous devez vous préparer à vous présenter debout, sans avoir à rougir, devant le jugement de Dieu. »

La vigueur du propos est à mettre en lien avec la tenue probable, dans le courant de l’année 2009, de l’Assemblée nationale des délégués catholiques. Le cardinal Zen craint que les pressions et les manœuvres du pouvoir chinois amènent des évêques « officiels » reconnus par Rome à prendre part aux élections organisées lors de l’Assemblée nationale des délégués catholiques, voire soient élus à la présidence de l’Association patriotique et à celle de la Conférence épiscopale « officielle ». Il rappelle, pour le regretter, qu’une bonne dizaine d’évêques « officiels » reconnus par Rome ont pris part aux trois ordinations conférées sans mandat pontifical en Chine en 2006.

Le gouvernement chinois a organisé, en leur donnant une certaine ampleur, en 2007, le cinquantième anniversaire de la fondation de l’Association patriotique et, en 2008, celui des premières élections et ordinations d’évêques non reconnus par Rome (3). La célébration de ces anniversaires tout comme les discours prononcés à ces occasions laissent à penser que Pékin n’a rien abandonné de ses prétentions à maîtriser les instances dirigeantes de l’Eglise catholique en Chine.

Dans cette perspective, les propos du cardinal Zen sont directs. Après avoir relevé que des « sessions d’endoctrinement » ont déjà eu lieu en Chine, apparemment en préparation à l’Assemblée nationale des délégués catholiques, Mgr Zen interroge : « Prendre part à une telle assemblée ne revient-il pas à poser un acte qui fait mine d’ignorer totalement la Lettre du pape ? N’est-ce pas équivalent à gifler le pape ? » Mgr Zen interpelle les évêques et le clergé chinois : « Votre conscience vous permet-elle cela ? Le peuple de Dieu acceptera-t-il cela ? Notre pays peut-il en être fier ? »

Le cardinal de Hongkong poursuit en encourageant les évêques du continent à prendre exemple sur saint Etienne, lapidé pour avoir proclamé le Christ devant le Sanhédrin. « Le compromis peut être une stratégie provisoire, mais cette situation ne saurait durer éternellement. Etre parfaitement uni au Saint Père en son for intérieur et en même temps faire partie d’une Eglise qui se dit autonome présente une contradiction dans les termes », écrit-il, en référence à des catholiques chinois « officiels » qui expliquent aux « clandestins » qu’ils doivent se résoudre au « compromis » car pour « continuer à assurer la pastorale des catholiques, il vaut mieux être en communion avec le pape tout en étant reconnus par les autorités ».

Selon le cardinal, « la lueur d’espoir » qui s’était fait jour après la publication de la lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois, diffusée le 30 juin 2007, semble n’avoir éclairé que l’année 2007. Depuis lors, on aurait pu penser que le contenu de la lettre du pape était assimilé, mais, pour Mgr Zen, il n’en est rien : la célébration et la mise en scène de l’anniversaire de 1958 « ne peut que laisser tout un chacun perplexe ».