Eglises d'Asie

L’Eglise catholique et les Nations Unies demandent l’arrêt des combats dans le nord du pays où se déroule une « tragédie humanitaire »

Publié le 25/03/2010




Prises sous le feu des armées gouvernementales qui s’attachent à réduire les derniers bastions des Tigres tamouls dans le nord du pays, les populations civiles ne peuvent quitter les zones de combat. Les responsables de l’Eglise catholique, les organismes humanitaires et les Nations Unies (ONU), tirent la sonnette d’alarme.En septembre dernier, Colombo a lancé une offensive qui se veut définitive…

… pour vaincre la guérilla tamoule sécessionniste, qu’il affronte depuis plus de vingt ans (1). Après avoir conquis Kilinochchi puis la stratégique Passe de l’Eléphant, les armées du gouvernement poursuivent actuellement leur avancée vers la péninsule de Jaffna, afin de relier l’enclave au reste des territoires récupérés sur les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). L’armée s’est attaquée au port de Mullaittivu, qui constitue un point essentiel de ravitaillement en armes du LTTE, dans la région de Vanni, au nord-est de l’île. Au fur et à mesure que l’étau se resserre autour des Tigres tamouls, les civils se retrouvent piégés dans la zone de conflit. Les bombardements, intenses, sur ces régions très peuplées ont augmenté ces dernières semaines. Certains civils tenteraient de gagner la péninsule de Jaffna, tandis que d’autres se seraient réfugiés dans les territoires contrôlés par le gouvernement, mais la plupart n’auraient pas réussi à franchir la ligne des combats.

La Croix-Rouge internationale (CICR) est la seule organisation humanitaire encore sur place depuis que les ONG ont été priées par le gouvernement d’évacuer le nord du Sri Lanka à l’automne dernier, avant la grande offensive contre les derniers bastions du LTTE. L’organisme international, qui négocie chaque jour avec les deux parties, peine à maintenir un couloir humanitaire pour acheminer les vivres et les médicaments dans les zones non contrôlées par l’Etat, ainsi que pour évacuer les blessés civils. Le dernier convoi, jugé largement insuffisant pour répondre aux besoins des victimes selon la Croix-Rouge, a été acheminé le 19 janvier après cinq jours de tractations.

Selon des sources religieuses locales, plus de 490 000 personnes, surtout dans la région de Vanni, ont été déplacées par les bombardements aériens et les tirs d’artillerie. Les fortes pluies des derniers mois ont balayé les routes, les abris précaires et ont provoqué une recrudescence de la malaria dans une région où la jungle domine. Dans les quelques camps de réfugiés qui ont pu accueillir une partie de ces populations, les conditions sanitaires ne cessent de s’aggraver.

L’évêque catholique de Jaffna, Mgr Thomas Savundaranayagam, a demandé instamment, dans une lettre datée du 15 janvier, adressée au président sri-lankais, aux Nations Unies et au CICR, la mise en place de couloirs humanitaires afin de permettre d’évacuer les milliers de civils bloqués dans les zones de combats. Il a également « [supplié] le gouvernement de cesser de bombarder les lieux de culte et les lieux d’habitation des civils ».

Le 13 janvier, dans une lettre intitulée « SOS – Cri d’agonie de la population de Vanni », le P. James Pathinathar, curé de l’église St-Pierre à Mullaittivu, avait déjà demandé l’intervention de l’ONU pour les civils de Vanni, pris sous le feu de l’armée. Comme une vingtaine de prêtres et une quarantaine de religieuses de cette région du Nord, il avait été contraint de fuir sa paroisse. Selon l’agence Ucanews (2) la lettre, écrite au nom des prêtres et religieuses catholiques de Vanni, adjure le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, « d’agir immédiatement afin d’arrêter cette guerre insensée et de mettre fin à la souffrance indescriptible des civils innocents de Vanni dont le quotidien est devenu une véritable lutte pour la survie ».

Les ONG présentes jusqu’en septembre 2008 et le UNHCR (3) craignant, dès le début de cette dernière offensive contre le LTTE, un véritable désastre humanitaire, avaient plusieurs fois demandé au gouvernement du Sri-Lanka, de préserver les civils et de maintenir des zones de sécurité pour les populations. Le 14 janvier 2009, dans son rapport au Conseil de sécurité à New York, John Holmes, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence pour les Nations Unies, a exprimé son inquiétude au sujet de ces milliers de civils piégés dans un espace de plus en plus restreint (4).

Colombo a annoncé mercredi 20 janvier que des avions militaires avaient largué des tracts dans la région des combats, appelant les civils à se rendre en « zone de sûreté », un espace de 35 km2 récemment établi par l’armée. Le gouvernement a assuré que les réfugiés seront alors transférés dans des territoires contrôlés par les militaires (5).