Eglises d'Asie

Les chrétiens s’unissent contre les violences interreligieuses et ethniques qui déchirent leur pays

Publié le 25/03/2010




Du 18 au 25 janvier dernier, à l’occasion de la semaine mondiale de prière pour l’unité des chrétiens, les différentes Eglises chrétiennes du Sri Lanka ont prié pour leur unité, une « nécessité » face à l’augmentation des violences, l’aggravation de la guerre civile et la menace d’adoption par le Parlement sri-lankais d’une loi anti-conversion. « En ces moments décisifs, …

nous avons besoin de faire l’unité », a déclaré Mgr Valence Mendis, évêque catholique de Chilaw, lors de la célébration œcuménique du 19 janvier qui s’est tenue dans les locaux de l’Armée du Salut, à Colombo.

Selon l’agence Ucanews (1), assistaient à la cérémonie 200 membres des Eglises catholique, anglicane, baptiste, méthodiste, mais également de l’Eglise de Ceylan (2), de la Mission pentecôtiste, de l’Eglise de l’Inde (3) et de l’Armée du Salut. Etaient présents aux côtés de Mgr Mendis, Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, et Mgr Cletus Chandrasiri Perea, évêque catholique de Ratnapura. Les participants ont prié pour être « des instruments de paix » et ont reconstitué une carte du Sri Lanka afin de symboliser l’union de leurs Eglises.

Cette semaine de prière suivait de peu la présentation devant le Parlement, d’un projet de loi anti-conversion, assorti d’un contrôle strict de la construction des lieux de culte ainsi que de l’interdiction du prosélytisme. Il s’agit de la dernière version d’un projet de loi régulièrement présenté au Parlement de Colombo depuis 2004 par le parti bouddhiste extrémiste Jathika Hela Urumaya (JHU) (4). En 2004, les organisations chrétiennes avaient récusé la constitutionnalité de ce projet de loi devant la Cour suprême (5), laquelle avait décrété que des modifications étaient nécessaires afin de le mettre en conformité avec la Constitution du Sri Lanka (6).

Après l’échec de nouvelles tentatives en 2005 et 2006 pour faire voter une loi anti-conversion, le JHU a proposé un projet remanié qui a obtenu l’approbation de la commission parlementaire chargée de l’étudier : il sera débattu en février prochain. Parallèlement, la « Commission sur les conversions illégales », instituée par le Congrès pan-bouddhiste de Ceylan (All Ceylon Buddhist Congress), a rendu public un rapport dénonçant les activités de 384 associations qui seraient, directement ou non, contrôlées par des Eglises ou auraient une affiliation religieuse.

Christy Nesaratnam, 56 ans, directeur d’école méthodiste, connaît bien le rapport de la Commission. Exprimant son inquiétude lors de la semaine pour l’unité des chrétiens, il a expliqué que la Commission demandait à ce que chaque organisation religieuse nouvellement enregistrée s’engage à ne faire de travail d’évangélisation qu’auprès des seules personnes faisant déjà partie de sa communauté de croyants et à ne convertir aucun membre d’une autre religion.

Selon Christy Nesaratnam, la Commission demande également à ce que chaque projet de construction d’un lieu de culte, temple, église ou mosquée, reçoive l’autorisation écrite du fonctionnaire d’Etat local. Il a ajouté que la peur des communautés bouddhistes face à la multiplication rapide des églises au Sri Lanka était à l’origine de ces demandes de réformes, rejoignant ainsi Mgr Mendis qui avait fait remarquer que le christianisme s’était étendu avec une telle rapidité que l’on pouvait voir aujourd’hui des églises dans presque chaque village de l’île (7).

Il concluait en disant que les chrétiens avaient besoin de trouver une approche commune pour affronter ces difficultés à venir, soulignant cependant les divisions au sein de la communauté chrétienne sri-lankaise. Dans la seule ville de Colombo, on dénombre plus d’une trentaine d’Eglises évangéliques différentes. « Réaliser l’unité est un grand défi », a reconnu, lors de la célébration œcuménique du 19 janvier, le Rév. Jayasiri Peiris, de l’Eglise anglicane, qui est également le secrétaire général du Conseil national chrétien du Sri Lanka.

Mgr Mendis, quant à lui, a déclaré que l’unité des chrétiens « n’était pas une option mais une obligation ». L’évêque catholique a rappelé les principaux obstacles à cette unité au Sri Lanka, de la dégradation générale des mœurs à la violation répétée des droits de l’homme, particulièrement dans le cadre de la guerre civile qui déchire aujourd’hui le pays.

Celle-ci fait rage en ce moment dans le nord-est de l’île où les combats s’intensifient autour des dernières poches de résistance des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE). Le 25 janvier, l’armée sri-lankaise a pris le port de Mullaittivu, dernière ville encore aux mains de la guérilla. Les populations civiles qui n’ont pu être évacuées sont toujours prises au piège dans la zone des combats, malgré les nombreux appels au cessez-le-feu lancés par la communauté internationale et les responsables des Eglises chrétiennes.

Jeudi 29 janvier, les équipes des Nations Unies ont évacué 350 personnes grièvement blessées, parmi lesquelles 50 enfants, après que les Tigres tamouls eurent empêché pendant une semaine les véhicules sanitaires affrétés par la Croix-Rouge internationale (CICR) et l’ONU, d’accéder aux victimes civiles de la région de Mullaittivu (8). Les troupes du gouvernement traquent, quant à elles, les quelque 2 000 Tigres tamouls, dont leur chef Velupillai Prabhakaran, qui se cachent dans une jungle où survivent de 150 000 à 300 000 civils. Dans les camps de personnes déplacées établis par l’armée gouvernementale, les Tamouls font l’objet de contrôles très étroits, les soldats cherchant à repérer les personnes qui ont collaboré avec les Tigres.