Eglises d'Asie

Le ministère de l’Intérieur revient sur une autorisation précédemment accordée aux publications chrétiennes d’utiliser le mot « Allah » dans leurs colonnes

Publié le 25/03/2010




Volte-face. C’est par ce terme que peut être caractérisée l’attitude du ministère fédéral de l’Intérieur en Malaisie, à propos d’une autorisation récemment accordée aux publications chrétiennes d’utiliser le mot « Allah » dans leurs colonnes, autorisation qui vient d’être reprise.Le 16 février dernier, en effet, le ministère de l’Intérieur avait fait savoir que…

… le Bureau de contrôle des publications autorisait les journaux chrétiens de Malaisie à user du terme « Allah » pour dire Dieu à la seule condition qu’il soit précisé dans leurs colonnes que ces publications n’étaient pas destinées à un public musulman. Puis, rapporte la presse locale, le 28 février, le ministre de l’Intérieur en personne, Syed Hamid Albar, a déclaré que son administration avait commis une erreur et que l’usage du terme arabe pour dire Dieu n’était pas autorisé aux publications non musulmanes.

La décision du pouvoir exécutif fédéral s’inscrit dans un contexte particulier. Depuis plusieurs années, l’Eglise catholique en Malaisie est en butte à l’administration sur cette question sémantique, l’Herald, l’hebdomadaire de l’archidiocèse de Kuala Lumpur, utilisant, dans sa section en langue malaise, le terme « Allah » pour dire Dieu. Ces deux derniers mois, le journal a continué de paraître en dépit d’une série d’injonctions du ministère de l’Intérieur interdisant l’usage de ce terme et menaçant de ne pas renouveler son autorisation de publication. L’archidiocèse a saisi la justice, souhaitant que l’affaire soit tranchée sur le fond et la Haute Cour de justice du pays devait rendre son verdict à ce propos le 27 février dernier (1). A ce jour, aucune nouvelle n’a été publiée quant à un éventuel jugement.

Sur cette affaire, le ministère de l’Intérieur est soumis à de fortes pressions de la part de certains groupes musulmans, qui affirment que les chrétiens cherchent à entretenir la confusion dans les esprits des musulmans en utilisant ainsi, en Bahasa Melayu (‘la langue nationale’), le terme Allah et d’autres termes issus de la langue arabe ; ils accusent les chrétiens de chercher à convertir les Malais, musulmans, au christianisme – accusation dont l’archevêque de Kuala Lumpur se défend. Pour sa part, Nik Aziz Nik Mat, leader spirituel du Parti Islam Se-Malaysia, (PAS, Parti islamique pan-malaisien), le principal parti islamique du pays (opposition), a déclaré que les non-musulmans devaient être autorisés à utiliser le terme Allah dans leurs textes.

De leur côté, des catholiques ont réagi. Dans la partie orientale de la Malaisie, dans les Etats de Sabah et de Sarawak, où vivent les deux tiers des 900 000 catholiques malaisiens, une pétition circule. Lancée le 4 mars sous l’intitulé : « Appel à reconsidérer l’usage du mot Allah », elle a été envoyée à tous les chefs de communauté et à toutes les paroisses. Son promoteur, Jeffrey Kitingan, est un homme politique de Sabah ; catholique, il s’est donné jusqu’au 29 mars pour rassembler le maximum de signatures afin d’amener le gouvernement fédéral à reconsidérer sa position. Le texte est consultable sur Internet et peut être signé en ligne (www.petitiononline.com/sabahan/petition.html). Adressé au Premier ministre Abdullah Badawi, il rappelle que « le mot Allah a toujours été utilisé par les chrétiens pour se référer à Dieu et que cet usage, dans leurs publications et prédications, n’a jamais été remis en question ». Dans ces deux Etats, situés sur l’île de Bornéo, la langue malaise est parlée par beaucoup d’indigènes chrétiens, et l’Herald constitue pour eux l’un des rares liens avec les communautés les plus retirées.
 

Selon des sources officielles des autorités malaisiennes, le pays comptait, en 2008, 60 % de musulmans, 19 % de bouddhistes, 9 % de chrétiens et 6 % d’hindous.