Eglises d'Asie

Dans les trois provinces à majorité musulmane du sud du pays, les rares catholiques vivent dans la peur

Publié le 25/03/2010




Dans les provinces de Narathiwat, Pattani et Yala, la violence sévit toujours : la région vit dans la peur des attaques menées par des groupes musulmans séparatistes (1). Lundi 23 mars, deux bombes ont explosé dans la province de Narathiwat, l’une fixée à une moto dans un marché et l’autre devant un café, faisant 11 blessés. Les engins, activés par téléphone portable, …

… ont explosé vers 7 h du matin, touchant essentiellement des populations civiles. La veille, une bombe placée dans une voiture de police avait été désamorcée à temps. Quatre jours auparavant, c’étaient des militaires, des ‘rangers’ de la province de Pattani, qui avaient été tués, leur véhicule ayant sauté sur une mine.

Selon le colonel Parinya Chaidilok, porte-parole de l’armée thaïlandaise, plus de 3 300 personnes ont trouvé la mort depuis le début de la vague de violences, qui a débuté en janvier 2004 dans la partie méridionale du pays (2). Ces cinq dernières années, il n’y a pratiquement pas eu de jours sans attentats, dans ces provinces où les populations d’origine malaise et de religion musulmane sont très fortement majoritaires.

Avec la recrudescence des attaques, les populations non musulmanes ont reflué plus au nord. Environ 70 000 bouddhistes, sur les 300 000 encore installés en 2004, ont fui la région et, selon l’agence Ucanews, les catholiques ne sont plus que 400 dans les trois régions touchées (3).

Le P. Gustav Roosens, 84 ans, prêtre salésien, explique combien son travail pastoral auprès de la communauté catholique ainsi que tous ses projets en cours, comme la lutte contre la drogue, les soins aux lépreux ou encore le développement rural, ont été gravement affectés par le climat d’insécurité qui règne dans les provinces du sud. Présent en Thaïlande depuis 53 ans, dont une vingtaine d’années dans la région de Pattani, le missionnaire est aujourd’hui au service des catholiques de deux paroisses et de quatre chapelles, réparties sur les trois provinces. Il reconnaît sans peine les difficultés à s’y déplacer dans un tel climat de violence (4).

Le missionnaire belge donne pour exemple le complexe scolaire de quatre étages de Nong Chik dans le district de Pattani : presque achevé, n’a jamais accueilli d’élèves, ceux-ci n’étant jamais venus par peur d’une attaque. Le bâtiment scolaire est aujourd’hui entouré par plusieurs bunkers de l’armée et des de soldats sont chargés d’assurer une surveillance permanente des lieux.

Le P. Roosens, qui aimerait aujourd’hui que le bâtiment soit reconverti en centre de réhabilitation pour drogués, sait cependant que ces derniers ont peur d’être confrontés aux autorités s’ils viennent s’y faire soigner. Malgré tout, le mois prochain, le prêtre quittera la région pour un congé de plusieurs mois, qu’il passera loin du sud thaïlandais. « Mais je veux revenir ici terminer mon travail inachevé », dit-il avec détermination.

Pendant l’absence du P. Roosens, le P. Suksan Chaopaknam sera le seul prêtre à desservir la région. Agé de 42 ans, le prêtre thaïlandais s’était porté volontaire pour y travailler en avril de l’année dernière, alors que la violence sévissait déjà en Thaïlande méridionale. Comme le P. Roosens, le P. Suksan confirme que traverser ces régions est très dangereux en raison de la fréquence des tirs et des embuscades. « Je ne me déplace que le jour, explique-t-il. Je dois dire en toute franchise que j’ai peur. Je suis totalement isolé de mes confrères. »

Le prêtre a récemment écrit à ses supérieurs pour demander son transfert, mais n’a pas encore reçu de réponse. En attendant, il s’accroche fermement à son devoir d’unique prêtre d’une région abandonnée : « Aussi longtemps qu’il n’y aura pas de prêtre pour me remplacer, je continuerai à travailler ici, dans la nuit de la violence. »