Eglises d'Asie

Les appels à un cessez-le-feu immédiat se multiplient afin d’éviter « l’extermination des civils »

Publié le 25/03/2010




La guerre qui sévit dans le nord-est du Sri Lanka ne montre aucun signe d’accalmie, malgré les nombreux appels au cessez-le-feu lancés par la communauté internationale. Les Nations Unies se sont déclarées particulièrement inquiètes du sort des civils retenus dans la zone des combats, dont le nombre est estimé entre 150 000 et 190 000 personnes (1).

Le 5 avril, le président sri lankais Mahinda Rajapakse a sommé les rebelles tamouls de se rendre, réitérant son refus de toute trêve des opérations militaires. Sa déclaration suivait une offensive de l’armée gouvernementale d’une particulière violence les 4 et 5 avril, bataille qui s’est soldée dimanche par la prise du village de Puthukkudiyiruppu. Selon le général Udaya Nanayakkara, porte-parole de l’armée, 420 séparatistes ont péri dans les combats. Il n’est fait mention d’aucune perte civile, bien que des sources humanitaires et chrétiennes affirment que les zones déclarées « sécurisées » à l’intention des civils par l’armée sri-lankaise, ont subi des tirs de mortier et des lancers de roquettes par hélicoptère, faisant parmi les déplacés, des centaines de blessés et de nombreux morts dont plusieurs enfants.

Depuis le 30 mars, les derniers membres des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) sont encerclés sur une petite partie du district de Mullaituvu, où des centaines de milliers de civils sont pris au piège entre les belligérants. Servant de bouclier humain aux Tigres qui les empêchent de fuir, pilonnés par l’armée, y compris dans les zones « protégées », coupés de tout secours autant alimentaire que médical, ils sont coincés sur une minuscule langue de terre de quelques kilomètres carrés (2).

Les rares ONG tenant des hôpitaux de fortune en dehors des zones de combat et recueillant les blessés évacués par le bateau du Comité international de la Croix-Rouge (CICR ) – qu’il faut rejoindre au large la plupart du temps à cause des tirs –, confirment les bombardements quotidiens des « safety areas », causant chaque fois de nombreux morts et blessés, dont un nombre grandissant d’enfants. Parmi les blessés qui arrivent dans un état grave, beaucoup ne survivent pas à leurs blessures. L’ensemble des refugiés souffre de dénutrition avancée, de manque de soins et de plaies infectées parfois depuis des semaines, nécessitant des amputations (3).

Depuis plusieurs mois, les évêques catholiques et anglicans du Sri Lanka, aux côtés du CICR, dénoncent les conditions « désespérées » dans lesquelles vivent ces quelque 200 000 déplacés. Une situation qui est régulièrement niée par le gouvernement de Colombo, qui ne fait état de son côté que de 55 000 civils ayant « fui les territoires occupés par le LTTE pour se rendre dans les aires sécurisées sous contrôle gouvernemental » (4).

Dans une déclaration du 25 mars dernier, des évêques catholiques et anglicans du Sri Lanka ont lancé un appel urgent, dénonçant « la situation de plus en plus désespérée des civils pris au piège » qui doivent être « secourus sans délai». Les cinq évêques, Mgr Thomas Savundaranayam, évêque catholique de Jaffna, Mgr Rayappu Joseph, évêque catholique de Mannar, Mgr Norbert Andradi, évêque catholique d’Anuradhapura, Mgr Kumara Illangasinghe, évêque anglican de Kurunagala, Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, demandent aux deux parties « au nom de [leurs] religions et de [leur] humanité commune » d’avoir « l’humilité et le courage » de permettre la poursuite de l’acheminement des vivres par le Programme alimentaire mondial, l’évacuation par mer des blessés par le CICR, la mise en place de négociations et d’un cessez-le-feu pour mettre les civils à l’abri.

Depuis Jaffna, Mgr Thomas Savundaranayam, qui multiplie les actions afin d’alerter l’opinion internationale (5), a fait parvenir également au président du Sri Lanka, le 13 mars dernier, une lettre dans laquelle il disait craindre « l’extermination totale » des milliers de civils coincés dans la zone, s’ils n’étaient pas évacués dans les plus brefs délais.

Faisant écho à la « déclaration des cinq évêques », le jeudi 26 mars, à l’issue de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU où la guerre au Sri Lanka était à l’ordre du jour pour la seconde fois, John Holmes, sous-secrétaire général aux Affaires humanitaires, a qualifié la situation « d’extrêmement inquiétante ». Il a déclaré que les Nations Unies avaient réitéré leur demande auprès du LTTE comme du gouvernement sri-lankais, d’une « trêve humanitaire » afin de permettre aux civils de se réfugier en territoire sécurisé. De nombreux Etats se sont manifestés avec la même requête, en particulier la Grande-Bretagne et l’Union européenne (6). « L’engagement des Nations Unies signifie que le gouvernement du Sri Lanka ne peut avoir le moindre doute quant à l’inquiétude de la communauté internationale au sujet de cette situation humanitaire », affirmait encore le 2 avril, le secrétaire d’Etat à la Défense britannique, David Miliband.

Après avoir semblé céder aux doubles remontrances des chrétiens et de la communauté internationale en annonçant le 30 mars un bref cessez-le-feu, le temps d’évacuer les civils, le gouvernement sri lankais a aussitôt fait volte-face. Le 31 mars, le président Mahinda Rajapakse récusait fermement l’idée d’une « trêve humanitaire » et déclarait : « Nous ne céderons ni aux pressions locales ni aux pressions internationales et ne cesserons pas la lutte contre les rebelles tant que la guerre ne sera pas complètement achevée », arguant du fait qu’il ne souhaitait pas laisser le temps aux Tigres de se réarmer (7).

Le 3 avril dernier, le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, renouvelait ses injonctions, se déclarant « profondément perturbé » par le « drame humanitaire » se jouant dans la région de Vanni : « Des informations fiables indiquent que les LTTE empêchent [les civils] de partir, y compris en tirant sur eux. » Il enjoignait à nouveau les deux parties à instaurer immédiatement un cessez-le-feu, demandant aux Tigres tamouls de laisser les civils quitter la zone, et au gouvernement sri lankais de cesser de pilonner les zones qu’il avait lui-même qualifiées de « sécurisées » (8). « Le gouvernement devrait recevoir et traiter les personnes déplacées conformément au droit international et travailler étroitement avec les Nations Unies pour fournir une protection et répondre aux besoins physiques des personnes déplacées », a-t-il ajouté.

Mais, avec la toute récente victoire de l’armée sri-lankaise à Puthukkudiyiruppu, l’étau qui se resserre autour des derniers Tigres tamouls et de leur chef que l’on dit toujours vivant ne laisse pas beaucoup d’espoir à une entente entre les deux parties, lesquelles ne semblent pas vouloir laisser les civils s’échapper avant le dernier acte de la guerre.