Eglises d'Asie

Des milliers de civils fuient la zone des combats

Publié le 25/03/2010




Lundi 20 avril, le président sri-lankais Mahinda Rajapakse annonçait que l’armée avait ouvert une brèche dans la ligne de fortification des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), permettant à des milliers de civils de fuir la zone des combats où ils étaient piégés depuis plusieurs semaines dans des conditions qualifiées de « désespérées » par la communauté internationale (1).

Martelant que la « défaite complète » de la guérilla était désormais consommée, le chef de l’Etat avait donné 24 heures (jusqu’à mardi 21 avril, midi – heure locale -) aux Tigres et plus particulièrement à leur chef Velupillai Prabhakaran, dont on ne sait s’il est toujours en vie, pour « se rendre ou mourir ».

Cet exode massif de civils s’est produit alors que se multipliaient dans le monde les manifestations de soutien aux populations tamoules du Sri Lanka (2) ainsi que les appels au cessez-le-feu des principaux organismes internationaux, de l’ONU, de l’UNICEF, ou encore des Etats qui se sont proposés comme médiateurs dans le conflit (3).

La trêve de 48 heures (les 13 et 14 avril), décrétée par Mahinda Rajapakse pour célébrer le Nouvel An bouddhiste, s’était achevée sans avoir permis l’évacuation humanitaire des civils, telle que l’avait demandée la communauté internationale (4). Après avoir refusé la prolongation du cessez-le-feu, les demandes de négociations des séparatistes tamouls, puis les propositions de médiation internationale, Colombo avait annoncé l’assaut final contre les Tigres, déclarant s’engager dans « la plus grande opération au monde visant à sauver des otages » (5). Avec la reprise des combats, plus violents que jamais (des sources pro-tamoules ont fait état de près de 200 morts parmi les civils, trois heures seulement après la fin du cessez-le-feu, chiffres démentis par le gouvernement), de nombreuses voix s’étaient jointes à celle de John Holmes, coordinateur des secours d’urgence de l’ONU, lequel avait déclaré craindre « un bain de sang » pour les populations civiles. De son côté, l’évêque de Jaffna, Mgr Thomas Savuntharanayagam, qui avait souligné la concomitance des fêtes de Pâques et du Nouvel An sri-lankais, célébrations rassemblant les deux communautés dans « la même paix », avait supplié le LTTE et le gouvernement de « stopper la guerre et d’autoriser la population à se mettre en sûreté » (6).

C’est dans ce contexte de plus en plus tendu, que l’armée sri-lankaise a annoncé le 20 avril être entrée dans la zone d’une quinzaine de km2 dans laquelle se retranchaient les rebelles, piégeant également avec eux 150 000 à 190 000 civils. Après avoir annoncé dimanche 19 avril le « sauvetage » de quelque 5 000 personnes, les forces armées ont diffusé le lundi 20 avril la nouvelle de l’exode de dizaines de milliers de civils rejoignant les territoires sous le contrôle du gouvernement. Le site Internet des rebelles, a dénoncé quant à lui, le massacre par les forces armées de « centaines de civils ».

S’appuyant sur des images vidéo aériennes, le président sri-lankais a déclaré à l’AFP qu’une foule de gens « dont le nombre ne pouvait encore être fixé », mais qu’il évaluait à 35 000 civils, s’était échappée à pied ou à la nage, de la zone des combats. Pour le moment, la plupart des réfugiés seraient bloqués dans les zones de checkpoint où les militaires vérifieraient qu’aucun rebelle ne se serait glissé parmi eux. Il a été rapporté, mais sans aucune confirmation officielle, trois attentats-suicides de Tigres tamouls dans cette zone de contrôle, lesquels auraient fait 17 morts et 200 blessés, toujours selon des sources militaires.

Si la guérilla des Tigres tamouls, que l’on disait la plus puissante d’Asie, semble aujourd’hui en passe d’être écrasée comme s’y était engagé Mahinda Rajapakse lors de son élection en 2005, le conflit entre Tamouls et Cinghalais en revanche, n’aura cessé de se durcir au fur et à mesure que s’intensifiait la tragédie humanitaire des civils au nord du pays.

Les Eglises chrétiennes du Sri Lanka qui s’emploient depuis le début de la guerre civile à tenter de réconcilier les deux communautés, ont conscience des difficultés que devront affronter ces populations, quelle que soit l’issue du conflit. Dans leur message de Pâques, Mgr Oswald Gomis, archevêque catholique de Colombo et président de la Conférence épiscopale du Sri Lanka, Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, et le P. Sebastian Maria Anthony, provincial des jésuites du Sri Lanka ont ainsi appelé à prier pour « la paix dans le pays et la fin des souffrances de la population civile » et ont réitéré leur conviction que le conflit ne pouvait trouver de règlement que par le dialogue et non par la force.