Eglises d'Asie

L’Eglise catholique et la communauté internationale viennent en aide aux déplacés tamouls mais ne peuvent obtenir un cessez-le-feu

Publié le 25/03/2010




Au nord-est du Sri Lanka, l’exode des civils ayant réussi à s’échapper de la zone des combats depuis le 20 avril dernier (1) se tarit progressivement, alors que des milliers de personnes sont toujours prises au piège avec les derniers Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), sur une bande côtière de moins de 9 km2. Encerclés par les forces armées du gouvernement et retenus…

… par les rebelles séparatistes, ces déplacés sont en passe d’être anéantis dans la dernière phase de la guerre civile meurtrière qui oppose Colombo aux Tigres tamouls, depuis plus de trente ans.

Impuissants à obtenir des deux parties de laisser les civils sortir de la zone des combats, la communauté internationale, les organismes humanitaires et les Eglises chrétiennes du Sri Lanka, tentent de porter secours aux déplacés et aux blessés qui affluent dans les camps surpeuplés du gouvernement et les hôpitaux de campagne, dénués de tout matériel. Le 23 avril dernier, Colombo a demandé l’aide internationale pour gérer ce qui est considéré d’ores et déjà comme une véritable catastrophe humanitaire. Près de 150 000 personnes, selon les rapports officiels, s’entasseraient dans les 15 camps d’accueil, conçus comme des unités de transit et dont les capacités sont totalement dépassées. Les personnels de l’ONU et de MSF présents à Vavuniya parlent d’un afflux ingérable d’hommes, de femmes et d’enfants très gravement blessés, ayant été privés de soins, de nourriture depuis des mois, et accueillis dans des conditions très difficiles, aussi bien matérielles que psychologiques (2).

Le P. Anthony Victor Sosai, vicaire général du diocèse de Mannar, situé au nord-ouest de l’île, explique que les chrétiens, de par leur neutralité, sont plus facilement autorisés à venir en aide aux milliers de réfugiés des camps du gouvernement de Vavuniya et de Jaffna. Alors que les membres des ONG ne peuvent entrer librement dans les camps, « les religieuses et les prêtres ont la permission d’y venir le dimanche pour célébrer la messe et apporter du réconfort aux déplacés », rapporte le P. Sosai (3).

La communauté catholique de Mannar a pu également faire parvenir aux populations tamoules des vêtements et des produits d’hygiène, mais a conscience de l’ampleur des besoins : « La situation est terrible, s’inquiète le prêtre. Nous avons lancé des appels de fonds dans les paroisses, mais nous avons besoin de tellement plus… » Son diocèse accueillera probablement sous peu des camps de réfugiés, l’UNHCR, l’Unicef, le CICR et la Caritas locale ayant prévu d’y installer des structures pour pallier celles, insuffisantes, des régions de Jaffna et de Vavuniya (4).

Parmi les prêtres et les religieux qui prennent part à des opérations de secours, un certain nombre d’entre eux ont été gravement blessés au cours des dernières semaines, comme le P. Vasanthaseelan, 35 ans, directeur de la Caritas de Vanni, qui a dû être amputé des jambes après l’explosion d’une bombe à l’église St Anthony de Valaignarmadam, dans le district de Mullaitivu. Un autre bombardement à l’église Ste Mary, toujours à Valaignarmadam, a blessé également le P. James Pathinathan, membre de la Commission nationale pour la Justice, la Paix et le Développement.

Malgré les appels de plus en plus pressants de l’ensemble de la communauté internationale (5) et les exhortations de l’ONU, qui a dépêché à Colombo, le 24 avril, son responsable aux Affaires humanitaires, John Holmes, rien ne semble arrêter le gouvernement sri-lankais dans sa volonté d’en finir avec la rébellion tamoule, ni les Tigres dans leur refus de rendre les armes. Selon les Nations Unies, plus de 7 000 civils ont été tués depuis « l’offensive finale » lancée en janvier dernier par Colombo contre le LTTE. Quant au nombre des civils coincés dans la zone des conflits, il est totalement invérifiable et varie selon les sources ; l’ONU les évalue à environ 50 000, Colombo à 15 000 et les Tigres à 160 000.

Le 25 avril, John Holmes a appelé « le LTTE à laisser partir le reste des civils et à déposer les armes (…) et le gouvernement à exercer la plus grande retenue, notamment en n’utilisant aucune arme lourde », laissant en outre les organisations humanitaires « avoir accès à tous les déplacés à l’intérieur du pays, où qu’ils soient, y compris dans la zone de conflit ». Cette demande des Nations Unies est intervenue alors que le président Mahinda Rajapakse venait de refuser un cessez-le-feu « humanitaire » décrété unilatéralement par les Tigres (6). « A quoi servirait un cessez-le feu alors qu’ils sont en pleine débâcle ? », a déclaré le secrétaire à la Défense, Gotabhaya Rajapakse, frère du président, ajoutant que le LTTE devait se rendre sans condition.

Lundi 27 avril, les combats ont repris, malgré une infime concession faite par Colombo à la communauté internationale : « Le gouvernement du Sri Lanka a décidé que les opérations de combat arrivaient à leur fin (…). Les forces armées ont reçu l’ordre de cesser d’utiliser armes lourdes, avions de combat et bombardements aériens qui pourraient provoquer des victimes parmi les civils (…). Nos forces de sécurité se cantonneront au sauvetage des civils qui ont été pris en otages (…) » (7). Cependant, le site Internet proche de la rébellion séparatiste, tamilnet, fait état, quelques heures après cette déclaration, de deux attaques aériennes avec bombardements, ayant fait de nombreux morts et blessés, et le site de l’armée sri-lankaise lui-même, fait l’éloge de la destruction le même jour, par ses unités, de bateaux appartenant aux rebelles, sans préciser si des civils ont été touchés (8).