Eglises d'Asie

Un an après le passage du cyclone Nargis, l’Eglise catholique réunit les différentes confessions religieuses du pays pour une célébration commémorative

Publié le 16/04/2010




En Birmanie, il y a un an, dans la nuit du 2 au 3 mai 2008, un cyclone particulièrement violent s’abattait sur le delta de l’Irrawaddy, le traversant d’ouest en est. Le cyclone amenait avec lui une vague immense qui balayait près de 5 000 km2 de terres, rayant de la carte des villes et des villages entiers. Le bilan a été officiellement évalué à plus de 140 000 morts ou disparus, …

… et deux millions de sinistrés. Selon les Nations Unies, toujours présentes dans le delta de l’Irrawaddy, des centaines de milliers de rescapés vivent toujours aujourd’hui dans des conditions très précaires (1).

A l’approche de la date anniversaire du drame, la plupart des survivants ont commencé à se préparer pour les cérémonies du souvenir, d’une très grande importance pour les bouddhistes birmans. Nombre d’entre eux, qui ont pourtant tout perdu dans le cataclysme, se sont endettés pour faire les dons aux bonzes prévus par les rites, afin de donner aux défunts la possibilité de se réincarner dans une vie meilleure. Malgré le traumatisme national, la junte au pouvoir n’avait cependant prévu aucune commémoration officielle, mais des cérémonies privées ont eu lieu à travers tout le pays, dans les monastères bouddhistes, sur les lieux du drame, et dans les églises chrétiennes.

L’Eglise catholique, très minoritaire en Birmanie (2), s’était particulièrement investie dans les secours aux sinistrés, s’appuyant sur les associations locales et les diocèses – les deux diocèses les plus touchés avaient été ceux de Rangoun et de Pathein –, alors que l’aide internationale était bloquée par la junte (3). Mgr Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun, s’était alors réjoui de la solidarité qui avait surgi, églises chrétiennes et monastères bouddhistes accueillant indistinctement tous les réfugiés, l’ampleur du drame effaçant les anciens antagonismes. « La compassion a explosé comme une forme de guérison après le déluge du mal, avait-il déclaré à l’agence Fides, le 18 juin 2008, (…) et des gestes spontanés de charité ont conduit des bouddhistes et des chrétiens à se nourrir et à s’aider les uns les autres. »

C’est ce thème de la compassion « langage commun de la population birmane », que le prélat a repris lors du grand rassemblement interreligieux organisé le 2 mai dernier à la cathédrale St Pierre de Pathein, afin de commémorer la catastrophe survenue il y a un an, jour pour jour. Le prélat a ainsi rappelé comment des moines bouddhistes avaient risqué leur vie pour sauver des chrétiens emportés par les eaux en furie, pendant que des volontaires catholiques apportaient des colis de première urgence, de l’aide alimentaire et des médicaments dans les villages bouddhistes. Tout autant d’actions qu’il aurait semblé impossible d’imaginer avant le cataclysme.

Les autres minorités religieuses avaient également participé au même élan de solidarité : « Nos frères musulmans de Rangoun ont organisé l’une des plus grandes distributions d’aide alimentaire d’urgence. Les temples hindous ont fourni des repas communautaires. Nous étions Un, nous étions une seule et même famille », a déclaré Mgr Bo devant l’assistance présente à la cathédrale, comprenant de nombreux représentants catholiques, dont Mgr John Hsane Hgyi, évêque de Pathein, des responsables des communautés protestante, musulmane, hindoue, bouddhiste, ainsi que les autorités locales. « Nous sommes rassemblés ici pour affirmer notre humanité commune, une humanité qui a été capable d’être émue par la douleur d’autrui, qui s’est empressée d’aider ses frères et sœurs blessés, démontrant le pouvoir sans limites de la compassion », a-t-il poursuivi.

Rappelant que le cyclone avait frappé sans distinction ethnique ou religieuse, le prélat a souligné que la compassion était une composante essentielle des religions, citant à l’appui, le Sermon sur la montagne donné par le Christ à ses disciples, la Karuna, « l’une des Nobles Vérités du bouddhisme », ou encore, dans l’islam, l’une des dénominations de Dieu « miséricorde et compassion ».

Mgr Bo concluait : « La compassion a unifié la nation, brisant toutes les frontières qui nous divisaient (…). Aujourd’hui, nous pleurons nos proches, mais nous savons que leur mort n’a pas été vaine. Désormais, partout où des êtres humains souffrent, nous nous rappellerons ceux qui sont morts l’an dernier et nous nous souviendrons que nos actes charitables envers ceux qui souffrent sont l’acte le plus méritant rendu à leur mémoire. » S’adressant à l’ensemble d’une population à majorité bouddhiste, les termes d’« actes de mérite » choisis par le prélat ont un sens bien précis pour les disciples birmans du Bouddha, pour lesquels l’acquisition de « mérites » de la part des vivants est primordiale pour le repos de leurs défunts.