Eglises d'Asie

Les Eglises chrétiennes viennent au secours de leurs fidèles obligés de fuir les combats entre les talibans et l’armée pakistanaise

Publié le 25/03/2010




Alors que les civils fuient par dizaines de milliers la vallée de Swat et sa région, où les combats entre l’armée gouvernementale et les talibans font rage, l’Eglise catholique organise les secours et l’accueil des chrétiens. « J’étais sorti pour mon travail quand un obus est tombé sur notre maison », raconte Niaz Masih, qui travaille dans une usine de cosmétiques de la vallée de Swat.

Avec son père et ses deux sœurs, le jeune homme a marché environ 20 km avant de trouver une voiture. Quant à Zarina Faraz, elle a eu juste le temps de rassembler un peu d’argent et quelques vêtements avant de fuir Swat avec ses six enfants. « La situation s’aggravait chaque jour. Des hommes cagoulés occupaient les carrefours principaux. Les talibans tuaient qui ils voulaient » (1).

Ils ont fini par trouver refuge avec une trentaine d’autres familles chrétiennes, à Mardan, dans le centre de formation pour les vocations de la Church of Pakistan (2), dans la Province de la frontière du Nord-Ouest, théâtre du conflit. Les déplacés, qui sont arrivés par les moyens du bord, à pied, à bicyclette ou en voiture, ont été installés dans deux grandes salles, l’une réservée aux hommes et l’autre aux femmes. Bon nombre d’entre eux ont été blessés et sont soignés par deux médecins de l’hôpital appartenant à la mission de la Church of Pakistan de Peshawar. Les chrétiens de la région fournissent des repas et ont collecté des dons, tandis qu’un parti politique musulman local offrait, lui aussi de l’aide alimentaire. « Vous êtes nos enfants. En tant que chrétiens, nous partageons votre souffrance. L’Eglise fera tout ce qu’elle peut pour vous aider », a assuré aux réfugiés Mgr Mano Rumal Shah, évêque de la Church of Pakistan à Peshawar, qui leur a rendu visite le 12 mai dernier.

Après les persécutions dont ils ont été victimes dès l’application de la charia par les talibans de la vallée de Swat (3), les chrétiens ont fui, avec des milliers d’autres réfugiés, la zone d’affrontement entre les militaires et les rebelles islamistes. Dans les camps installés à la hâte et surpeuplés, les chrétiens sont à nouveau victimes de discriminations, comme l’a constaté Nazir S. Bhatti, président du Congrès chrétien du Pakistan (Pakistan Christian Congress, PCC), un parti politique chrétien : « Le personnel affecté à l’enregistrement dans les camps ne les accepte pas sous prétexte que les familles musulmanes déplacées ne peuvent partager la nourriture destinée aux chrétiens, ou celle qui est préparée par des chrétiens ou distribuée par eux. » Nazir S. Bhatti a demandé au ministre fédéral des Minorités de mettre en place des camps séparés et de prendre des mesures afin d’aider les chrétiens à quitter la vallée de Swat, soulignant qu’ils sont victimes d’abus divers les empêchant de fuir, notamment de la part des organismes de transports publics (4). Fazaz, 45 ans, explique : « Nous avons dû payer 2 000 roupies pour chaque passager afin d’aller en territoire sûr. D’habitude, le trajet n’est que de 80 roupies. »

Parallèlement à l’organisation des secours pour les réfugiés, l’Eglise catholique au Pakistan a multiplié les rassemblements interreligieux appelant à l’unité et à la paix, et les réunions de prière. A l’issue d’une veillée de prière le 14 mai dernier, Mgr Joseph Coutts, évêque catholique de Faisalabad, dans la province du Pendjab, a rappelé que si « la prière était la clé de la paix », il restait important de « condamner l’extrémisme ». Il a ensuite publié avec le P. Nisar Barkat, directeur de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’, une déclaration dans laquelle l’Eglise catholique demandait au gouvernement de garantir aux civils piégés par les talibans le droit d’être secourus, mis en sûreté et aidés (5).

Le Pakistan vit actuellement le plus grand exode de son histoire depuis sa fondation en 1947. Selon l’UNHCR, qui a annoncé, le 16 mai dernier, que le cap du million de déplacés avait été passé, dont 100 000 seulement ont été accueillis dans des camps, la situation, déjà considérée comme une catastrophe humanitaire, est en passe de s’aggraver si les bombardements aériens et tirs de mortier se poursuivent, ceux-ci touchant plus largement les civils.

Mais, le lundi 18 mai, l’armée pakistanaise a annoncé continuer à pilonner les repaires des insurgés à Swat et à assiéger Mingora, chef-lieu du district de Swat, où le gouvernement considère que la majeure partie des troupes rebelles sont retranchées, si l’on excepte les autres bastions talibans, situés dans les zones tribales semi-autonomes sur la frontière afghane (6).