Eglises d'Asie

L’Eglise catholique, qui a versé un lourd tribut à la guerre civile, se bat pour libérer ses prêtres détenus dans des camps de déplacés

Publié le 25/03/2010




De Mannar et Jaffna, les deux diocèses du nord du Sri Lanka, celui de Jaffna où la dernière phase de la guerre entre l’armée du gouvernement et les Tigres tamouls s’est déroulée, a été le plus durement éprouvé ; le P. Justin B. Gnanapragasam, vicaire général du diocèse, parle d’une situation « absolument terrifiante ». Son évêque, Mgr Thomas Savundaranayagam, …

… rapporte qu’une vingtaine de paroisses ont été totalement détruites dans les régions de Killinochchi et Mullaitivu. Les églises, couvents et centres d’accueil pour enfants et personnes âgées ont été également fortement touchés. Quant aux pertes humaines, elles restent pour le moment encore difficiles à estimer ; des centaines de personnes au service de l’Eglise, de nombreux prêtres et religieux ont été tués, gravement blessés ou portés disparus, comme le P. Francis Joseph, 70 ans, lors de l’assaut final de l’armée sri-lankaise le 18 mai dernier.

Parmi les ecclésiastiques gravement blessés lors du bombardement de leurs églises, le P. James Pathinathan, membre de la Caritas et de la Commission nationale pour la Justice, la Paix et le Développement, se remet de ses blessures, tandis que le P. Vasanthaseelan, également directeur de l’une des Caritas du diocèse, attend d’être appareillé d’une jambe artificielle pour remplacer celle perdue lors d’une attaque le 23 avril dernier (1).

Tous ces prêtres et religieux avaient souhaité rester partager le sort de leurs fidèles (2). Certains ont succombé à leurs côtés, comme le P. Mariampillai T. Sarathjeevan, 41 ans, décédé d’un arrêt du cœur le 18 mai, jour de la reddition du LTTE. L’urne contenant les restes du prêtre tamoul, curé d’Urutharapuram, a été inhumée le 30 mai dernier dans le cimetière catholique de Jaffna, avec les dépouilles de centaines d’autres victimes de la guerre. Lors de la cérémonie, Genard Savarimuththu, un vieil ami du défunt, a souligné que « ce prêtre d’un grand courage était resté avec ceux qu’il servait, jusqu’au dernier jour de la guerre ».

L’inquiétude cependant demeure pour les ecclésiastiques qui sont toujours détenus dans les camps de réfugiés. Mgr Thomas Savundaranayagam confirme que cinq de ses prêtres sont retenus dans le camp de Vavuniya. Il a écrit au ministère de la Défense afin de demander leur libération, rappelant qu’« ils avaient été secourus par les militaires qui les avaient sortis de la zone de guerre. Ils travaillaient là-bas au service de la population ». Le secrétaire de l’évêque de Jaffna, le P. Genolton Vijintus Rajanayagam, exprime les mêmes inquiétudes : « Nous sommes dans l’ignorance totale des raisons pour lesquelles ces prêtres sont détenus dans ces camps » (3).

Le gouvernement sri-lankais a annoncé officiellement, le 19 mai dernier, sa victoire sur les séparatistes tamouls, mettant fin à une guerre civile de plus de trente ans, à l’issue de trois mois de combats d’une grande violence dans le nord de l’île où s’étaient retranchés les Tigres tamouls, piégeant avec eux des dizaines de milliers de civils (4). Le nombre des morts ne fait toujours pas l’objet d’un bilan officiel mais Mgr Savundaranayagam affirme que, dans la dernière bataille, 20 000 personnes au moins ont perdu la vie.

Quant aux déplacés, ils sont actuellement plus de 300 000, regroupés dans une quarantaine de camps contrôlés par l’armée, à Jaffna, Mannar, Vavuniya et Trincomalee. Les conditions de vie dans ces camps surpeuplés sont plus qu’inquiétantes : sans installations sanitaires, eau, nourriture et médicaments en quantité suffisante, les réfugiés sont la proie d’épidémies que les ONG, qui n’ont qu’un accès restreint aux camps, se déclarent incapables d’enrayer. « [Nous ne pouvons] fournir l’aide d’urgence qui est nécessaire, y compris pour l’approvisionnement en eau et en nourriture », a reconnu un responsable humanitaire sous le couvert de l’anonymat.