Eglises d'Asie

L’Eglise catholique soutient les minorités ethniques

Publié le 25/03/2010




En mai dernier, lors de l’ordination épiscopale de Mgr Francis Xavier Vira Arpondratana, nouvel évêque de Chiang Mai, diocèse le plus septentrional de la Thaïlande, les catholiques issus des minorités ethniques dites « tribus des collines » ont été nombreux à assister à l’événement. Entourant les 600 prêtres et religieuses, Akha, H’mong, Karen et Lahu sont venus accueillir le prélat…

… avec des chants folkloriques. Selon les statistiques de l’Eglise de Thaïlande, le diocèse de Chiang Mai compte 51 000 catholiques, dont 70 % sont issus des ethnies minoritaires, essentiellement karen (1). En raison de la forte activité missionnaire du diocèse du nord, qui couvre huit provinces, ce dernier est en passe de devenir la circonscription comptant la plus forte proportion de catholiques, risquant même de devancer celle de la capitale, Bangkok.

Dans ce pays majoritairement bouddhiste (2), un nouveau visage de l’Eglise semble désormais se dessiner, avec l’accroissement de la communauté catholique issue des minorités ethniques, spécialement chez les Karen, dans le nord du pays. Une évolution qui tranche avec la place traditionnelle de l’Eglise en Thaïlande dont le nom est souvent associé à des écoles de prestige destinées aux élites. Or, c’est aujourd’hui auprès des minorités opprimées que l’activité missionnaire se concentre.

Depuis des dizaines d’années, les « peuples des collines » luttent pour préserver leur mode de vie et leur culture, face à la politique d’assimilation de l’Etat thaïlandais et aux avancées de la civilisation moderne. L’Eglise catholique s’engage de plus en plus à leurs côtés, comme l’explique le P. Prasit Rujirat, directeur de la Commission pour les groupes ethniques (CEG) de la Conférence épiscopale des évêques catholiques de Thaïlande et organisateur du colloque, le 28 mai dernier, à l’Espace St Thomas à Bangkok sur le thème « Jeunes des groupes tribaux : l’éducation à l’ère de la mondialisation ». La CEG collabore ainsi avec différents organismes, comme la Caritas-Thaïlande, afin d’aider les minorités ethniques en les formant à la connaissance de leurs droits, en les aidant à récupérer leurs terres ou à obtenir des cartes d’identité, et en organisant des campagnes de sensibilisation de la société civile aux problèmes des « peuples des collines ».

Lors de ce colloque qui rassemblait des jeunes issus de ces ethnies, des membres de l’Eglise catholique et des acteurs de l’aide en faveur des minorités, deux jeunes intervenants ont exprimé certains aspects de la discrimination dont ils souffrent au sein de la société thaïlandaise. Chindanai Jowalu, appartenant à la communauté des Pgazkoenyau (ou Pgaz K ‘Nyau), un sous-groupe de l’ethnie karen (3), a souligné combien les programmes scolaires n’avaient que peu de rapport avec la vie des « peuples des collines » : « Ils aimeraient mieux apprendre quelles types de plantes ils pourraient utiliser pour se nourrir ou se soigner, plutôt que la longueur de la Grande muraille de Chine. » Sur le même registre, il faisait constater que le système d’éducation thaïlandais ne tenait aucun compte du fait que lui et ses condisciples parlaient une autre langue et avaient un autre mode de vie que les étudiants de la capitale ou ceux qui venaient d’autres parties du pays, mais que tous devaient pourtant étudier les mêmes matières.

Quant à Orawan Hantalae, jeune fille de l’ethnie Moken, un peuple nomade maritime (4), elle a rapporté que les élèves de sa communauté devaient apprendre l’agriculture alors qu’ils ne vivaient traditionnellement que de la pêche, les terres sur lesquels ils étaient installés étant, de plus, incultivables. Lorsqu’ils demandaient pourquoi on ne leur enseignait pas les techniques de pêche, leurs professeurs répondaient que cela n’était pas nécessaire et ne faisait, de toute façon, pas partie du programme scolaire.

Pour les quelque 900 000 membres des minorités ethniques (dont 250 000 Karen) recensés par le gouvernement thaïlandais (5), la lutte contre l’assimilation est un véritable défi, souligne Kwanchiwan Baudaeng, maître de conférence en sciences sociales à l’Université de Chiang Mai, et principal intervenant au séminaire du 28 mai. Il explique que bon nombre d’entre eux n’ont pas d’autre choix que de survivre en jouant les attractions touristiques. D’autres tentent de vendre des produits artisanaux, travaillent comme ouvriers sur des chantiers de construction, ou encore tombent dans la prostitution. Mais, par ailleurs, il ne peut que constater qu’il existe, comme le montre un tel séminaire, des jeunes qui veulent conserver leur patrimoine culturel, leurs croyances et leur mode de vie. « Ils veulent préserver cette culture et la transmettre à la génération suivante », conclut-il.