Eglises d'Asie

Les chrétiens s’inquiètent de l’augmentation du nombre des réfugiés et de leur capacité à les prendre en charge

Publié le 25/03/2010




Kainat, 15 ans, était en train de fuir la maison familiale dans la vallée de Swat quand elle a « ressenti une violente douleur au ventre ». Elle raconte : « Les bombardements se rapprochaient chaque jour davantage et l’armée ne tuait pas seulement les talibans mais les civils. » Avec sa famille, elle a pu gagner Mardan, à une cinquantaine de kilomètres, où elle a été prise en charge…

… par une équipe médicale de la Church of Pakistan qui l’a opérée en urgence de l’appendicite (1).

Depuis l’offensive engagée début mai par l’armée pakistanaise contre les talibans, afin de les déloger de leurs bastions des régions du nord-ouest et en particulier de la vallée de Swat, les civils continuent de payer un lourd tribut au conflit. Aujourd’hui, les ONG, qui ne sont toujours pas autorisées à pénétrer dans la zone des combats, ne peuvent chiffrer le nombre de morts et de blessés, mais, à l’instar de l’organisation Human Rights Watch (HRW), parlent déjà d’une « catastrophe humanitaire à grande échelle » (2). Plus de 2,4 millions de personnes ont aujourd’hui fui la région et des milliers de civils sont piégés dans la zone des combats, pilonnés par l’armée et les tirs de mortiers lancés par les deux camps. Ils manquent d’eau, de nourriture et d’assistance médicale.

Le 26 mai dernier, Brad Adams, directeur pour l’Asie du HRW, a demandé au gouvernement pakistanais la mise en place d’un « couloir humanitaire » afin de permettre aux civils de fuir la zone de guerre, ainsi que la levée du couvre-feu dans les villes assiégées. Les déplacés témoignent tous du fait que les civils sont abattus par l’armée comme par les talibans, ces derniers s’en servant comme boucliers humains lorsqu’ils tentent de fuir.

A Mardan, les chrétiens continuent leur travail d’entraide et d’accueil pour les réfugiés et les blessés qui affluent, toujours plus nombreux (3). La Church of Pakistan (4), très présente dans cette région, s’occupe de deux camps de déplacés à Mardan, ville de la Province de la frontière du Nord-Ouest, à proximité de la zone des combats. Mgr Peter Majeed, évêque du diocèse de Mardan de la Church of Pakistan, estime que la petite église Sarhadi Lutheran Church de la ville abrite actuellement 350 déplacés, soit une soixantaine de familles. La plupart d’entre elles sont chrétiennes mais des familles hindoues et musulmanes les ont rejointes récemment.

Le principal sujet d’inquiétude du prélat, ainsi que des responsables des deux camps de déplacés à Mardan gérés par la Church of Pakistan, est l’afflux croissant des réfugiés, débordant largement les capacités d’accueil et surtout les infrastructures médicales de la petite communauté. « Il y a ici des personnes qui ont des problèmes cardiaques ou rénaux et ont absolument besoin d’être soignés, explique-t-il. Nous manquons de tout et ne savons même pas pendant combien de temps nous aurons assez de nourriture pour toutes ces familles. »

Le Rev. Patras Yousaf, qui dirige l’un des camps de déplacés, confirme la préoccupation des équipes. Deux bébés sont nés dans le camp dans des conditions très difficiles et il se demande comment des cas plus graves pourront être traités, surtout si le nombre des réfugiés ne cesse d’augmenter. Selon les médecins bénévoles qui assurent les soins dans le centre médical de la Church of Pakistan, de nombreux réfugiés souffrent de diarrhées aiguës et de crises de paludisme, aggravées par la chaleur.

En réponse à l’offensive armée gouvernementale, les actions terroristes ont repris sur le territoire pakistanais, augmentant l’insécurité et l’exode de nouveaux réfugiés. Plusieurs attentats, commis aussi bien dans la Province de la frontière du Nord-Ouest qu’au Pendjab, ont été revendiqués depuis par les talibans (5).