Eglises d'Asie

Des musulmans et des chrétiens se parlent pour dissiper les malentendus

Publié le 25/03/2010




Dans un pays où les équilibres ethniques et religieux sont très sensibles, une rencontre a été organisée, le 12 juin dernier, par des chrétiens, catholiques et protestants, et des musulmans pour désamorcer les sujets de malentendu. A Kuala Lumpur, dans le cadre d’une église protestante, la Bangsar Lutheran Church, durant une journée, plus d’une centaine de chrétiens et de musulmans…

… se sont assis côte à côte pour débattre autour du thème : « Des gens comme nous : comment le mépris amène les peuples à se déchirer » (1).

Selon le Rév. Sivin Kit, pasteur de la Bangsar Lutheran Church, le seul fait d’avoir amené tous ces croyants à s’asseoir ensemble « dans un environnement non conflictuel pour échanger comme des amis » était un événement en soi. Les échanges n’ont pas été cantonnés aux débats formels entre les trois principaux conférenciers assis sur une estrade ; ils ont été animés avant et après ce temps de discussion, insiste le pasteur, en soulignant que les musulmans ne se sont pas formalisés de venir échanger ainsi au sein même d’un lieu de culte chrétien. Tous « ont pris grand soin à ne pas offenser l’autre », explique-t-il encore, en rappelant que la rencontre était co-organisée, pour le côté musulman, par le Muslim Professionnals Forum, et, pour le côté chrétien, par Friends in Conversation. Cette dernière association est animée par des chrétiens désireux de stimuler le débat public sur différentes thématiques ayant trait à la société, à la politique et à l’économie.

Parmi les trois principaux orateurs, Tricia Yeoh, chrétienne issue de la minorité chinoise du pays, n’a pas hésité à évoquer les difficultés des minorités en Malaisie face à la majorité malaise et musulmane. Elle a notamment relevé la surenchère à laquelle se livrent les partis politiques islamiques, rendant les priorités du pays toujours plus dominées par l’islam et son implication dans la vie sociale. Un catholique, Aloysius Pinto, a abondé dans le même sens en expliquant que les partis politiques et les médias utilisaient et présentaient la religion d’une manière telle que « les Malaisiens en perdaient le sens commun ». La polémique sur l’utilisation du terme Allah pour dire Dieu dans les publications chrétiennes a été citée à titre d’exemple : ces dernières années, l’archidiocèse de Kuala Lumpur a été engagé dans un bras de fer avec l’administration, qui lui refuse l’utilisation de ce terme dans la section en langue malaise de son hebdomadaire Herald (2). Les tribunaux ont été saisis de l’affaire et, selon le dernier développement de cette affaire, à la fin du mois de mai dernier, la Haute Cour de justice, la plus haute instance judiciaire de la Fédération de Malaisie, a décrété que le journal catholique n’était pas autorisé à faire usage du mot Allah ; les juges doivent cependant se prononcer de manière définitive le 7 juillet prochain et un revirement n’est pas exclu.

Du côté des intervenants musulmans, Ahmad Farouk Masa, membre fondateur du Muslim Professionnals Forum, a demandé à ce que chacun, en Malaisie, garde à l’esprit que c’est par la raison, plutôt que par l’émotion, que les affaires liées à la religion doivent être abordées. Un autre musulman malaisien, Waleed Aly, avocat de profession et résident australien, a expliqué que, si l’Occident entretenait de nombreuses idées préconçues au sujet de l’islam et des musulmans, on ne pouvait dire que les musulmans étaient victimes en tant que tels, de discriminations dans les pays occidentaux.

Pour le Rév. Kit, des échanges comme ceux qui ont eu lieu le 12 juin dans son église n’ont pas d’impact direct sur les rapports entre les communautés en Malaisie, mais ils sont néanmoins nécessaires pour combattre certains stéréotypes et faire émerger une conscience commune. Il a précisé que son groupe, Friends in Conversation, prévoyait, en juillet prochain, de se joindre à un forum où serait présent Sisters in Islam, un groupe travaillant à la promotion de la condition féminine dans la religion musulmane.

Sisters in Islam a récemment attiré l’attention après que le PAS, le principal parti islamiste du pays, membre de la coalition d’opposition au Parlement fédéral, a demandé l’ouverture d’une enquête sur ses activités, appelant à son interdiction pour avoir pris des positions contraires à l’enseignement de l’islam.