Eglises d'Asie

Selon un chercheur chinois, l’impact du récent Compendium de la Lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois peut se révéler positif

Publié le 25/03/2010




Publié le 24 mai dernier, à l’occasion de la journée de prière pour l’Eglise en Chine (1), le Compendium de la Lettre de Benoît XVI pour les catholiques chinois est un texte à visée pédagogique, présentant sous forme de questions-réponses les principaux points abordés par le pape dans sa Lettre. A ce titre, il s’adresse principalement et directement aux catholiques chinois, …

… qui ont eu le loisir de prendre connaissance de cette lettre diffusée le 30 juin 2007, mais, étant donné le contexte difficile des relations entre le Saint-Siège et la Chine, il intéresse également Pékin. Selon Ren Yanli, chercheur chinois spécialiste de la religion catholique – mais non chrétien lui-même –, l’impact du Compendium pourrait se révéler positif.

Ren Yanli est un observateur attentif et informé des réalités religieuses de la Chine. Membre depuis les années 1980 de l’Académie des sciences sociales à Pékin, le plus important et influent think tank du pouvoir chinois, il y a dirigé, jusqu’en 2005, année de son départ en retraite, la Section des études chrétiennes de l’Institut d’études des religions. A ce titre et dans le cadre d’échanges universitaires, il a soutenu, en 2001, un doctorat à l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan, en Italie. Aujourd’hui âgé de 65 ans, Ren Yanli souligne, dans un entretien donné à l’agence Ucanews (2), que le Compendium ne comporte pas d’éléments nouveaux par rapport à la Lettre de Benoît XVI mais qu’il permet de souligner clairement les principes qui guident la pensée du pape.

Ainsi que l’exprime le chercheur chinois, le point central sur lequel le Saint-Siège souhaite conclure un accord avec Pékin est celui de la nomination des évêques et, plus largement, du fonctionnement de l’Eglise en Chine, avec des points particuliers tels que l’organisation et le redécoupage de la carte des diocèses et des provinces ecclésiastiques. Le Saint-Siège exprime également dans ce document sa volonté de parvenir à un accord par « un dialogue constructif et ouvert ».

Pour peu qu’un accord soit trouvé, explique encore le chercheur, le bienfait produit se ferait sentir au-delà du seul cercle des relations entre le Vatican et Pékin. En contribuant à réduire les tensions « entre la religion et la politique », l’établissement de bonnes relations entre les deux parties ne pourrait qu’inciter la Chine à édifier la société harmonieuse que les dirigeants chinois appellent de leurs vœux. Cela pourrait être « une situation gagnant-gagnant » pour les deux parties.

A ce jour, des contacts existent, même s’ils restent discrets, comme, par exemple, l’escale que la délégation vaticane au Vietnam a fait à Pékin, en mars dernier, sur le chemin de son retour vers Rome. De plus, des échanges sur un plan culturel ont pu avoir lieu. Mais, pour aller au-delà, « il reste à voir si les choses peuvent avancer », analyse le chercheur.

A la lumière de la vie de l’Eglise en Chine ces dernières années, on peut s’interroger sur la nécessité pour l’Eglise locale « de continuer à élire et à ordonner par elle-même ses évêques », poursuit Ren Yanli. De même, il serait intéressant d’étudier si les principes d’autonomie et d’indépendance, systématiquement mis en avant, sont toujours appliqués. Pour illustrer son propos, le chercheur évoque les trois ordinations épiscopales qui ont eu lieu en 2005 avec un mandat pontifical, puis celles menées l’année suivante sans mandat pontifical. En janvier 2007, une réunion à haut niveau était organisée au Saint-Siège (3), suivie, en juin de la même année, de la publication de la Lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois et, enfin, en novembre, de la mise en place d’une Commission ‘Chine’ au Saint-Siège pour suivre de près ces affaires. Après la trêve olympique, le bruit avait circulé que Pékin se préparait à nouveau à faire élire et ordonner des évêques sans mandat pontifical. De fait, plusieurs diocèses dont les sièges épiscopaux sont vacants avaient procédé à l’élection d’un candidat à l’épiscopat et le nom de l’élu avait été présenté à la Conférence des évêques « officiels » – une instance non reconnue par le Saint-Siège car comprenant plusieurs évêques qui ne sont pas en communion avec le pape et excluant les évêques « clandestins » de l’Eglise de Chine.

Aujourd’hui, les rumeurs relatives à de prochaines ordinations épiscopales restent des rumeurs, explique Ren Yanli. Comme on l’a souvent constaté par le passé, les deux parties en présence attendent que l’autre fasse un pas pour réagir. Pékin n’a pas officiellement commenté la publication du Compendium, mais un commentaire est paru, le 26 mai dernier, dans les colonnes du Wen Wei Po, quotidien pro-chinois de Hongkong. Dans cet article, on lit que, selon « une source autorisée », sous-entendu proche du gouvernement chinois, le fait que le Compendium indique très clairement que le Saint-Siège ne reconnaît pas la Conférence des évêques « officiels » est un élément qui « peut créer de nouveaux obstacles à la prochaine étape du dialogue entre le Vatican et la Chine » De même, les principes d’autonomie et d’indépendance qui gouvernent l’administration des religions en Chine sont inscrits dans la Constitution du pays et sont par conséquent intangibles. Toutefois, poursuit « la source autorisée », il n’est pas exclu que la Chine puisse donner « une explication raisonnable » à ces principes constitutionnels, dans un sens qui, à l’avenir, soit acceptable par les deux parties en présence.