Eglises d'Asie

Dans une Lettre aux prêtres de l’Eglise catholique en Chine, le cardinal Bertone souligne l’importance de la réconciliation

Publié le 25/03/2010




« En dépit de difficultés persistantes, il ressort des informations qui parviennent de différentes régions de Chine [populaire] que des signes d’espérance existent », écrit le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, dans une lettre datée du 10 novembre dernier et rendue publique, le 16 novembre, en italien, en anglais et en chinois.

Inscrite dans l’Année du prêtre, la lettre est adressée « à tous les prêtres de l’Eglise catholique en République populaire de Chine ». Le document réitère l’importance de la réconciliation au sein de la communauté catholique chinoise et de la conduite d’un dialogue constructif et respectueux avec les autorités chinoises « sans renoncer aux principes de la foi catholique ».

Bien que le Saint-Siège n’ait pas donné d’indications sur les raisons de la publication de cette lettre, on peut penser qu’elle est le fruit du travail de la Commission pour l’Eglise catholique en Chine, qui s’était réunie du 30 mars au 1er avril dernier à Rome afin d’étudier « des questions d’importance majeure relatives à la vie de l’Eglise en Chine ». A l’époque, l’arrestation par la police chinoise de l’évêque « clandestin » de Zhengding, Mgr Jia Zhiguo, avait amené le Saint-Siège à déplorer publiquement « les obstacles au climat de dialogue avec les autorités (chinoises) » que constituaient de telles arrestations (1), mais aucune information n’avait été publiée quant au travail lui-même de la Commission, destiné pourtant à « la formation des séminaristes et des personnes consacrées » et à « la formation permanente du clergé ».

Plus de six mois ont passé et, dans l’intervalle, le contexte a évolué. Dans le diocèse de Baoding, bastion catholique du Hebei, l’évêque coadjuteur du lieu, Mgr An Shuxin, a choisi de quitter la clandestinité pour exercer son ministère pastoral au grand jour ; il a de plus confirmé avoir accepté de rejoindre l’Association patriotique des catholiques chinois. Ce dernier point a amené, dans une démarche très inhabituelle, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, chargée au Saint-Siège de suivre la vie des diocèses de l’Eglise en Chine, à publier un communiqué pour démentir être à l’origine des décisions prises par Mgr An Shuxin (2).

Ces derniers temps, des informations ont fait état de l’incompréhension ressentie au sein de certaines communautés « clandestines » face à l’attitude supposée de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples ; d’autres se sont interrogés sur les voies de réconciliation que devrait prendre l’Eglise catholique en Chine.

Dans sa lettre, le cardinal Bertone n’aborde bien entendu pas cette actualité toute récente mais, avec prudence, il apporte des éléments de réponses aux prêtres chinois. Deux ans seulement après la publication de la Lettre aux catholiques chinois du pape Benoît XVI, « il ne semble pas que le temps soit venu de tirer des conclusions définitives », écrit le secrétaire d’Etat. Citant le missionnaire jésuite Matteo Ricci, il ajoute : « Je crois qu’on peut dire que nous sommes encore dans le temps des semailles et non dans celui de la récolte. »

La lettre du cardinal commence par la confirmation auprès des prêtres chinois du degré de connaissance que Rome a des réalités du terrain. « Je vous assure que le Saint-Siège est conscient de la complexité et de la difficulté de la situation dans laquelle vous vous trouvez », écrit le cardinal Bertone, qui poursuit en mettant en perspective la particularité de l’Eglise de Chine : les défis du troisième millénaire sont les mêmes pour tous les prêtres, où qu’ils soient dans le monde, et en ouvrant une « Année du prêtre », le pape demande à tous, Chinois ou non, de se laisser guider par l’Esprit Saint pour « s’ouvrir avec confiance à l’avenir et continuer d’essayer de vivre dans son intégralité une vie de chrétien ».

Ce préalable posé, le cardinal adopte un ton très pastoral pour encourager les prêtres chinois à persévérer dans leur ministère sacerdotal, même s’ils vivent « côte à côte auprès d’adeptes d’autres religions et de personnes qui sont indifférentes, voire hostiles à Dieu et aux religions. Ne pensez pas que vous êtes seuls à faire face à un tel problème. En réalité, vous partagez la même situation que nombre de vos frères dans d’autres parties du monde ». En onze points principaux, le cardinal exhorte les prêtres de l’Eglise en Chine à puiser « lumière et force aux sources de la spiritualité sacerdotale : aimer Dieu et suivre le Christ de manière inconditionnelle ».

Comme il se doit, la figure du curé d’Ars est donnée en exemple aux prêtres chinois : « A l’école de saint Jean-Marie Vianney, nous devons apprendre à nous identifier avec le ministère que nous avons reçu. » Et c’est dans l’Eucharistie que se situe la source où le prêtre peut trouver la force d’être fidèle à sa mission. « L’Eucharistie, sacrement de communion, source et sommet de la vie ecclésiale et de l’évangélisation, est au centre de votre chemin vers la réconciliation (…). En réalité, chaque célébration de l’Eucharistie présuppose l’union non seulement avec l’évêque local mais avec le pape, avec l’ordre épiscopal, avec tout le clergé et avec le peuple de Dieu tout entier. » Le cardinal Bertone replace dans une perspective biblique les divisions que connaît l’Eglise en Chine : il cite saint Paul écrivant aux Corinthiens pour leur dire à quel point leurs divisions, rendues manifestes dans les assemblées eucharistiques, sont en complet contraste avec cela même qu’ils célèbrent, à savoir la Dernière Cène.

Le cardinal s’adresse ensuite aux évêques pour leur rappeler que c’est à eux qu’a été confié le cheminement vers la sainteté de leurs prêtres. Les évêques sont appelés à veiller au danger de dispersion que les prêtres peuvent éprouver dans la société contemporaine chinoise, en voie de modernisation très rapide. Il évoque la nécessité de renforcer le travail sur les vocations, que ce soit la pastorale des vocations, le discernement et la formation des futurs prêtres. Il continue par l’importance de la formation permanente. Dans la dernière partie de la lettre, le cardinal invite à considérer l’adoration du Saint Sacrement comme étant « d’une valeur inestimable dans la vie de chaque prêtre » ; il invite à la promouvoir aussi chez les fidèles, réunis autour de l’Eucharistie, pour qu’ils puissent expérimenter la communion ecclésiale. Face « aux divisions et aux misères » présentes au sein même de la communauté catholique, la lettre invite « à prêter attention à la formation humaine de tous les fidèles, des prêtres et des religieuses, parce que le manque de maturité humaine, de contrôle de soi et d’harmonie intérieure, est la source la plus fréquente des incompréhensions, du manque de coopération et des conflits au sein des communautés catholiques ». Enfin, dans un dernier point à l’attention des évêques, le cardinal aborde la question de la nécessité de promouvoir les organismes de communion selon l’ecclésiologie du concile Vatican II. Dans une Eglise de Chine où les évêques exercent leur pouvoir de manière trop isolée, il leur est rappelé que la Curie diocésaine doit être organisée et vivante, et qu’à tout le moins, des prêtres se voient confier les charges principales de vicaire général, de chancelier, d’économe, etc. et que les décisions juridiques et pastorales soient prises en consultation avec eux.