Eglises d'Asie

La fermeture précipitée des camps provoque un afflux de personnes déplacées dans la ville de Jaffna

Publié le 25/03/2010




Selon Caritas Jaffna, le programme gouvernemental de réinstallation des personnes déplacées tourne au chaos. Affichant sa volonté de vider les camps de déplacés tamouls, les autorités procèdent au plus vite, sans prendre la peine d’organiser le retour des déplacés. Des milliers de Tamouls se retrouvent ainsi déversés sur Jaffna, où ils sont entassés dans un stade…

… avant de se voir allouer des aides très insuffisantes pour reprendre une vie normale, dénoncent les responsables de l’organisation caritative catholique.

En mai dernier, à la fin des hostilités armées entre les forces armées gouvernementales et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), le gouvernement sri-lankais avait mis en place une quarantaine de camps autour de Jaffna, Kilinochchi, Mullaitivu et Vavuniya, dans le nord du pays, où il avait organisé le tri des personnes déplacées afin d’en extraire les combattants du LTTE. Vivement critiqué par la communauté internationale, tant pour les mauvaises conditions de vie dans ces camps que pour l’absence complète de transparence dans le processus de séparation des populations civiles et des forces combattantes des Tigres (1), Colombo avait subi une forte pression pour fermer ces camps. John Holmes, sous-secrétaire général de l’ONU pour les Affaires humanitaires, a ainsi effectué quatre visites au Sri Lanka, dont la dernière remonte à la mi-novembre 2009, pour obtenir des autorités une amélioration de la situation. Ces dernières n’ont eu de cesse de promettre des changements sans pour autant que le sort fait aux personnes déplacées ne s’améliore. Colombo a ainsi promis que « la liberté de mouvement » des déplacés serait « totale » à la date du 1er décembre et qu’à la fin janvier 2010 les camps seraient complètement vides. Sur les 260 000 déplacés initialement parqués dans les camps, environ 100 000 sont repartis sur les routes pour tenter de regagner leur domicile.

A Jaffna, la Caritas locale fait partie des organismes qui se mobilisent pour venir en aide aux civils sortis de ces camps. La hâte avec laquelle le gouvernement agit actuellement « provoque une situation chaotique sur le terrain », explique le P. Christopher George Jayakumar, responsable de HUDEC (Human Development Center), la dénomination de la Caritas à Jaffna. Aucun hébergement n’a été prévu pour ces populations, alors que les pluies de mousson s’abattent sur la région. A cela s’ajoutent des problèmes considérables de transport et l’incapacité des autorités à achever le déminage de vastes zones, ce qui rend ces dernières inaccessibles.

Depuis les camps de personnes déplacées, les familles sont transportées en bus ou en camion jusqu’au principal stade sportif de Jaffna, où elles doivent faire la queue pour se faire enregistrer par l’armée et où leurs bagages sont fouillés. Chaque personne doit ensuite obtenir un permis spécial avant d’être autorisée à pénétrer dans la ville. Le chef de chaque famille se voit alors remettre 5 000 roupies (environ 30 euros) d’« argent de poche » ainsi qu’une allocation supplémentaire de 20 000 roupies, versée par le ministère de la Reconstruction, afin de repartir dans la vie. Après cela, les familles se retrouvent seules, dans une région où l’économie a été totalement dévastée par la guerre. Elles ne peuvent que se tourner vers les ONG pour survivre, conclut le P. Jayakumar, qui ajoute : « La plupart d’entre eux ont perdu toutes leurs économies. Les gens se retrouvent dépendants de l’Eglise. Les besoins sont considérables et nous avons besoin d’aide. »

Interrogé par l’agence Ucanews (2), Anton Jayasekeram, chef d’une famille de cinq personnes, précise que les sommes distribuées par le gouvernement sont totalement insuffisantes. « Les montants sont ridicules, même si aucune somme ne pourrait suffire à effacer ce qui nous a été fait durant la guerre », déclare-t-il. Avant, lui et les siens habitaient à 30 km de la ville de Jaffna, à Pallai, où il possédait une petite affaire de textile. Aujourd’hui, il n’a plus rien, mais se dit toutefois soulagé d’avoir pu quitter les camps et d’être de retour à Jaffna.

La Caritas locale cible son aide sur les moyens de subsistance. Elle distribue ainsi des filets de pêche, des machines à coudre, propose des prêts (jusqu’à 40 000 roupies), veille à la re-scolarisation des enfants. Mais la plupart des églises et des bâtiments attenants ont été endommagés ou détruits par les combats et ces destructions rendent d’autant plus difficile l’aide aux sans-abris. « Ces gens passent de situation difficile en situation difficile. Pour eux, la spirale est sans fin », déclare le P. Nesarajah, curé de la paroisse Saint-James.

Selon Udaya Nanayakkara, porte-parole des forces armées de Colombo, les autorités font le maximum pour déminer les terrains occupés par les Tigres. « Nous n’avons pas les plans indiquant où les mines ont été posées. Nous devons nous assurer que chaque cm² de terre a été déminé avant d’autoriser des gens à venir se réinstaller », a-t-il déclaré aux médias locaux. Selon le dernier pointage officiel en date, 140 087 personnes vivent toujours dans les camps et 159 913 autres ont été réinstallées.