Eglises d'Asie

A Tianjin, des religieuses catholiques, en grève de la faim pour protester au sujet d’une affaire foncière, ont dû être hospitalisées

Publié le 25/03/2010




Le 24 novembre dernier, sept religieuses catholiques ont dû être hospitalisées à Tianjin, dans un état de déshydratation avancée. Elles faisaient partie d’un groupe de vingt religieuses menant une grève de la faim depuis cinq jours pour protester contre l’accaparement par les autorités locales d’une propriété foncière appartenant à l’Eglise catholique.

La propriété en question est connue localement sous le nom de Charity Mansion. Elle appartient aux Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, lesquelles y ont tenu, du XVIIIème siècle jusqu’en 1950, un important orphelinat. Située non loin de la grande église de Wanghailou (1), la bâtisse actuelle n’est pas le bâtiment d’origine. Celui-ci a été détruit par un incendie lors de ce qui est resté dans l’Histoire comme « l’incident de l’église de Tianjin » : en 1870, dans le contexte des traités imposés par les puissances occidentales à la Chine impériale, une rumeur avait pris corps selon laquelle les religieuses achetaient des enfants pour peupler leurs orphelinats et leur y faire subir de mauvais traitements. A Tianjin, la rumeur gonfla au point qu’en juin 1870, une foule en colère investit les lieux et massacra deux prêtres, dix religieuses et plusieurs dizaines d’enfants. Reconstruit aux frais des autorités chinoises, l’orphelinat de Charity Mansion fut à nouveau détruit lors de l’insurrection des Boxers, en 1900. Reconstruit une seconde fois, en 1903, l’orphelinat recommença à fonctionner, toujours sous la direction des Filles de la Charité, jusqu’au début des années 1950, période où les missionnaires étrangers furent expulsés par le pouvoir communiste.

Sous le nouveau régime, le bâtiment sombre dans l’oubli, jusqu’en 2003, date à laquelle un journal local publie un article à son sujet. En 2005, les Filles de la Charité réinvestissent les lieux, alors que, parallèlement, la municipalité du district de Nankai les vend à un promoteur immobilier. A partir de ce moment, les religieuses n’auront de cesse de faire valoir auprès des autorités leur titre de propriété sur le bien immobilier, multipliant les démarches pour empêcher le démarrage des travaux. En 2006, la municipalité fait couper l’eau et l’électricité, ce qui ne décourage pas les religieuses, qui se réapprovisionnent en eau potable auprès de l’église voisine et qui utilisent un groupe électrogène la nuit tombée. Mais, en septembre dernier, l’affaire s’envenime après qu’une religieuse ait été blessée par un ouvrier, membre d’une équipe de démolition envoyée sur place avec des bulldozers.

Selon l’agence Ucanews (2), la santé des sœurs hospitalisées le 24 novembre n’est pas en danger ; elles ont recommencé à s’alimenter avec des soupes, et les catholiques de la paroisse voisine ont appelé les treize autres religieuses à cesser leur grève de la faim. « Mon cœur était brisé de les voir ainsi agenouillées, poursuivre leur jeûne alors qu’il gèle », a témoigné un paroissien, tandis que plusieurs sites Internet catholiques avant d’être bloqués récemment par les autorités ont, dans le pays, appelé à prier pour les religieuses.

Après ce nouveau développement de l’affaire, Sr Yang, supérieure de la congrégation, a rencontré des représentants des autorités et des négociations ont été engagées. En échange de l’abandon de Charity Mansion, le gouvernement propose un terrain de 400 m² avec un droit de construction d’un bâtiment de 200 m². La supérieure a refusé l’offre, en soulignant que Charity Mansion occupait un terrain d’une surface de 6 000 m².

A la faveur des réformes, les litiges immobiliers se sont multipliés en Chine populaire. Là où l’arbitraire du pouvoir et de l’argent ne s’impose pas, la loi stipule que les biens fonciers doivent être utilisés conformément à leur usage social ; ceux qui ont été confisqués ou spoliés doivent être rendus à leur propriétaire légitime. En 2005, une affaire similaire à celle de Tianjin avait eu lieu : des religieuses franciscaines missionnaires de Marie avaient été sévèrement frappées par les hommes de main d’un promoteur immobilier, avant qu’un arrangement financier ne soit finalement conclu.