Eglises d'Asie

Le ministère de l’Intérieur fait appel de la décision de la Haute Cour qui venait d’autoriser les chrétiens à utiliser le nom d’« Allah » dans leurs publications

Publié le 25/03/2010




Le soulagement des chrétiens de Malaisie aura été de courte durée. Quelques jours seulement après la publication de la décision de la Haute Cour de Kuala Lumpur, le 31 décembre dernier, déclarant illégale et non constitutionnelle l’interdiction faite aux non-musulmans d’utiliser le nom d’« Allah » dans leurs écrits et publications, le ministère fédéral de l’Intérieur a annoncé son intention de faire appel du jugement.

Ce nouveau revirement dans l’affaire à rebondissements qui oppose depuis des années le gouvernement de Malaisie aux chrétiens et tout particulièrement à l’hebdomadaire Herald – The Catholic Weekly, l’hebdomadaire de l’archidiocèse catholique de Kuala Lumpur (1), a été motivé par la forte protestation des groupes musulmans extrémistes. A Penang, dès l’annonce de la décision de la Haute Cour, quelque deux cents personnes ont manifesté sous l’égide du Anti-Interfaith Council Network (Badai), tandis que, le 3 janvier à Kuala Lumpur, treize organisations non gouvernementales, d’obédience islamique dans leur très grande majorité, déposaient plainte à la police contre l’utilisation du terme « Allah » par le Herald. Sur le réseau Internet Facebook, plus de 10 000 internautes ont également protesté sur une page entièrement dédiée à l’affaire (2). Le Premier ministre Najib Razak ainsi que le ministre aux Affaires musulmanes Jamil Khir Baharom ont appelé la population au calme, promettant une prompte résolution judiciaire de l’affaire.

Mais cette levée de boucliers contre le jugement de la Haute Cour n’a pas été une réaction unanime des musulmans de Malaisie. Nik Aziz Mat, chef spirituel du Party Islam Se-Malaysia (PAS, Parti islamique pan-malaisien), le principal parti d’opposition islamique, a déclaré pour sa part que l’utilisation du mot « Allah » était permis aux croyants appartenant aux « religions du Livre » (ou « abrahamiques »). Nuançant toutefois son propos, il a concédé que ce terme pouvait être employé à mauvais escient et que les responsables chrétiens et musulmans devaient engager le dialogue à ce sujet.

Shah Kirit Kakulal Govingji, de l’Islamic Information and Services Foundation, une ONG proposant des sessions de formation théologique aux musulmans, a déclaré quant à lui que, bien qu’il respectait la décision de la Haute Cour, il tenait à réaffirmer que le nom d’« Allah » ne pouvait faire référence qu’au Dieu de l’islam. Il ne voyait cependant pas d’inconvénient à ce que les non-musulmans l’utilisent à condition que ce soit dans « le respect qui est dû à Dieu » (3).

En 2007, le ministère de l’Intérieur de Malaisie avait interdit l’utilisation du mot « Allah » dans toutes les publications non musulmanes, stigmatisant tout particulièrement Herald – The Catholic Weekly, la principale publication catholique du pays, qui en usait dans son édition en langue malaise. Le gouvernement avait argué du fait que l’emploi de ce terme risquait de semer la confusion parmi les musulmans et de les attirer vers d’autres religions.

Malgré l’intervention de nombreux érudits, chrétiens comme musulmans, rappelant que le nom d’« Allah » était utilisé bien avant l’époque du prophète Mahomet et qu’il apparaissait également dans le Sri Guru Granth Sahib, le Livre saint des sikhs, la polémique avait donné lieu à une succession d’interdictions et de recours en justice, pour aboutir à cette dernière démarche de Mgr Murphy Pakiam, archevêque de Kuala Lumpur, éditeur de Herald – The Catholic Weekly auprès de la Haute Cour (4).