Eglises d'Asie

Sous la neige et par des températures hivernales, plusieurs milliers de catholiques ont assisté aux funérailles de l’évêque « clandestin » de Xiwanzi

Publié le 25/03/2010




Mercredi 6 janvier, en dépit des restrictions mises en place par la police, les catholiques se sont déplacés en nombre pour offrir un dernier hommage à Mgr Leo Yao Liang, évêque coadjuteur « clandestin » de Xiwanzi, diocèse situé dans le nord-ouest de la province du Hebei. Tombé gravement malade à la mi-décembre 2009, Mgr Leo Yao est mort quinze jours plus tard, le 30 décembre, à l’âge de 86 ans.

Il avait passé trente années de sa vie en détention.

Le 6 janvier, les obsèques se sont déroulées par le froid glacial qui caractérise l’hiver de cette région montagneuse du nord de la Chine et sous d’importantes chutes de neige. La cérémonie a eu lieu dans l’église principale de Xiwanzi, situé dans le district de Chongli, et le cortège funéraire a parcouru à pied la courte distance qui sépare l’église du cimetière catholique de la ville. En dépit du fait que les autorités avaient interdit aux catholiques extérieurs à Chongli de prendre part aux obsèques et malgré le froid et la neige qui rendaient les déplacements difficiles, la foule des catholiques a été nombreuse : quelque 2 500 fidèles ont pris part aux obsèques.

Signe des tensions persistantes entre les autorités et la communauté catholique « clandestine », seuls trois des quinze prêtres du diocèse de Xiwanzi, avaient été autorisés à célébrer l’office religieux et à conduire le cortège funéraire. Eux seuls avaient été enregistrés comme prêtres auprès du Bureau local des Affaires religieuses. De la même façon, les autorités n’ayant jamais reconnu à Mgr Lao sa qualité d’évêque (mais seulement celle de simple prêtre), ordre avait été donné que, lors des obsèques, ne soit pas fait mention de « Yao zhujiao » (‘Mgr Yao’ ou ‘Evêque Yao’) mais seulement de « Yao mu » (‘Pasteur Yao’) (1).

Né en 1923, ordonné prêtre en 1948, Mgr Yao appartenait à cette génération du clergé chinois qui a vécu la prise du pouvoir par les communistes et la mise en place de leur politique de contrôle des religions. Dans les années 1950, il fait partie de ceux qui refusent de céder aux manœuvres du pouvoir pour créer une Eglise indépendante de l’Eglise universelle et, dès 1951, tout travail pastoral lui est interdit. Il doit gagner sa vie en cultivant des légumes et en vendant du bois de chauffage. Persistant dans son refus de joindre l’Association patriotique des catholiques chinois créée en 1957, il est condamné l’année suivante à la prison à vie et à la rééducation par le travail. Il ne sera libéré qu’en 1984, date à partir de laquelle il reprend rapidement une activité pastorale.

En 1984, à la tête du diocèse de Xiwanzi, Mgr Melchior Zhang Kexing passe le relais au P. Andrew Hao Jinli. Né en 1916, ordonné prêtre en 1946, Mgr Hao Jinli est ordonné évêque dans la clandestinité. C’est en 2002 que le P. Leo Yao Liang est ordonné évêque coadjuteur. Là aussi, la cérémonie se déroule dans la clandestinité et, rapidement, Mgr Hao étant affaibli par la maladie, Mgr Yao assume la direction effective du diocèse. Dans cette région où le catholicisme, introduit il y a plus de trois siècles, a été le fruit entre autres du travail missionnaire des lazaristes puis des scheutistes belges (CICM, Congrégation du Cœur Immaculé de Marie), le travail ne manque pas. Il y a peu, Mgr Yao avait lancé la reconstruction d’une vaste église de style gothique à Xiwanzi, pour remplacer un vieil édifice devenu trop petit. Refusant toujours de céder aux pressions des autorités, Mgr Yao était régulièrement la cible de harcèlement policier ; en juillet 2006, il avait ainsi de nouveau été arrêté pour n’être relâché que trente mois plus tard, le 25 janvier 2009 (2).

La mort de Mgr Yao a laissé la communauté locale dans un réel désarroi. Si Mgr Hao Jinli, 93 ans, a formellement repris la tête du diocèse, son état de santé (diabète et maladie d’Alzheimer) ne lui permet pas d’assumer réellement sa mission. En 1980, les autorités chinoises ont fusionné les deux diocèses de Xiwanzi et de Xuanhua en un nouveau diocèse, celui de Zhangjiakou, mais, refusant cette décision unilatérale, les communautés « clandestines » de Xiwanzi et de Xuanhua ont continué, malgré les pressions et la surveillance policière, de fonctionner comme auparavant (3). Selon des sources catholiques locales, étant donné ce contexte de relations tendues entre la partie « clandestine » de ces deux diocèses et les autorités locales, on ne peut s’attendre à ce que le Saint-Siège nomme prochainement un successeur à Mgr Yao (4).