Eglises d'Asie

Evêques et oulémas des Philippines apportent au Pakistan leur aide en matière d’entente entre les religions

Publié le 25/03/2010




Le 14 janvier dernier, Islamabad a accueilli une « Conférence des évêques et oulémas », réunie pour promouvoir l’œcuménisme et l’harmonie interreligieuse au Pakistan, sur le modèle déjà expérimenté avec succès aux Philippines.Participaient à cette session, du côté de la délégation philippine, Jesus Yabes, …

… ambassadeur des Philippines au Pakistan, ainsi que Nabil Tan, sous-secrétaire d’Etat et conseiller pour la Paix auprès du gouvernement. Parmi les délégués de l’Eglise catholique des Philippines, conduits par Isabel G. Tobias, secrétaire générale du Conseil auprès du gouvernement pour les initiatives interreligieuses, étaient présents Mgr Antonio Ledesma, archevêque de Cagayan de Oro, et le nonce apostolique, Mgr Adolfo C. Yllana.

A l’issue d’une longue journée de débats entre la délégation philippine, composée de 21 évêques et oulémas, et son homologue pakistanaise, réunissant des responsables religieux musulmans, hindous, sikhs, chrétiens et bahaï (1), une déclaration commune a été publiée, aussitôt qualifiée d’« historique » par le ministre fédéral pour les Minorités, Shahbaz Bhatti, qui l’a cosignée avec Isabel G. Tobias.

Le texte publié par les évêques et les oulémas s’organise autour des thèmes de la collaboration mutuelle et des échanges entre les deux pays : « Nous souhaitons poursuivre nos échanges sur les moyens d’établir de meilleures relations au sein de la société et d’instaurer la coexistence pacifique dans nos pays (…). Nous partagerons nos informations afin de mener un programme commun d’activités interreligieuses (…), de mieux connaître les expériences de chacun et de créer une société tolérante et pacifique. »

Après lecture de la déclaration par Mgr Fernando Capalla, archevêque de Davao (Philippines) et président de la Conférence (philippine) des évêques et des oulémas (BUC) (2), le ministre des Minorités a tenu à préciser que la délégation philippine avait répondu à une demande du président pakistanais Asif Ali Zardari. Lors d’une rencontre en marge d’une session au sein des Nations Unies, ce dernier avait convenu avec la présidente des Philippines, Gloria Arroyo, de mettre en place des échanges de délégations interreligieuses afin de développer une meilleure compréhension entre les différentes confessions. Il a pressé la communauté internationale de soutenir cette initiative lancée par leurs deux pays, dont il a souligné l’intérêt dans l’effort commun mondial pour l’harmonie interreligieuse.

Le 15 janvier, le Premier ministre Syed Yusuf Raza Gilani a rencontré à son tour les membres de la délégation des évêques et oulémas philippins et les a assurés de sa position aux côtés d’un islam prônant « la paix et la tolérance » et condamnant le terrorisme.

Cette volonté du gouvernement pakistanais d’afficher son engagement en faveur de la réconciliation interreligieuse est présente en filigrane tout au long de la déclaration commune des responsables des deux délégations : « Nous désirons encourager l’étude et la mise en œuvre des programmes les plus efficaces dans les domaines de la fraternisation interreligieuse et de l’harmonie de la société autour de la paix, de l’amour et de la tolérance, qui se trouvent au cœur de toute religion, quelle qu’elle soit. Nous apprécions les efforts du gouvernement du Pakistan dans son combat contre l’extrémisme et le terrorisme à travers le renforcement des institutions qui œuvrent à l’harmonie entre les religions » (3).

Mais, si l’implication de l’Etat dans la lutte contre l’extrémisme religieux est saluée par la déclaration commune des évêques et des oulémas, des voix se sont également élevées récemment pour dénoncer la collusion entre la religion et la politique, source, selon certains responsables chrétiens, des violences à caractère religieux qui secouent le Pakistan d’aujourd’hui. « La religion, quand elle se mêle de politique, ne peut qu’apporter l’anarchie », a ainsi déclaré le P. Aftab James Paul, directeur de la Commission pour le dialogue interreligieux du diocèse catholique de Faisalabad, cité par l’agence Ucanews, lundi 18 janvier. Une récente déclaration de la Commission nationale ‘Justice et Paix’ (NCPJ) des évêques pakistanais va encore plus loin : « Le Pakistan devrait tirer les leçons de ce qui s’est passé au Bangladesh. La gestion de l’Etat et la politique doivent être menées de manière autonome, et non sous le drapeau d’une quelconque religion » (4).

Le Bangladesh vient en effet, ce mois-ci, de réintroduire dans sa Constitution la notion de laïcité en politique ; elle en avait été supprimée en 1988 lorsque l’islam était devenu religion d’Etat (5). Le verdict est venu de la Cour Suprême du Bangladesh, qui a confirmé, le 4 janvier dernier, une décision de la Haute Cour de 2005, annulant le Cinquième amendement à la Constitution permettant aux partis politico-religieux de faire référence à l’islam et de recourir au mot ‘Allah’ dans leurs dénominations ainsi que d’utiliser la religion lors des campagnes électorales.

Au Pakistan, qui est devenu une république islamique avec la Constitution de 1956, bon nombre de responsables de l’Eglise catholique demandent, qu’à l’instar du Bangladesh, le pays revienne à ses sources constitutionnelles. Ils rappellent que Mohammad Ali Jinnah, le « Père de la Nation », leader de la Ligue musulmane et fondateur de l’Etat du Pakistan, avait établi les principes de la gouvernance sur la laïcité. « Votre appartenance à une religion, caste ou croyance ne doit rien à voir avec le fait de gouverner un Etat », aimait-il à répéter.

Signé de Mgr Lawrence John Saldanha, archevêque de Lahore, président de la NCPJ, et de son secrétaire exécutif, Peter Jacob, le texte de la NCPJ revient également sur la nécessité d’abroger les lois anti-blasphème (6) qui « n’ont fait qu’accentuer l’insécurité dans le pays ».