Eglises d'Asie

La mort, suite à des mauvais traitements, d’une fillette catholique chez son employeur musulman suscite l’indignation

Publié le 25/03/2010




La mort, le 22 janvier dernier, d’une fillette de 12 ans, décédée des suites des mauvais traitements infligés par son employeur, suscite l’indignation au Pakistan. Les responsables des Eglises chrétiennes demandent que justice soit faite et déclarent que ce drame souligne l’extrême précarité des chrétiens pauvres au Pakistan. La plupart des éditorialistes de la presse dénoncent la perpétuation du travail des enfants.

Née dans une famille très pauvre, Shazia Shaheen était âgée de 12 ans. Pour subvenir aux besoins de sa famille, composée de ses parents, de deux sœurs déjà mariées et d’un petit frère de 8 ans, elle travaillait depuis huit mois comme domestique chez un avocat en vue de Lahore, Mohammad Naeem Chaudhry. Son salaire était de 1 000 roupies par mois (8 euros). Ses parents ont rapporté que, sans nouvelles de leur enfant depuis plusieurs jours, ils avaient demandé à la rencontrer. Après plusieurs refus de la famille Chaudhry, ils ont eu finalement gain de cause, pour trouver leur fille dans un état très grave. Immédiatement dirigée vers l’hôpital Jinnah de Lahore, Shazia est décédée durant le transport. Selon Bashir Masih (1), le père de Shazia, le corps portait des traces évidentes de mauvais traitements, « ongles arrachés, mâchoire brisée, bras droit cassé, de profondes coupures et une trace de brûlure au fer à repasser dans le dos ». Selon certaines informations non recoupées, la fillette aurait été violée.

L’affaire, pour tragique qu’elle soit, aurait pu en rester là et venir s’ajouter aux nombreux actes de maltraitance dont sont victimes des enfants au travail. En effet, Me Naeem Chaudhry, qui est un avocat connu (il a présidé le barreau de Lahore en 2006), a d’abord affirmé au père de Shazia que celle-ci « était tombée malade et avait été mal soignée ». Puis, il a cherché à acheter son silence en lui proposant 20 000 roupies. Mais les parents ont refusé et porté l’affaire sur la place publique. Dans un premier temps, la police a refusé d’enregistrer leur plainte, avant de le faire sous la pression de la communauté chrétienne, qui le 23 janvier a organisé une manifestation devant le Parlement du Pendjab. Finalement, l’affaire a pris une dimension nationale et Asif Ali Zardari, le président du Pakistan, a ordonné une enquête et débloqué une indemnité de 500 000 roupies à titre de compensation pour la famille de Shazia. Le 24 janvier, Naeem Chaudhry et cinq personnes de sa famille ont été arrêtés.

Les funérailles de la fillette ont eu lieu le 25 janvier dans la cathédrale du Sacré-Cœur de Lahore, en présence d’une foule de plusieurs milliers de personnes et d’un important déploiement de forces de l’ordre. Des évêques de plusieurs confessions étaient présents et ont invité les fidèles à la prière. Mgr Alexander John Malik, évêque anglican de Lahore, a dit combien ce meurtre mettait en lumière la vulnérabilité des chrétiens pakistanais, le plus souvent issus des classes les plus défavorisées du pays. A l’agence Fides (2), Francis Mehboob Sada, catholique et directeur du Christian Study Center à Rawalpindi, a déclaré : « Le cas tragique de Shazia ne sera pas le dernier. C’est très triste. La jeune fille a été torturée et tuée sans aucune raison. Elle était jeune, faible et chrétienne, donc une victime parfaite. » Le centre de Rawalpindi est un lieu œcuménique de documentation, d’étude et de réflexion, apprécié pour son œuvre d’information sur la condition des chrétiens au Pakistan ainsi que pour son engagement dans le dialogue interreligieux.

Au-delà de la communauté chrétienne, très minoritaire au Pakistan, le drame de Shazia a remis en lumière la réalité du travail des enfants (3). Mgr Lawrence Saldanha, archevêque catholique de Lahore et président de la Conférence épiscopale du Pakistan, a publié un document rédigé par la Commission ‘Justice et paix’ : « Nous condamnons fortement le meurtre de Shazia. Mais ce n’est pas le seul incident concernant les jeunes contraints aux travaux domestiques. Plus de 10 millions d’enfants travailleurs sont victimes de violences physiques et psychologiques. Le gouvernement devrait faire respecter la Convention internationale des droits de l’enfant et traduire en justice les responsables des violences. » Selon ‘Justice et Paix’, ce sont essentiellement « l’extrême pauvreté et le chômage [qui] contraignent les parents à envoyer leurs enfants travailler ».

Il y a quelques années, le travail des enfants au Pakistan avait été mis en lumière par l’histoire tragique d’Iqbal Masih. Vendu à l’âge de 4 ans par son père à un fabriquant de tapis, Iqbal était devenu un symbole. A l’âge de 10 ans, après s’être échappé de la fabrique où il travaillait, il était devenu un emblème de la lutte contre le travail des enfants. Il a été assassiné à l’âge de 12 ans, le 16 avril 1995, un dimanche de Pâques. En janvier 2009, le Congrès américain a créé un Prix Iqbal Masih pour l’élimination du travail des enfants.