Eglises d'Asie

L’archevêque de Lahore évoque la difficulté pour l’Eglise du Pakistan à trouver des candidats à l’épiscopat en son sein

Publié le 25/03/2010




A l’occasion de la messe d’action de grâce célébrée pour le 50ème anniversaire de son ordination sacerdotale, Mgr Lawrence Saldanha, archevêque de Lahore, a évoqué différents aspects de la vie de l’Eglise catholique au Pakistan, notamment la difficulté à trouver en son sein des candidats à l’épiscopat.Célébré le 16 janvier dernier, la messe jubilaire a pris place…

… dans la cathédrale du Sacré-Cœur à Lahore, là même où, le 16 janvier 1960, le jeune Lawrence Saldanha, alors âgé de 24 ans, était ordonné prêtre. Devant le nonce apostolique, Mgr Adolfo Tito Yllana, l’évêque auxiliaire de Lahore, Mgr Sebastian Shah, quelque 60 prêtres, plusieurs centaines de religieuses, de séminaristes et de laïcs, Mgr Saldanha, qui est aussi le président de la Conférence épiscopale pakistanaise, n’a pas caché que la situation des chrétiens dans son pays, où ils représentent à peine 2 % de la population – dont une moitié de catholiques –, était difficile « du fait de l’extrémisme [des musulmans radicaux] ». « L’attitude du gouvernement est positive mais on constate généralement, dans le pays, une attitude hostile envers les chrétiens, qui sont identifiés à l’Occident », a-t-il expliqué. Mais l’essentiel du message de l’archevêque de Lahore n’a toutefois pas porté sur la situation difficile faite aux chrétiens. Mgr Saldanha, qui aura 75 ans l’an prochain, l’âge de la retraite pour un évêque, a choisi de s’exprimer sur les difficultés pour l’Eglise catholique du Pakistan à trouver en son sein des candidats à l’épiscopat qui conviennent aux critères du Saint-Siège.

« La plupart des évêques au Pakistan sont âgés et d’origine goanaise. Rome a des exigences élevées en ce qui concerne les nominations épiscopales et, parfois, on constate que nos prêtres sont trop jeunes et que leurs qualités sont insuffisantes pour le ministère épiscopal », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il était important pour tous, dans l’Eglise du Pakistan, « d’améliorer notre travail afin d’avoir un clergé hautement motivé par l’Evangile » (2).

Pour expliquer la portée de son propos, l’archevêque a souligné combien « l’Eglise avait parcouru de chemin en cinquante ans. Lorsque j’ai été ordonné, l’Eglise ne comptait que deux prêtres autochtones [l’essentiel du clergé étant alors missionnaire]. Depuis, le nombre des prêtres locaux a crû et continue à croître, mais il reste beaucoup à faire ».

Dans un pays où les trois quarts des catholiques se trouvent dans la province du Pendjab mais où la majorité des évêques des sept diocèses que compte l’Eglise au Pakistan est d’origine goanaise (3), Goanais lui-même, Mgr Saldanha met le doigt sur une réalité bien connue mais pas toujours explicitée de la communauté catholique du Pakistan. A savoir que les postes de direction au sein de l’Eglise sont en grande partie tenus par les descendants des familles catholiques originaires de Goa, colonie portugaise de la côte sud-ouest de l’Inde, qui ont émigré, au XIXème siècle, à Karachi et ailleurs dans ce qui est devenu le Pakistan. Face à eux, les catholiques pendjabis, issus le plus souvent de classes sociales défavorisées, se sentent intellectuellement et culturellement inférieurs tout en revendiquant une plus grande part aux affaires de l’Eglise.

Pour l’intellectuel chrétien pakistanais Charles Amjad-Ali, qui enseigne aux Etats-Unis, les chrétiens au Pakistan, protestants comme catholiques, doivent « d’abord balayer devant leur porte avant de critiquer les musulmans ». Les différends d’ordre ethnique, entre Goanais et Pendjabis notamment, et « un manque évident de transparence dans l’utilisation de l’argent envoyé de l’étranger » affaiblissent la communauté chrétienne (4). A cela s’ajoute la tendance du clergé à se couper des laïcs, l’accès à la prêtrise étant, pour une partie des candidats au sacerdoce, une voie, sinon la seule, pour accéder à une certaine promotion sociale. Mgr Saldanha a fait indirectement allusion à cet aspect de la vie de l’Eglise lorsqu’il a appelé de ses vœux le développement d’une « Eglise participative ». La participation des laïcs est essentielle à la vie de notre communauté, a-t-il souligné. « Nous avons besoin de gens qui prennent de plus grandes responsabilités dans l’Eglise. »

Formé notamment à Rome, où il a obtenu un doctorat en théologie à l’université urbanienne, auditeur au concile Vatican II, Mgr Lawrence Saldanha a dirigé, de 1971 à 1974, Naqeeb, publication catholique en langue ourdoue. De 1986 à 1998, il a été le directeur de la Commission pour les communications sociales de la Conférence épiscopale pakistanaise, tout en développant WAVE, le centre audiovisuel de l’Eglise du Pakistan. Entre 1998 et 2001, il a vécu au Canada, prêtre dans une paroisse de Toronto et c’est le 11 septembre 2001, jour des attentats commis par Al-Qaida sur le sol américain, qu’il a été ordonné archevêque de Lahore.