Eglises d'Asie – Sri Lanka
Les responsables religieux s’unissent pour dénoncer les violences préélectorales *
Publié le 25/03/2010
… lors de l’attaque d’un car transportant des partisans de Sarath Fonseka, ancien chef des armées du président sortant et aujourd’hui son principal opposant. De nombreuses autres agressions et incidents ont été signalés ces dernières semaines, parmi lesquels des destructions de matériel de campagne, des incendies ou pillages de locaux des différents partis en lice. Ce même 13 janvier, une jeune journaliste de la BBC, Thakshila Dilrukshi Jayasena, était agressée dans l’est du Sri Lanka où elle couvrait un sujet portant justement sur les violences dans le cadre des élections.
Face à la montée des exactions, différents responsables des principales religions au Sri Lanka se sont regroupés sous la bannière d’une « Coalition interconfessionnelle pour la prévention des conflits électoraux ». « Nous assistons à des violations du processus électoral aujourd’hui, comme cela s’est déjà produit par le passé. Il y a aussi un manque de liberté : libertés d’expression pour la presse et d’opinion pour les électeurs », a déclaré le P. Jayalath Balagalla, prêtre catholique, lors d’une réunion de la Coalition rapportée par l’agence Ucanews (1).
Dans une lettre adressée à Dayananda Dissanayake, responsable du bon déroulement des élections, ainsi qu’au chef de la police, les membres de la Coalition ont demandé que soit mis fin aux violences préélectorales. Mgr Kumar Ilangasinghe, évêque anglican de Kurunegala, a précisé qu’il avait rencontré, avec d’autres chefs religieux, Dayananda Dissanayake, qui lui avait avoué son « impuissance face aux événements » et sa consternation qu’aucun parti politique n’ait suivi ses instructions.
Le Vénérable Madampagama Asaaji Thera, président de la Coalition, a ajouté que leur groupe voulait réunir les 22 candidats déclarés à l’élection présidentielle afin de leur faire promettre qu’ils n’auraient pas recours à la violence. « Ils feront le serment devant nous, les responsables religieux, y compris les évêques chrétiens et les leaders de l’islam et de l’hindouisme, qu’il soutiendront un processus électoral libre et honnête », a-t-il affirmé.
Leur espoir d’un apaisement s’appuie sur le fait que les observateurs des opérations électorales viennent d’avertir le gouvernement sri-lankais que, si les violences ne diminuaient pas, les résultats des élections pourraient être déclarés invalides, et celles-ci devraient être recommencées sous l’égide d’un gouvernement provisoire.
Entre les deux principaux candidats au poste de chef de l’Etat, l’actuel président de la République Mahinda Rajapakse et son ancien chef des armées, le commandant Sarath Fonseka, le jeu est serré. Tous deux sont considérés comme les grands vainqueurs de la rébellion tamoule séparatiste, militairement défaite en mai dernier après plus de trente ans de guerre civile (2). Depuis que l’ONU a confirmé, début janvier, avoir la preuve que des exécutions sommaires avaient été menées par l’armée gouvernementale (3), les deux alliés d’hier qui ont dirigé l’écrasement final de la rébellion tamoule, au mépris de la protection des populations civiles, s’accusent aujourd’hui mutuellement de crimes de guerre.
Le commandant Fonseka avait donné sa démission en novembre dernier, accusant le président de le soupçonner de préparer un coup d’Etat après sa victoire sur les Tigres. Auréolé de son prestige d’ancien chef des armées, il représente un adversaire à la taille du président Rajapakse, qui, certain de sa victoire aux élections, a avancé le scrutin, prévu initialement en 2012. « Ce que j’aurais dû faire en six ans, je l’ai réalisé en quatre », a-t-il déclaré en novembre dernier, faisant allusion à sa promesse d’éradiquer définitivement le LTTE, « c’est pourquoi j’ai décidé d’organiser une élection présidentielle anticipée » (4).
Entre le parti d’opposition du commandant Fonseka, United National Front, et celui du président Mahinda Rajapakse, Sri Lanka Freedom Party, le vote de la minorité tamoule, qui représente un peu plus de 12 % de la population sri-lankaise, fera la différence. Mais, pour se concilier cette communauté opprimée qui vient de subir une défaite sanglante et dont des dizaines de milliers de civils sont encore retenus dans des « camps de réhabilitation », les deux vainqueurs du LTTE auront fort à faire. Mahinda Rajapakse comme le commandant Fonseka se sont toujours présentés comme des nationalistes cinghalais opposés à tout partage du pouvoir avec les Tamouls. Mais, depuis le début de la campagne électorale, les deux candidats font assaut de promesses envers la minorité tamoule. Début janvier, Mahinda Rajapakse a ainsi affirmé être prêt à mettre en place une meilleure représentation des Tamouls au sein du pouvoir législatif, tandis que le commandant Fonseka proposait de transformer l’actuel système présidentiel en une démocratie parlementaire, argument qui semble avoir convaincu le principal parti d’opposition tamoul, l’Alliance nationale tamoule, lequel s’est rallié à l’ancien chef des armées.
Cependant, les ONG et les missions de surveillance des élections doutent que les réfugiés tamouls libérés tout récemment des camps puissent être en mesure d’exercer leur droit de vote. Selon le service des affaires humanitaires de l’ONU (5), la plupart des 170 000 réfugiés, sur un total initial de 280 000 personnes, qui viennent de revenir dans la région de Vanni, ne pourront voter, faute d’une inscription sur les listes électorales validée par les autorités.