Eglises d'Asie

Selon un chercheur chinois, le gouvernement envisage une refonte de sa politique envers l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




Selon un chercheur chinois, les dirigeants du pays ont compris qu’il ne servait à rien de tenter de séparer les catholiques chinois de l’Eglise universelle et réfléchissent en conséquence à une réorientation de leur politique envers l’Eglise catholique. Tout en séparant ce qui relève de l’organisation de l’Eglise et ce qui relève de la politique, le pouvoir chinois cherche toutefois à garantir que l’Eglise ne se prononcera pas sur les questions liées à l’Etat.

Ren Yanli est membre de l’Académie des sciences sociales à Pékin, organe qui a rang de ministère et est souvent qualifié de think tank du gouvernement. Ancien directeur du Bureau pour les études sur le christianisme, rattaché à l’Institut de recherches sur les religions de l’Académie des sciences sociales, il suit de longue date les affaires liées à l’Eglise catholique en Chine. De passage à Bologne, en Italie, à la Fondation pour les sciences religieuses Jean XXIII, il a accordé une interview à Gianni Valente, de la rédaction de 30Giorni (1).

Le chercheur explique qu’au-delà de la division entre « clandestins » et « officiels », c’est « la foi des catholiques chinois » qui a fait et continue de leur faire rejeter la politique « d’indépendance » de l’Eglise de Chine vis-à-vis du Saint-Siège voulue depuis plus d’un demi-siècle par Pékin. Pour les catholiques chinois, il n’y a pas de difficulté à s’affirmer comme pleinement catholique et pleinement chinois. « Comme les autres catholiques (de par le monde), [les catholiques chinois] aiment leur patrie et veulent participer à la vie et à la modernisation de la Chine », explique le chercheur, qui précise : « Aujourd’hui, les prêtres ne sont pas disposés à devenir évêques si leur nomination ne vient pas du pape et si le mandat apostolique fait défaut. »

La nouveauté, poursuit Ren Yanli, est que « le gouvernement a compris que, s’il veut que les évêques soient des pasteurs estimés et suivis par les fidèles et qu’ils ne soient pas vus comme des fonctionnaires isolés et imposés de l’extérieur, il doit admettre, ce qu’il fait maintenant, que la nomination venant du pape et la pleine communion avec lui sont des éléments absolument indispensables ». Ainsi, l’idée d’imposer à l’Eglise une indépendance synonyme de séparation du pape et de l’Eglise universelle aurait été abandonnée par la direction chinoise. Des séminaires d’études réservés aux responsables politiques auraient déjà été organisés afin de « trouver une nouvelle définition de l’indépendance qui distingue l’aspect ecclésial et religieux de l’aspect politique ». Les dirigeants chinois réfléchiraient ainsi à un concept d’indépendance considéré uniquement « dans sa perspective politique », qui ne serait plus appliqué aux aspects de la vie de l’Eglise concernant la foi.

Signe de la réflexion en cours, analyse encore Ren Yanli, un ballon d’essai a été lancé à Hongkong, où, en mai dernier, un journal local a publié le texte d’« une personnalité chinoise anonyme mais influente » à propos d’une « révision par Pékin des catégories d’autonomie, d’indépendance et d’autogestion », qui sont la base de la doctrine religieuse gouvernementale (2). « Pragmatique », la direction chinoise ne souhaite pas « de changements de cap ostentatoires », mais aurait compris qu’elle ne pouvait forcer les catholiques à accepter des dirigeants inacceptables à leurs yeux. C’est ainsi que l’Assemblée nationale des représentants catholiques, qui doit élire les futurs présidents de l’Association patriotique et de la Conférence des évêques « officiels », a été reportée à 2010, les candidats pour ces postes devant, pour être « vraiment reconnus et respectés », être choisis parmi « les évêques en communion avec le pape » (3).

Selon les observateurs, les propos de Ren Yanli sont à dessein très optimistes pour donner une image positive de la politique religieuse chinoise et ils renvoient à ceux tenus il y a peu par un autre chercheur de l’Académie chinoise des sciences sociales. Début décembre 2009, dans les colonnes du China Daily, Liu Peng appelait à un changement de politique religieuse, en vue de l’édification d’un système fondé sur la loi et non sur des mesures administratives, l’Etat se contentant du maintien de l’ordre public et refusant de se prononcer sur le contenu et le fonctionnement des religions (4). Avec Ren Yanli, le propos est cantonné à l’Eglise catholique mais va dans le même sens : prendre acte du développement des religions en Chine et, chez les catholiques, de la nature particulière du lien à Rome et à l’Eglise universelle. La difficulté semble être que, selon Ren Yanli, « le gouvernement veut avoir la garantie que l’Eglise ne se comportera pas comme un corps politique, que les évêques chinois seront indépendants d’éventuelles orientations politiques et géopolitiques de la Curie romaine ». En d’autres termes, le gouvernement chinois s’accommoderait d’une Eglise catholique avec des évêques nommés par le pape pourvu que les actes et les propos de ces derniers soient conformes à la ligne politique du Parti. Ren Yanli explique : « En pratique, on veut éviter qu’un évêque ou un nonce puisse attaquer la politique du gouvernement. » Il conclut en disant que, tant que cette garantie ne sera pas donnée, « il y aura des gens à Pékin qui s’obstine[ront] à vouloir maintenir un certain contrôle sur la nomination des évêques ».

Par ailleurs, dans l’interview accordée à Gianni Valente, Ren Yanli révèle une information inédite : lors de la visite en Italie du président chinois Hu Jintao en juillet 2009, à l’occasion de la tenue du G8 à L’Aquila, le pape Benoît XVI avait fait savoir au dirigeant chinois qu’il aurait été heureux de le recevoir au Vatican. « La rencontre n’a pu avoir lieu mais l’invitation du pape a été appréciée », précise le chercheur chinois.