Eglises d'Asie

Les chrétiens dénoncent la remise en liberté sous caution de l’avocat soupçonné d’être responsable de la mort de la fillette catholique qu’il employait

Publié le 25/03/2010




« Nous ne pouvons pas faire confiance au système judiciaire. La décision est comme un message adressé à la communauté chrétienne pour lui signifier qu’elle peut s’attendre à de nouveaux actes de violence. » C’est par ces termes que Mgr Timotheus Nasir, modérateur de l’Eglise presbytérienne unie du Pakistan, a accueilli la nouvelle de la remise en liberté de Naeem Chaudhry, avocat en vue de Lahore,…

…  soupçonné d’être responsable des mauvais traitements ayant entraîné la mort de Shazia Shaheen, la fillette catholique qu’il employait comme domestique et qui est décédée à l’âge de 12 ans le 22 janvier dernier (1).

Au Pakistan, l’émotion suscitée par cette affaire a été immédiate et forte, le président du pays étant allé jusqu’à débloquer une aide pour les parents de Shazia Shaheen, des catholiques très pauvres de Lahore, et ordonner une enquête. Toutefois, l’attention médiatique est vite retombée et les avocats de Lahore se sont, semble-t-il, ligués pour faire front et défendre leur collègue, de religion musulmane, interpellé et placé en détention le 24 janvier. Les avocats, chrétiens ou musulmans, approchés par les associations de défense des droits de l’homme qui s’intéressent à l’affaire, ont reçu des menaces pour les dissuader d’être les conseils des parents de la victime. C’est dans ce contexte que Mgr Timotheus Nasir, ancien officier de l’armée pakistanaise et juriste réputé, a annoncé qu’il assurerait la défense des intérêts de la famille de Shazia Shaheen.

A propos de la décision, annoncée le 15 février par un tribunal de Lahore, de remettre en liberté sous caution Naeem Chaudhry, son épouse, son fils et la personne par l’entremise de laquelle la fillette avait été recrutée, Mgr Timotheus Nasir a estimé qu’il s’agissait là d’un geste « planifié à l’avance ». « Tout au long de ces quinze derniers jours, je constate que la coopération, la collaboration et l’harmonie ont été totales entre les avocats, la police, la justice et le gouvernement », a déclaré l’évêque, citant notamment le rapport d’autopsie expliquant le décès de la fillette par des blessures infectées et un état de malnutrition. « Aucune infection ne peut causer une fracture de la mâchoire et des bras, pas plus que de profondes entailles ou des brûlures au fer à repasser », a dénoncé le prélat, rappelant que le corps de la fillette portait « ces marques quand elle a été transportée à l’hôpital ».

En attendant la fin de l’instruction judiciaire et l’éventuel jugement de Naeem Chaudhry, qui a toutefois été mis en examen pour le meurtre de la jeune domestique, les responsables de la communauté chrétienne tiennent à maintenir la pression. Joseph Francis, directeur du Centre for Legal Aid, Assistance and Settlement, a annoncé son intention de faire appel auprès de la Haute Cour de Lahore de la remise en liberté de Naeem Chaundhry. « Le monde est témoin du fait que les tribunaux dans ce pays musulman ne sont pas en mesure de rendre la justice aux pauvres et aux minorités », a-t-il déclaré à l’agence Ucanews (2).

A l’archidiocèse catholique de Lahore, le vicaire général, le P. Andrew Nisari, est allé dans le même sens : « La justice est prise en otage au Pakistan. Il est navrant de voir que ceux-là même qui sont chargés d’assurer la défense des justiciables font bloc pour innocenter l’un des leurs. » Au Conseil national pour le dialogue interreligieux, son directeur, un prêtre capucin, avait organisé un colloque pour dénoncer cette affaire et ce qu’elle recouvre en matière d’exploitation du travail des enfants et de mépris des minorités religieuses. Pour cela, il avait invité un juge à venir témoigner. Mais celui-ci « s’est désisté au motif que Naeem Chaudhry était un camarade de promotion et qu’il ne pouvait pas s’exprimer publiquement à son propos ». « Pour nous, il est évident que justice ne sera pas rendue » dans cette affaire, a conclu le prêtre.

Le 13 février au soir, une centaine de manifestants se sont réunis devant le Club de la presse de Lahore pour dire leur détermination à poursuivre le combat afin que justice soit rendue à Shazia Shaheen.