Eglises d'Asie

Le gouvernement impose censure et autocensure sur des sujets religieux

Publié le 25/03/2010




Par un communiqué diffusé le 9 mars dernier, Reporters sans frontières (RSF) dénonce la censure et l’autocensure imposées par le ministère malaisien de l’Intérieur au journal The Star sous la forme d’une lettre d’avertissement. Le quotidien avait publié un article remettant en cause le châtiment corporel imposé à trois femmes musulmanes, en vertu de la charia.

The Star, l’un des journaux les plus lus du pays, devrait disposer de toute la latitude pour fournir à ses lecteurs les informations et les points de vue les plus divers sur des questions de société, fait valoir RSF, qui demande au Premier ministre Najib Razak de réformer la loi sur les publications et la presse, loi qui date de 1984 et qui maintient les médias dans la précarité grâce au système de renouvellement des licences.

The Star a été contraint de publier des excuses publiques, suite aux pressions des autorités et de groupes musulmans. Le journal a également retiré de son site Internet (www.thestar.com.my) l’article « Persuasion, not Compulsion » (‘La persuasion, pas la contrainte’) rédigé par son directeur de publication, P. Gunasegaram. Dans un article du 19 février, le journaliste questionne et qualifie de « disproportionné » le châtiment (coups de canne) imposé le 9 février à trois femmes accusées d’adultère. Cette punition était la première du genre en Malaisie depuis des années.

Suite à cette lettre d’avertissement, le quotidien a refusé de publier un commentaire de la chroniqueuse Marina Mahathir dans lequel elle explique que les règles liées à la charia ont été écrites par l’homme et qu’elles sont par conséquent susceptibles d’être débattues. La journaliste a alors décidé de publier cet article sur son blog (http://rantingsbymm.blogspot.com). Selon l’organisation malaisienne Centre pour le journalisme indépendant (CIJ, www.cijmalaysia.org), « quand les contenus censurés sont disponibles sur Internet, cela confirme encore plus que les médias traditionnels sont moins dignes de la confiance du public que les médias Internet ». Le CIJ appelle les médias à assumer leur rôle de « quatrième pouvoir ».

Pour faire appliquer ses décisions, le gouvernement dispose d’un arsenal juridique redoutable : la loi sur les publications et la presse écrite de 1984 qui concerne aussi bien les livres et les journaux que les parutions étrangères. Elle laisse à la discrétion du ministère de l’Intérieur le pouvoir d’accorder ou de révoquer les licences de publication. Récemment, des copies des livres Where is Justice? et 1 Funny Malaysia, publiés par Malaysiakini.com, ont été confisqués dans deux Etats de la Fédération. Ils contenaient des caricatures du dessinateur Zunar dont un magazine avait été interdit en 2009. L’ouvrage d’un journaliste étranger consacré à un ancien chef du gouvernement et ayant pour titre, Malaysian Maverick: Mahathir Mohamad in Turbulent Times, a lui aussi été interdit de circulation dans le pays. En revanche, un tribunal a autorisé en janvier la circulation d’un livre publié par l’organisation Sisters in Islam, auparavant interdit par le gouvernement.

Ces actes de censure interviennent dans un contexte de crispation autour de la polémique sur l’utilisation du mot Allah en malais par l’hebdomadaire catholique Herald. Le 14 janvier, les bureaux des avocats du journal étaient cambriolés et saccagés. Le gouvernement a interdit l’utilisation de ce mot aux publications chrétiennes, mais serait prêt à accorder une dérogation dans certains Etats (1).

La Malaisie occupe le 131ème rang du classement mondial de la liberté de la presse sur les 175 pays que Reporters sans frontières a recensé en 2009.