Eglises d'Asie

Renonçant à agir en justice, l’Eglise catholique demande des excuses aux deux journalistes musulmans, profanateurs d’une hostie consacrée

Publié le 25/03/2010




Le 4 mars dernier, lors d’une conférence de presse, Mgr Murphy Pakiam, archevêque catholique de Kuala Lumpur, a publiquement annoncé que l’Eglise catholique abandonnait toute poursuite judiciaire à l’encontre du mensuel Al-Islam et des deux journalistes qui avaient profané une hostie consacrée lors d’une enquête menée dans le cadre de leur travail, mais il a ajouté qu’il attendait, tant du journal que des journalistes en cause, des excuses publiques.

S’exprimant au nom de l’ensemble des catholiques de Malaisie, l’archevêque de Kuala Lumpur a regretté dans les termes les plus vifs la décision du ministère public d’abandonner toute poursuite contre les journalistes et le média incriminés, mais il a ajouté que le pardon étant au cœur du message chrétien, l’affaire serait tenue pour close dès l’instant où « le directeur de la publication s’excuserait ». Mgr Pakiam a précisé que cela ne serait pas la première fois que l’Eglise renoncerait à aller devant les tribunaux pour le bien de la paix et du bien commun, et il a cité la publication, il y a quelques années, par un journal tamoul d’une publicité irrespectueuse où le Christ était représenté une cannette de bière à la main, une cigarette dans l’autre (1). « Dès que le rédacteur en chef s’est excusé, je lui ai dit : ‘Très bien. J’accepte l’excuse. L’affaire est close’. »

L’affaire de la profanation d’une hostie consacrée remonte au printemps dernier (2), lorsque Al-Islam, publication grand public, avait fait paraître une enquête sur les supposées conversions au christianisme d’adolescentes musulmanes. En reportage incognito dans une église catholique de Kuala Lumpur, les deux reporters du journal écrivaient qu’ils ne constataient pas l’existence de telles conversions, et dissertaient sur l’usage du mot Allah dans la liturgie catholique. Toutefois, dans leur souci de s’immiscer au cœur du service religieux catholique, ils avaient pris place dans la file des fidèles pour la communion et reçu dans la bouche l’hostie consacrée. Dans l’article publié, les journalistes présentaient la photographie d’une hostie, celle qu’un des deux journalistes avait conservée un temps dans sa bouche avant de la recracher, brisée en plusieurs morceaux, pour la photographier.

Réagissant alors ce qu’ils ressentaient comme une profanation, deux catholiques de Penang portaient plainte le 8 juillet 2009 et, après un premier refus de la police, parvenaient à faire enregistrer leur demande par les autorités. La police avait alors mené l’enquête au titre de l’article 298 A du Code pénal, qui punit d’une peine maximale de cinq ans de prison toute action néfaste à l’unité et à l’harmonie, visant à causer la division, l’animosité ou la haine pour des motifs religieux. Puis, rien ne s’était passé, avant que, le 23 février 2010, les deux catholiques reçoivent un courrier de la police les informant que le parquet avait conseillé de ne pas poursuivre plus avant l’enquête et que l’action en justice était donc éteinte.

Mgr Pakiam a dénoncé l’instruction du parquet comme « impliquant le message qu’aucun crime n’avait été commis, alors même que les journalistes ont admis qu’ils avaient profané la Sainte Communion ». Il a poursuivi en affirmant que les autorités n’avaient pas saisi l’importance du tort fait à la communauté catholique. Les deux journalistes n’ont pas seulement manqué de respect pour l’Eglise et les catholiques, ils ont montré « du mépris pour nos croyances ». L’archevêque s’est toutefois déclaré défavorable à l’initiative des deux catholiques à l’origine de la plainte qui ont déclaré, une fois la décision du parquet connue, qu’ils appelaient à manifester pacifiquement fin mars. Manifester sur la voie publique « n’est pas une manière efficace de trouver une solution à ce problème », a fait valoir l’archevêque.

Pressé par les journalistes à propos d’un éventuel lien entre la délicate résolution de la polémique sur l’utilisation par les catholiques de langue malaise du mot Allah (3) et sa volonté de ne pas poursuivre en justice le journal Al-Islam, Mgr Pakiam a répondu que c’était aux autorités de prendre leurs responsabilités. Sur le fond, il a plaidé pour « une meilleure compréhension mutuelle et un plus grand respect de chacun envers l’autre ». « Nous vivons dans une société multiculturelle et pluri-religieuse. Il est indispensable que chacun respecte les croyances de l’autre, faute de quoi nous perdons de vue notre humanité et notre dignité – des valeurs qui sont au cœur du projet ‘1Malaysia’ », référence à la politique du gouvernement actuel visant à mettre en valeur et à consolider l’unité de la Malaisie.