Eglises d'Asie

Les pressions s’accumulent en vue d’une révision de la politique de l’enfant unique

Publié le 06/04/2010




A l’été 2007, réagissant à des informations récurrentes selon lesquelles la politique de l’enfant unique, mise en place en 1979, allait être remise en cause, un porte-parole de la Commission nationale pour la population et le planning familial démentait officiellement qu’une réforme en ce domaine soit à l’étude et affirmait « ne pas voir intervenir de changement majeur avant 2010 » (1).

Un peu moins de trois ans plus tard, tandis que l’année 2010 correspond à la mise en place d’un nouveau plan quinquennal, les pressions appelant à une révision de cette politique démographique s’accumulent.

A l’Assemblée nationale populaire, dont la session annuelle plénière a commencé le 5 mars dernier, un groupe de représentants a ouvertement remis en question la politique de l’enfant unique, appelant à une réforme déjà demandée depuis plusieurs années dans de nombreux cercles académiques. Signe du caractère désormais non tabou de cette remise en question, le Quotidien du peuple, journal du Parti, s’en est fait l’écho : « Un groupe de législateurs fait pression pour assouplir la politique de planification familiale en Chine, faisant valoir qu’elle n’est plus adaptée à l’époque et cause des problèmes économiques et sociaux. »

Lors de la mise en place de la politique de l’enfant unique, à l’époque de Deng Xiaoping, la mesure avait été présentée comme ponctuelle et devant être appliquée durant une génération, le temps pour le pays de se remettre debout économiquement sans avoir à supporter le poids d’une démographie jugée pénalisante. Au fil des années, cette politique avait toutefois acquis un statut supérieur ; intégrée au consensus politique cimentant les dirigeants de la Chine post-Mao, elle était devenue intouchable, ou, plus exactement, son éventuel abandon était devenu, au regard des souffrances humaines et sociales induites par sa mise en place et son maintien, synonyme d’un tel risque politique qu’aucun des principaux dirigeants du pays n’avait souhaité le prendre.

Aujourd’hui, plus d’une génération a passé depuis 1979 et le Parti comme le gouvernement laissent plus aisément transparaître les tensions qui les traversent à propos d’une éventuelle réforme de la politique de l’enfant unique. Le Nanfang Zhoumo, hebdomadaire cantonais du week-end connu pour la vivacité de sa ligne éditoriale, a ainsi récemment fait état de l’expérimentation menée, dans la plus grande discrétion, dans le district de Yicheng. Situé au cœur d’une région minière et rurale du Shanxi, ce district échappe à la politique de l’enfant unique dans la mesure où, depuis un quart de siècle, la politique de réduction de la natalité n’y est pas conduite par la contrainte mais par des normes laissant plus de liberté aux parents. Ainsi, l’âge légal au mariage y est de trois années plus élevé qu’ailleurs. Les couples ont droit d’emblée à deux enfants, pourvu qu’un écart de six ans soit respecté entre les deux naissances. Au-delà, la stérilisation est « encouragée ». Depuis vingt-cinq ans que dure l’expérience, ses résultats sont présentés comme encourageants : la population du district a crû de 20,7 % contre 25 % au niveau national, et le ratio des sexes à la naissance y est quasi conforme à la normale (106 garçons pour 100 filles à la naissance, là où la préférence culturelle et sociale pour les mâles a mené ce ratio au plan national à 119 garçons pour 100 filles).

Bizarrement, le Nanfang Zhoumo présente l’expérience menée à Yicheng comme un scoop, alors qu’elle était connue de longue date des démographes et avait fait l’objet de présentations dans la presse, y compris étrangère (2). Quoi qu’il en soit, il semble qu’à travers la relation des prises de position de parlementaires à l’Assemblée nationale populaire et par l’entremise d’articles de presse, certains, en Chine, mettent en avant la nécessité pour le pays de réviser sa politique démographique. Jusqu’ici menée au nom d’un impératif purement quantitatif, la diminution à marche forcée de la natalité ne cache désormais plus les conséquences sociologiques et économiques qu’elle a provoquées. Pour autant que les données statistiques officielles soient fiables, les chiffres laissent entrevoir un vieillissement rapide de la population dans un pays où le système des retraites est loin d’être généralisé. En 2008, les plus de 60 ans représentaient 8 % de la population ; ils seront 25 % en 2050. Par ailleurs, conséquence de la masculinisation de la société, d’ici à quelques années, ce sont environ 40 millions d’hommes qui ne trouveront pas d’épouse.

Selon des commentateurs chinois, un des obstacles les plus importants à une vraie réforme de la politique de l’enfant unique réside dans l’administration même qui est responsable de son application. La Commission nationale pour la population et le planning familial représente en effet des centaines de milliers de fonctionnaires pour qui la réduction du taux de fécondité à 1,8 enfant par femme demeure un objectif inchangé, quand bien même certains démographes en Chine affirment que le taux réel est déjà inférieur à 1,8. Dans un pays qui globalement s’enrichit mais dont chaque entité administrative locale est devenue financièrement autonome et doit générer des rentrées fiscales, les amendes pour naissance hors quota représentent une source non négligeable de revenus.

Enfin, les études les plus récentes montrent que, dans les principaux centres urbains mais aussi de plus en plus souvent dans les campagnes, les jeunes parents ne sont pas disposés à avoir de nombreux enfants. Lorsqu’ils sont interrogés, ils font état de leur désir d’un ou deux enfants, voire d’aucun, et mettent en avant la nécessité de payer des études, coûteuses, à leur progéniture comme le souhait d’améliorer leur propre niveau de consommation. Pour l’anecdote, on peut noter que les démographes s’attendent à ce que l’année en cours, année du Tigre, soit une année relativement peu féconde. En effet, l’adage populaire dit que les filles nées sous le signe du Tigre risquent de devenir des femmes au caractère trop affirmé, à l’image de la vitalité et de la force symbolisées par le tigre. En revanche, 2007, l’année du Cochon avait été particulièrement féconde, en raison de sa réputation de signe du zodiaque chinois le plus agréable à vivre, à la fois aimant, soumis et généreux.