Eglises d'Asie

Le parti présidentiel triomphe aux législatives tandis que les Eglises chrétiennes et les ONG dénoncent des violences et des irrégularités électorales

Publié le 16/04/2010




Vendredi 9 avril, le Parti de l’Alliance pour la liberté du peuple uni (UPFA), coalition menée par le président Mahinda Rajapaksa, pouvait déjà annoncer son écrasante victoire aux élections législatives du 8 avril, bien que le décompte ne soit pas encore achevé (1), avec au moins 117 sièges obtenus sur les 225 à pourvoir.Un score sans surprise pour les électeurs sri-lankais, …

… après une campagne électorale marquée par l’intimidation et la violence, sans compter la dislocation de l’opposition lors de la mise aux arrêts du général Fonseka, principal rival du président. Le taux d’abstention (autour de 50 %) est le plus fort jamais enregistré pour des législatives au Sri Lanka, avec moins de 18 % seulement de votants pour le seul district de Jaffna.

Jeudi 8 avril, le scrutin s’est déroulé sous haute surveillance policière et militaire (80 000 hommes déployés dans tout le pays), mais dans le même climat d’insécurité et de censure qui avait déjà été dénoncé par les ONG et les représentants des Eglises chrétiennes lors de la campagne électorale. Dans une déclaration de presse le 6 avril dernier, Mgr Malcolm Ranjith, archevêque catholique de Colombo, avait appelé le pays à préparer des élections sans violences. Il avait incité « tous les citoyens à exercer leur droit de vote » afin d’orienter le destin de leur pays « de la meilleure façon possible » et avait rappelé encore qu’il était du devoir des catholiques de voter pour des personnes « intègres », « agissant sans discrimination ni d’âge, ni d’ethnie, ni de religion » (2). De son côté, la Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka s’était alarmée de la censure et de la violence grandissante qui sévissait encore à quelques jours seulement du scrutin et avait demandé à ce que les « élections puissent avoir lieu en toute liberté et transparence » (3).

Jeudi 8 avril, le Centre pour la surveillance des violences électorales (CMEV) et d’autres ONG ont rapporté qu’il s’était produit de multiples incidents et tentatives d’intimidations dans les bureaux de vote, ainsi que des irrégularités dans le déroulement du scrutin. Ainsi des milliers de déplacés des régions du nord du pays, telles Vavuniya, auraient été mis dans des bus affrétés par le gouvernement pour se rendre dans des bureaux de vote où ils n’étaient pas inscrits et n’auraient donc pas pu mettre leur bulletin dans l’urne. D’autres auraient été menacés de représailles s’ils allaient voter.

« Ce ne sont pas du tout des élections libres et transparentes. Il y a eu des violences électorales et des malversations à grande échelle », a déclaré à la presse, vendredi 9 avril, Tissa Attanayake, secrétaire général du principal parti d’opposition, l’United National Party (UNP) (4). Avec sa très large majorité, le parti du président attend cependant la proclamation des résultats pour 45 autres sièges, certains devant être annoncés le 19 avril, d’autres nécessitant un nouveau dépouillement en raison d’incidents violents et de fraudes constatés dans les bureaux de vote (en particulier dans le district de Kandy, au centre du pays).

Ces quelques sièges supplémentaires pourraient offrir à Mahinda Rajapaksa la majorité des deux tiers au Parlement et lui permettre ainsi d’amender la Constitution. Selon ses opposants, Rajapaksa viserait un troisième mandat présidentiel et aurait l’intention de créer un système bicaméral. Réélu lors d’élections présidentielles anticipées en janvier dernier, débarrassé de son rival politique, le général Fonseka, qu’il a fait arrêter pour complot contre l’Etat, et enfin, sorti victorieux des législatives qu’il a convoquées après avoir dissous le Parlement en mars dernier, Mahinda Rajapaksa semble franchir sans grande difficulté les étapes d’un renforcement du pouvoir présidentiel.