Eglises d'Asie

De la difficulté d’être un évêque « officiel » en Chine après la publication du communiqué du 25 mars par le Saint-Siège.

Publié le 19/05/2010




Interrogés par l’agence Ucanews (1), plusieurs évêques « officiels » dont la qualité épiscopale est à la fois reconnue par Rome et par Pékin ont exprimé l’idée que l’application par eux de certains des conseils exprimés par le Saint-Siège dans un récent communiqué relatif à l’Église en Chine les mettait dans une situation délicate.Le communiqué en question est celui du 25 mars 2010, … 

… publié à l’issue de la troisième réunion au Vatican de la Commission pour l’Église en Chine. Instituée par Benoît XVI en 2007 dans la foulée de la publication de sa Lettre aux catholiques chinois, la Commission s’est réunie à Rome, pour la troisième fois, du 22 au 24 mars dernier. Dans ce texte, le Saint-Siège a, avec une clarté et une publicité inédites, demandé aux évêques de Chine de s’engager toujours plus avant dans la voie de l’unité de
la communauté ecclésiale « en évitant (…) de poser des gestes (comme par exemple des célébrations des sacrements, des ordinations épiscopales, la participation à des réunions) qui sont en contradiction avec la
communion avec le pape, lequel les a nommés comme pasteurs, gestes qui créent des difficultés, parfois angoissantes, au sein des communautés ecclésiales respectives »
. Sont visées la participation à des cérémonies sacramentelles menées aux côtés d’évêques exerçant leur épiscopat sans mandat pontifical, l’ordination à l’épiscopat de prêtres n’ayant pas reçu leur nomination de Rome, ou bien encore la participation
à l’Assemblée nationale des représentants catholiques, assemblée dont la convocation est repoussée depuis plus d’un an mais qui devrait être réunie avant la fin de l’année 2010 (2).

Si les trois évêques interrogés par Ucanews n’évoquent pas leurs « angoisses », ils expriment clairement la difficulté dans laquelle ils se trouvent. Faisant partie des évêques « officiels » reconnus par le pape, ils ont choisi de s’exprimer sous le sceau de l’anonymat, signe du caractère sensible des enjeux en présence.

Mgr « Joseph » ne cache pas que le communiqué a mis « sous pression » les évêques de Chine. Il loue la « clarté » du propos et la direction « plus concrète » ainsi indiquée pour parvenir à « une réconciliation » des communautés catholiques en Chine, mais il estime que certains évêques pourront rencontrer des difficultés à suivre les conseils ainsi formulés par Rome. Il précise que les situations diffèrent d’un diocèse à l’autre et que « chaque évêque agit selon sa propre conscience ». Pour sa part, il souligne que sa conscience ne lui permet pas de prendre part à une ordination illicite (i.e. menée sans le consentement du Saint-Père). Il se montre plus hésitant quant à participer ou non à l’Assemblée nationale des représentants catholiques, bien qu’il qualifie cette instance de « contraire à l’esprit de l’Église ».

Les deux autres évêques – appelons-les « Paul » et « Pierre » – affirment eux aussi qu’ils ne participeraient pas à une ordination épiscopale illicite, le pape Benoît XVI s’étant clairement exprimé à ce propos dans sa Lettre de 2007. « Quoique mon diocèse ou moi-même puissions endurer à cause de cela, je ne participerai certainement pas à une ordination illicite », déclare Mgr « Paul ». Quant à être amené à concélébrer l’Eucharistie aux côtés d’un ou de plusieurs évêques illégitimes, la chose peut se produire à l’occasion de telle ou telle réunion organisée par les autorités ecclésiales. « Je n’y participerai pas si celui qui préside est un évêque illégitime, mais si celui-ci figure parmi les autres concélébrants, je peux difficilement faire autrement que de participer », explique-t-il (3).

À propos d’une éventuelle participation à l’Assemblée nationale des représentants catholiques, l’évêque ajoute que, bien qu’il comprenne les intentions de la Commission pour l’Église en Chine, il lui semble difficile pour un évêque de refuser une convocation des autorités. « Pas plus que nombre de mes confrères, je ne souhaite siéger au sein de cette Assemblée nationale, mais il est difficile de refuser. »

L’ Assemblée est organisée par le gouvernement. « Si vous ne vous rendez pas à la convocation, on vous reprochera de ne pas aimer votre pays. Les fonctionnaires responsables subiront la pression exercée par leurs supérieurs et ils passeront leur colère sur les évêques récalcitrants. Tout le travail que souhaite faire un évêque pour son Église deviendra alors très difficile », analyse Mgr « Paul ».

Pour Mgr « Pierre », il est difficile de mettre en pratique ce que préconise le communiqué du 25 mars. Comment dire ‘non’ à des représentants du pouvoir qui peuvent exercer de très fortes contraintes pour obtenir que tel ou tel évêque participe à l’Assemblée nationale des représentants catholiques ou prenne part à une ordination illicite ? « Nous les évêques, nous ne savons plus quoi faire. Nous n’avons plus aucune marge de manoeuvre depuis que la Lettre du pape est parue. Nous ne pouvons que choisir entre survivre avec les failles du système ou rompre les contacts avec le gouvernement », se lamente-t-il, poursuivant : « Dans la partie « officielle » de l’Église, on craint de mettre en danger les bonnes relations patiemment construites avec les autorités, année après année. »

Selon Mgr « Pierre », la convocation prochaine de l’Assemblée nationale des représentants catholiques ne pourra qu’aboutir à une fracture au sein de la communauté « officielle ». « Je choisirai d’y prendre part tout en y siégeant de manière passive, afin d’élargir ma marge de manoeuvre dans le champ pastoral et ne pas embarrasser les autorités locales [de mon diocèse] », affirme-t-il, précisant que, selon lui, la majorité des évêques « officiels » feront de même. Agir autrement serait irréaliste, explique-t-il. Ceux qui souhaitent suivre les conseils formulés par le Saint-Siège doivent se préparer à des relations nettement plus difficiles avec les autorités et à un contrôle plus resserré – ce qui est une autre manière d’être témoin du Christ, conclut-il.