Eglises d'Asie

Les infirmières chrétiennes souffrent de graves discriminations, qui les empêchent souvent d’exercer leur travail

Publié le 19/05/2010




L’Eglise catholique tire la sonnette d’alarme au sujet des discriminations croissantes dont sont victimes les infirmières chrétiennes, spécialement lorsqu’elles sont mariées avec des hommes appartenant à une autre religion. Des discriminations telles qu’elles vont jusqu’à remettre en cause l’exercice de leur profession. Le 14 mai dernier, la Commission pour la pastorale des infirmières et celle pour le dialogue interreligieux…

… du diocèse catholique de Faisalabad, au Pendjab, ont organisé une « Journée des infirmières » dans les locaux de l’Hôpital St Raphaël. Quelque 300 infirmières – dont 200 chrétiennes –, quatre prêtres et une vingtaine de religieuses catholiques y ont pris part, n’hésitant pas à faire part de leurs graves préoccupations, rapporte l’agence Ucanews (1).

 

Fondée par Mgr Paolo Andreotti (évêque de 1976 à 1984), l’un des prédécesseurs de l’évêque actuel de Faisalabad, la Commission pour la pastorale des infirmières a pour but d’aider les jeunes femmes chrétiennes à intégrer la profession, leur procurer des conseils lorsqu’elles rencontrent des difficultés et organiser à leur intention des sessions de formation ou d’échanges.

 

Les intervenants du séminaire du 14 mai ont particulièrement tenu à souligner les graves problèmes auxquels doit faire face la minorité des infirmières chrétiennes dans le pays, une profession qui, de manière générale, est très déconsidérée au sein de la société pakistanaise. « Aujourd’hui, dans notre société, il est plus que nécessaire d’encourager et de venir en aide à ceux qui luttent pour la vie dans le climat permanent d’insécurité qui est le nôtre. Etre infirmière est une vocation qui contrebalance la violence continuelle générée par la guerre contre le terrorisme », a déclaré le P. Khalid Rashid Asi, vicaire général du diocèse de Faisalabad.

 

Directeur du Faisalabad Arts Council, Asif Shah, de religion musulmane, a souligné le fait que, malgré les grands services rendus à la société par les infirmières, leur profession avait mauvaise presse au Pakistan, pays marqué par le patriarcat et les préjugés misogynes et archaïques d’une très grande partie des hommes.

 

Pourtant, « dans beaucoup de familles chrétiennes pauvres, les jeunes filles rêvent de devenir infirmière et cette profession a aussi la réputation d’être un bon moyen pour partir travailler à l’étranger », explique Sr. Ignia John, religieuse, infirmière elle-même et membre de la Commission diocésaine pour la pastorale des infirmières. Les professions du domaine médical et paramédical sont en effet, selon la Nurses Christian Fellowship Pakistan, une association chrétienne de soutien aux infirmières, l’un des premiers choix de carrière chez les chrétiens. « Pourtant cela devient de plus en plus difficile pour elles d’entrer dans une école d’infirmières parce que les critères d’admission ont été renforcés et que peu d’étudiantes chrétiennes acquièrent le niveau suffisant pour intégrer ce type d’école », ajoute-t-elle.

 

A l’origine du durcissement de la sélection, il y a certes la relative faiblesse de la formation des infirmières qui exercent actuellement et que de nombreux médecins au Pakistan considèrent comme insuffisante et peu adaptée à l’évolution des techniques médicales modernes. Mais avant tout c’est du manque de respect et de considération dont souffrent principalement les infirmières dans leur pays, et elles sont nombreuses à chercher à s’expatrier. Même au sein de leur profession, elles sont souvent victimes de harcèlement de la part de leurs collègues masculins (2), quant elles ne sont pas tout simplement empêchées d’effectuer les soins des patients de sexe masculin au nom de la décence islamique.

 

Les difficultés qu’éprouvent également les infirmières à trouver un mari qui accepte leur profession ont été soulignées lors de la session du 14 mai, et le cas très problématique des mariages mixtes entre infirmières chrétiennes et maris musulmans a fait l’objet d’une attention toute particulière. Pour illustrer ce cas de figure, que Sr. Ignia John décrit comme étant à l’origine de graves difficultés, une représentation théâtrale mettait en scène une infirmière, jeune mariée, qui devait subir les reproches incessants de sa belle-mère sur sa profession. La pièce s’achevait sur la maladie de la belle-mère, donnant ainsi l’occasion à sa belle-fille de lui montrer ses talents et son utilité en la soignant.

 

Environ 500 infirmières chrétiennes sont actives à Faisalabad, où le diocèse possède un hôpital et deux dispensaires. Au Pakistan, on compte un total de sept hôpitaux catholiques.

 

Selon l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) (3), il y a deux fois plus de médecins que d’infirmières au Pakistan. Cette grave pénurie de personnel féminin hospitalier est l’une des causes de la dégradation de la situation sanitaire dans le pays, qui est devenu l’un de ceux qui affiche le taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde. Le nombre total des infirmières au Pakistan est de 65 387 (chiffre 2009), soit 5 infirmières pour 10 000 habitants, un rapport similaire à celui de la République démocratique du Congo, bien loin derrière la moyenne mondiale de 28 infirmières pour 10 000 habitants.