Eglises d'Asie

Selon l’agence Chine Nouvelle, l’unique paroisse catholique du Tibet est un exemple de cohabitation réussie entre les religions

Publié le 11/06/2010




Sous le titre « Une église catholique au Tibet », l’agence de presse de la République populaire de Chine, Xinhua (Chine Nouvelle), a diffusé, le 31 mai dernier, une dépêche à propos de l’unique paroisse catholique installée dans la Région autonome du Tibet. A en croire le journaliste qui cite le responsable de cette communauté catholique, les conflits entre catholiques et bouddhistes tibétains, qui autrefois ont pu être violents, « appartiennent au passé ».

Le journaliste commence sa dépêche en décrivant comment une catholique de 62 ans, baptisée dans son jeune âge, se rend chaque jour, « qu’il pleuve ou qu’il vente », à l’église. Prénommée Lucie – un « nom occidental » qui lui a été donné par le prêtre lors de son baptême, apprend-on –, elle lit la Bible en tibétain et présente des hada, ces longues pièces de soie offertes par les Tibétains, à la statue de la Vierge Marie qui se trouve dans l’église.

 

Il poursuit en décrivant cette église comme étant perchée en haut d’une colline, surplombant une vallée du fleuve Jinsha, nom que prend le Yangzi Jiang sur son cours supérieur (en réalité, l’église surplombe le Lancang Jiang, soit le Mékong). Le village attaché à l’église est celui de Yanjing (en chinois) ou Yerkalo (en tibétain), situé à près de 3 000 m d’altitude, à l’extrême est de la Région autonome du Tibet. Il précise ensuite que c’est un « missionnaire français », Félix Biet, qui l’a bâtie en 1865. « Le Père Félix, né en 1838, avait été ordonné prêtre en janvier 1864. Il arriva au Tibet deux mois plus tard. Il fut également ordonné évêque et mourut en 1901 » (1).

 

La dépêche se poursuit en expliquant qu’après la construction de l’église, les heurts entre les catholiques et les fidèles des lamaseries voisines furent fréquents. Ils « atteignirent un pic dans les années 1940 lorsque des lamas armés s’emparèrent de l’église » (2). Et, toujours selon le journaliste, les catholiques ne purent récupérer leur lieu de culte qu’en 1951 lorsqu’ils en firent la demande auprès du « Comité de libération populaire du Qamdo » (information invérifiable étant donné la fermeture du pays après l’invasion du Tibet par l’Armée populaire de libération entre 1950 et 1951). Citant alors un site officiel d’information sur le Tibet, China Tibet News, le journaliste écrit : « Le retour de l’église [aux catholiques] marqua la fin des heurts entre les catholiques locaux et les bouddhistes tibétains. »

 

Les décennies suivantes sont parcourues à grandes enjambées. On apprend ainsi que, durant la Révolution culturelle (1966-1976), l’édifice est transformé en école. Puis qu’il est restauré à la fin des années 1980 pour un coût de 102 000 yuans (12 500 euros), dont 95 000 financés par les autorités chinoises. (La dépêche ne dit rien de la destruction de l’église par un tremblement de terre en 1999 et de sa reconstruction, avec une aide étrangère, en 2004.)

 

Le journaliste fait ensuite intervenir un certain « Père Laurent », dont on peut penser qu’il s’agit du P. Laurent (ou Laurence) Lu Rendi. Ordonné prêtre en 1996, le P. Lu Rendi a effectivement servi comme curé de Yerkalo durant plusieurs années, avant de s’éloigner de cette région et de la prêtrise. Dans la dépêche de Xinhua, le P. Laurent témoigne du fait que, sur un millier d’habitants, la communauté compte plus de 500 catholiques. « L’église a enrichi la culture locale et coexiste avec les monastères tibétains », commente-t-il, ajoutant : « Nombreux sont les villageois qui amènent leurs bébés pour qu’ils soient baptisés. Les baptêmes sont administrés durant huit jours consécutifs. Les bébés reçoivent des noms religieux comme Paul et Anne. Ces noms seront leurs noms durant toute leur vie. Une fois décédées, ces personnes seront enterrées. »

 

Pour conclure, le journaliste présente « Maria », qui prend soin au jour le jour de l’édifice religieux. Son mari, Zhaxi Wangdui, est un bouddhiste tibétain « fervent ». « Tous deux sont pieux, explique Maria, et chacun respecte les croyances de l’autre. ‘Après tout, nous partageons la même culture et le même style de vie.’ Lors du Nouvel An tibétain, qui tombe habituellement en mars, Maria se joint à son mari et aux villageois pour le célébrer. » Le P. Laurent est à nouveau cité : « Après toutes ces années de coexistence, les couples du village dont l’un et l’autre conjoint n’appartiennent pas à la même religion peuvent rester fidèles à leur foi religieuse quand ils se marient et leurs enfants peuvent choisir, quand ils grandissent, leur propre religion. » Le journaliste explique encore qu’à Noël, le P. Laurent accueille des catholiques venus des provinces voisines et que des bouddhistes des lamaseries avoisinantes sont invités. « ‘Les conflits religieux entre les catholiques et les bouddhistes appartiennent au passé’, affirme le P. Laurent. »

 

Ce n’est pas la première fois que l’agence Xinhua s’intéresse à la paroisse de Yerkalo. En octobre 2006, Chine Nouvelle avait diffusé une dépêche quasiment semblable à celle publiée ce 31 mai (3). Déjà, la conclusion du président du comité villageois était que « les conflits religieux entre catholiques et bouddhistes apparte[naient] au passé ». Il semble que la nouvelle dépêche de Xinhua a été diffusée en anglais seulement, et non sur son fil principal en chinois, ce qui pourrait signifier que son contenu est avant tout destiné à un lectorat étranger.