Eglises d'Asie

Mobilisation des catholiques pour l’un des leurs injustement mis en examen pour « blasphème »

Publié le 24/06/2010




Les lois anti-blasphème du Code pénal pakistanais ont fait une nouvelle victime : le 20 juin dernier, un catholique de 73 ans a été placé en détention et mis en examen pour « blasphème » après qu’un de ses voisins, de religion musulmane, l’eut accusé d’avoir insulté le prophète Mahomet. Rapidement, les catholiques de l’archidiocèse de Faisalabad se sont mobilisés pour lui venir en aide.

L’incident à l’origine de l’affaire aurait eu lieu il y a trois mois. Situé au Pendjab, le village de Jhandewali compte une petite communauté catholique, forte de 25 familles, qui vivent parmi une majorité de musulmans. Sans que l’on en connaisse les détails, un différent foncier a opposé Rehmat Masih (1), 73 ans, à un voisin, Sajid Hameed, ce dernier accusant le premier d’avoir blasphémer contre le prophète Mahomet. Le temps que la plainte suive son cours, ce n’est que le 20 juin que Rehmat Masih a été incarcéré par la police de Faisalabad.

 

Au Pakistan, les lois anti-blasphèmes sont inscrites à l’article 295 du Code pénal, alinéas B et C. Introduites en 1982 et 1986, elles prévoient la peine de mort ou la prison à vie, ainsi que des peines d’amende, tout « emploi de remarques désobligeantes, eu égard au respect du Saint Prophète, écrites ou orales, qu’il s’agisse d’une représentation visible, d’une insinuation, directe ou indirecte, entachant le nom du Saint Prophète Mahomet (que la paix soit avec lui) ». Toute profanation du Coran est passible de la prison à vie. Vivement critiquées à l’extérieur du pays ainsi que par certains milieux pakistanais, elles n’ont toutefois jamais été radicalement amendées ou abrogées.

 

A Jhandewali, les catéchistes et les anciens de la communauté catholique se sont mobilisés pour venir en aide à leur coreligionnaire. Ils ont fait appel à leur évêque, lequel a chargé sa Commission ‘Justice et Paix’ de tout mettre en œuvre pour assurer sa défense. Selon le P. Khalid Rashi Asi, vicaire général du diocèse de Faisalabad, « l’accusation portée contre Rehmat Masih est mensongère, le cas a été monté pour camoufler un différent foncier ». Le prêtre ajoute que des élections ont eu lieu dans le village de Jhandewali il y a trois mois et que l’accusé et son accusateur étaient chacun dans des camps opposés. Depuis que l’affaire a éclaté, d’autres villageois catholiques se voient menacés d’être accusés à leur tour de blasphème, précise-t-il encore.

 

Cela fait des années que différents milieux au Pakistan et à l’étranger dénoncent les lois anti-blasphème et l’usage abusif qui en est fait par des groupes extrémistes et par ceux qui souhaitent régler des comptes personnels. Ils soulignent aussi que ces lois ont conduit à une montée de la violence contre les membres des minorités religieuses, même si un plus grand nombre de musulmans que de chrétiens, ahmadis, hindous ou autres farsis se retrouvent derrière les verrous au titre de l’article 295 du Code pénal.

 

Interrogé par l’agence Fides (2), l’évêque catholique du diocèse de Hyderabad (province du Sind), Mgr Max John Rodrigues, commente : « La loi (sur le blasphème) a été introduite par le dictateur Zia-ul-Haq [au pouvoir de 1978 à 1988] et aucun gouvernement, militaire ou démocratique, n’a jusqu’à maintenant réussi à la retirer. Pourtant une grande partie de la société s’accorde à vouloir la supprimer. Les chrétiens ainsi que les autres minorités religieuses résistent et ont organisé une campagne nationale et internationale (3), et même des musulmans soutiennent son abolition. Le fait est que quelques groupes extrémistes islamistes, qui veulent la maintenir, sont prêts à se mobiliser : quand par le passé il y a eu des annonces ou des tentatives visant à abolir la loi, des protestations publiques ont éclaté, bloquant le processus. Le paradoxe est que l’opinion publique est en général d’accord sur l’abolition, mais c’est l’opinion de petites fractions extrémistes qui l’emporte. »

 

L’évêque poursuit : « L’organe qui a le pouvoir d’agir est le Parlement, où les lois sont approuvées ou abolies. Mais aujourd’hui de nombreux parlementaires ont peur car ils peuvent être pris pour cible par les extrémistes. Le pays, en effet, combat aussi le terrorisme, les homicides ciblés, les attentats contre les institutions et les forces de sécurité. Les hommes publics ont peur pour leur vie et la situation ne se débloque pas. (…) Nous poursuivrons notre lutte en espérant que le pays soit capable de se libérer de l’emprise du terrorisme et de l’extrémisme idéologique et religieux. »

 

Les évêques catholiques du Pakistan déclarent approuver pleinement une récente résolution du Parlement européen « sur la liberté religieuse au Pakistan », résolution adoptée le 20 mai 2010. Les parlementaires européens écrivent être « profondément préoccupés par le fait que les lois sur le blasphème – qui peuvent entraîner la peine de mort au Pakistan et qui sont souvent invoquées pour justifier la censure, la criminalisation, la persécution et, dans certains cas, les assassinats de membres de minorités politiques, raciales et religieuses – préparent la voie à des abus qui touchent les gens de toutes confessions au Pakistan » ; ils invitent notamment « le gouvernement pakistanais à revoir en profondeur les lois sur le blasphème et leur application actuelle (…) » (4).