Eglises d'Asie

Hongkong : après le vote de réformes démocratiques timides et controversées, des chrétiens s’engagent à la lutte pour le suffrage universel

Publié le 30/06/2010




A Hongkong, le 24 juin dernier, un train de réformes visant à démocratiser les institutions de la Région administrative spéciale a été voté au Legco (Legislative Council), le Parlement local. Timides et controversées, ces réformes n’ont pas dissuadé certains milieux hongkongais, notamment des chrétiens, de poursuivre la lutte pour l’instauration du suffrage universel dans les institutions politiques du territoire.

Le 25 juin, au lendemain du vote, un collectif de dix organisations chrétiennes a appelé les Hongkongais à descendre en masse dans la rue le 1er juillet prochain. Depuis 1997, année du retour de Hongkong sous le drapeau chinois, tous les 1er juillet, en marge des cérémonies officielles commémorant la rétrocession, une marche est organisée au cœur de la ville par les partisans de la démocratie. Depuis la marche de 2003, qui avait réuni une foule considérable de 500 000 personnes, cette manifestation fait office de baromètre de la mobilisation politique des Hongkongais (1). Pour le 1er juillet prochain, Jackie Hung, membre de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Hongkong, voudrait que la mobilisation soit forte : « Ce n’est pas parce que les réformes ont été votées que le système politique ne peut pas être réformé. Nous appelons les gens à continuer la lutte pour la démocratie. »

 

Les réformes votées le 24 juin présentent le paradoxe de sembler aller vers plus de démocratie tout en renforçant un système électoral peu démocratique, où les différents électeurs n’ont pas le même poids. Présentées sous la forme d’un « package », elles n’ont été votées qu’au terme de deux jours de débats enfiévrés, le gouvernement en place, qui agissait avec l’aval de Pékin, réussissant in fine à réunir la majorité des deux tiers nécessaire à leur adoption. Une victoire acquise au prix d’une scission du camp démocrate, entre les partisans du compromis et ceux qui dénonçaient une manœuvre politicienne. Le package de réformes a été adopté par 46 voix contre 13, le Legco comptant un total de 60 députés.

 

Les réformes concernaient les modes de désignation du chef de l’exécutif et des députés qui seront appliqués lors des prochaines échéances électorales, à savoir 2012. Le chef de l’exécutif, qui est actuellement élu par un collège de 800 personnes dûment sélectionnées, sera choisi désormais par un collège porté à 1 200 personnes. Quant aux députés, dont actuellement 30 sont élus au suffrage universel et 30 par des collèges électoraux restreints fondés sur l’appartenance à une profession (où les pro-Pékin dominent), leur nombre passe de 60 à 70. Selon un compromis conclu à la dernière minute avec le Parti démocrate, les dix nouveaux sièges seront pourvus au suffrage universel mais de la manière suivante : cinq au suffrage universel (à l’image de ce qui se fait déjà pour 30 des sièges du Legco) et cinq au suffrage universel, à ceci près que les candidats pour ces sièges auront été préalablement sélectionnés par les collèges professionnels, ce qui, expliquent les détracteurs de la réforme, vide le processus de toute légitimité démocratique.

 

Au sein du camp démocrate, le vote des réformes se traduit par une division nettement visible. Le fait que le Parti démocrate ait choisi, contrairement à certains éléments plus radicaux du camp démocrate, de négocier avec l’exécutif est analysé par Martin Lee Chu-ming comme une victoire de Pékin. « Le vote de ces réformes aide Pékin à diviser l’opinion publique hongkongaise. Au lieu de viser à l’abolition pure et simple des collèges électoraux restreints, les réformes ne font qu’élargir modestement les cercles appeler à désigner les futurs dirigeants de Hongkong », a commenté celui qui fait figure de vétéran des démocrates. De son côté, Albert Ho Chun-yan, chef du Parti démocrate, explique que, sans se montrer naïf face à Pékin, il n’y a pas de mal à saisir toutes les opportunités visant à élargir le jeu démocratique à Hongkong, tout en continuant à lutter pour le suffrage universel.

 

Après le vote du 24 juin, l’évêque émérite du diocèse de Hongkong, le cardinal Zen Ze-kiun, s’est gardé d’intervenir publiquement. Connu pour se battre de longue date pour la démocratisation des institutions politiques du territoire (2), il s’était toutefois exprimé avant le vote. Etant donné la complexité du sujet, il avait demandé, quelques jours avant le 23 juin, un report des débats afin que les citoyens de Hongkong disposent de plus de temps pour étudier, discuter et exprimer leurs vues sur les réformes envisagées. Agir autrement ne serait que manifester « du dédain pour l’opinion publique », avait expliqué le cardinal. Il ajoutait aussi : « Le problème est qu’à la base, [le train de réformes] ne fera que maintenir, voire renforcer le système des électorats restreints, alors que l’objectif ultime est de le supprimer. »

 

La Loi fondamentale (Basic Law), qui fait office de Constitution pour les institutions de Hongkong, porte en elle le principe du suffrage universel mais n’en précise pas les modalités d’application. Dans son article 45, il est ainsi écrit que « le but ultime est de choisir le chef de l’exécutif par le suffrage universel sur nomination par un comité de nomination largement représentatif et selon les procédures démocratiques ». Depuis la rétrocession, la question est donc de savoir quand arrivera le suffrage universel. Après avoir échoué à le faire adopter pour 2007, les partisans de la démocratie plaidaient pour qu’il soit mis en place en 2012. Entre temps, Pékin a fait savoir qu’il ne saurait être question de transition démocratique avant 2017 au mieux.

 

Depuis 1991, les élections ont, de manière constante, apporté 60 % des suffrages aux démocrates.