Eglises d'Asie – Thaïlande
Selon un prêtre catholique, l’Eglise se doit de mobiliser les consciences pour empêcher le recours aux mères porteuses
Publié le 30/07/2010
Jusqu’à récemment, le droit thaïlandais ne disait rien de la gestation pour autrui. Cette pratique n’était ni interdite ni légalisée. Une rapide recherche sur Internet laisse toutefois apparaître une réalité où les offres commerciales en ce domaine sont légion. Rebecca Ponce, avocate philippine qui travaille auprès du barreau de Bangkok, explique que la profusion des offres sur Internet amène bien des Thaïlandais et des étrangers à penser que les mères porteuses agissent dans la légalité en Thaïlande (1). Or, à ce jour, le Code civil dit que « c’est la femme qui a donné naissance qui est inscrite comme la mère de l’enfant dans les registres d’état-civil ; si celle-ci est mariée, elle-même et son époux sont considérés comme les parents légitimes de l’enfant ». Or, les sociétés commerciales qui proposent la gestation pour autrui promettent, sans aucune base légale, qu’elles sont en mesure d’assurer que ce sont les noms des parents génétiques de l’enfant qui seront portés sur le certificat de naissance, et non celui de la mère porteuse.
L’avocate poursuit en expliquant que c’est la popularité croissante de la pratique des mères porteuses qui a contraint le législateur thaïlandais à se pencher sur la question. En mai dernier, le Parlement a ainsi voté un texte, à ce jour non encore promulgué par le roi. L’intention du législateur a été d’encadrer cette pratique, notamment sa commercialisation. Le principe est que tout paiement à un tiers ou à la mère porteuse est interdit ; dans le même ordre d’idée, tout contrat privé passé entre un couple et une mère porteuse sera tenu pour non recevable devant un tribunal en cas de litige. Sur un autre plan, la pratique est restreinte par le fait que deux types de gestation pour autrui seulement seront autorisés : celui où l’embryon implanté dans l’utérus de la mère porteuse est issu de la fécondation des cellules somatiques d’un couple marié, et celui où l’embryon implanté est issu soit du sperme du mari, soit de l’ovule de l’épouse, fécondé avec les cellules d’une tierce personne.
Selon le P. Siranon Sanpetch, les quelques garde-fous prévus par la loi sont très insuffisants. Ainsi, une fois la loi promulguée, si une femme désire un enfant mais ne souhaite pas en assurer la gestation pour une raison ou une autre – volonté de ne pas arrêter son travail professionnel, utiliser le temps de la grossesse à autre chose, désir de ne pas « abimer » son corps –, elle en aura la possibilité. « La gestation pour autrui deviendra un job comme un autre », avertit le prêtre, qui cite le cas de plusieurs stars locales du cinéma qui ont eu recours à des mères porteuses. Ces actrices, dont des catholiques, explique-t-il, ont préféré demander à une autre femme de porter pour elles leur enfant plutôt que de mener à bien elles-mêmes leur grossesse. « Au lieu de s’interroger sur la moralité d’un tel acte, la société trouve cela très bien et les magazines publient les photos des enfants nés ainsi », constate-t-il encore.
Dès les premières phases du travail parlementaire qui a abouti au vote de la loi de mai dernier, l’Eglise catholique a travaillé en coordination avec les bouddhistes et les musulmans pour interdire la légalisation de la gestation pour autrui. En vain. « L’opinion publique n’est pas assez avertie des tenants et des aboutissants de cette pratique, analyse le P. Siranon Sanpetch. En tant qu’organisation religieuse, nous devrions nous interroger sur notre incapacité à former les consciences sur cette question. »
Une fois la loi promulguée, il appartiendra à l’Eglise et aux autres religions de « former les gens sur les questions morales afin de les amener à apprécier la valeur de la vie donnée par Dieu au travers d’une conception et d’une gestation naturelle ». Dans un premier temps, le P. Siranon Sanpetch souhaite approcher le recteur du grand séminaire, au Saengtham College, pour que ses étudiants apprennent ce que contiennent les lois du royaume et ce que vivent les gens. « Cela aidera nos futurs prêtres à comprendre ce qui se passe dans notre société », conclut-il.