Eglises d'Asie

Des responsables chrétiens se joignent aux protestations contre le vote d’un amendement à la Constitution qui signera « l’avènement de la dictature »

Publié le 08/09/2010




Des responsables chrétiens ont appelé à dénoncer « l’illégalité constitutionnelle » du 18ème amendement à la Constitution que les parlementaires sri-lankais s’apprêtaient à voter mercredi 8 septembre.L’amendement qui avait été présenté mardi 7 septembre à la Chambre selon la procédure du « vote en urgence » a pour objet la modification de la Constitution afin de permettre au président actuel, …

… Mahinda Rajapksa, de prolonger l’exercice du pouvoir au-delà des deux mandats autorisés, et ce, sans limites dans le temps. L’amendement augmenterait également le pouvoir présidentiel au détriment du législatif, et autoriserait le chef de l’Etat à désigner les détenteurs des postes-clés dans la police et les institutions judiciaires.

« [Si cette loi est votée par le Parlement], cela conduira inévitablement à une politisation encore plus forte de nos institutions nationales et à une destruction rapide de notre déjà bien fragile culture démocratique », s’est inquiété Mgr Duleep de Chickera, évêque anglican de Colombo, dans une déclaration rendue publique le 2 septembre dernier.

Le Centre pour la Société et la Religion (CSR), dirigé par les missionnaires Oblats de Marie Immaculée (OMI), a de son côté lancé une vaste campagne d’affichage et envoyé des messages de sensibilisation aux leaders religieux et politiques. « Nous avons besoin d’une Constitution qui autorise les citoyens à participer au processus politique », a déclaré Chameera Perera, l’un des coordinateurs du CSR, « [mais] la Constitution actuelle prive totalement les citoyens d’un quelconque pouvoir de décision ».

Le coup de force était pressenti par les observateurs de la politique sri-lankaise depuis les élections législatives d’avril dernier où le parti de Mahinda Rajapaksa a obtenu la majorité des deux tiers, nécessaire à une modification de la Constitution. Ses adversaires soupçonnaient alors le président, reconduit dans ses fonctions en janvier dans des conditions électorales dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme, de vouloir préparer le terrain constitutionnel afin d’établir un régime présidentiel renforcé (1).

« Tout ce qui dans le pays représente la voix de la liberté est opposé » à ce changement constitutionnel, affirme Mgr Duleep de Chickera, qui ajoute qu’un tel projet de loi ne devrait pas être ainsi « expédié » mais faire l’objet d’un débat public après avoir été étudié soigneusement. « Ce n’est que lorsque les gens sont suffisamment informés des avantages et des inconvénients [qu’engendre] la réforme constitutionnelle, qu’ils ont la possibilité de participer au processus et sont informés des décisions, que l’on peut parler de démocratie », explique encore le prélat anglican.

De fait, la consultation de la population, prévue initialement, n’a pas été retenue par la Cour suprême chargée de statuer en première instance sur le 18ème amendement. « La Cour suprême a déclaré que le projet de réforme de la Constitution ne requérait pas un référendum avant d’être voté, mais seulement une adhésion de la majorité des deux tiers au Parlement », a déclaré à la Chambre sri-lankaise Chamal Rajapaksa, frère aîné du président et président (speaker) du Parlement, ajoutant que le projet d’amendement serait présenté en urgence au vote des députés.

Un appel aux parlementaires à voter contre le 18ème amendement a également été lancé le 3 septembre par des hommes politiques, des universitaires, des journalistes et des avocats : « Nous sommes opposés fermement et sans équivoque à ce projet de loi. Il conduira notre pays sur le chemin de la dictature et il n’y aura pas de retour en arrière possible » (2). Quant au principal parti d’opposition, l’United National Party (UNP), ses responsables ont déclaré que le changement constitutionnel préparait le chemin de « la loi de l’autocratie ».

Le 7 septembre, les premières manifestations ont commencé à Colombo : des groupes d’avocats ont procédé à l’enterrement symbolique de la démocratie en défilant en procession funéraire derrière un cercueil devant le siège de la Cour suprême. Le 8 septembre, jour du vote de l’amendement, les opposants au projet de loi ont appelé à un « Black Day ». En signe de deuil de la démocratie, les manifestants ont été invités à s’habiller de noir ou à porter au moins un bandeau autour de la tête. La mobilisation risque d’être importante : de nombreux partis comme l’United National Party (UNP), le People’s Liberation Front (JVP), la Democratic National Alliance (DNA), la Tamil National Alliance (TNA), un grand nombre d’associations en faveur des droits de l’homme, des mouvements chrétiens, ont prévu de manifester dans la capitale. Selon certaines sources, des partisans du JVP qui avaient commencé mardi 7 septembre à rallier la capitale avaient déjà été arrêtés par la police.

Ce 7 septembre, l’Asian Human Rights Commission, basée à Hongkong, a commenté ainsi les derniers événements : « Nous considérons cet amendement comme marquant la fin de la démocratie libérale au Sri Lanka. »