Eglises d'Asie

Le Parlement valide, malgré les oppositions, le changement constitutionnel renforçant le pouvoir présidentiel de Mahinda Rajapaksa

Publié le 10/09/2010




Malgré l’importante mobilisation mercredi 8 septembre des opposants au 18e amendement à la Constitution, le changement constitutionnel a été adopté à la majorité des deux tiers par le Parlement sri-lankais dans la soirée d’hier. La réforme, qui lève la limitation du mandat présidentiel, est passée à 161 voix contre 17. Une majorité d’autant plus écrasante que les députés de l’United National Party (UNP), le principal parti d’opposition, avaient boycotté le vote.

Le président Mahinda Rajapaksa pourra grâce à cet amendement briguer un troisième mandat en 2016, et nommer les détenteurs des postes-clés dans la police, la justice, la commission électorale et la banque centrale. Le chef de l’Etat est apparu rayonnant sur les chaînes de télévision publiques, entouré des membres de son gouvernement venus fêter à Temple Trees, la résidence présidentielle, sa victoire.

 

Craignant pour l’avenir de la démocratie et des libertés au Sri Lanka, de nombreux partis d’opposition, mouvements d’Eglise, organisations de défense des droits de l’homme et groupes de médias avaient organisé un Black Day, mercredi 8 septembre, alors que le projet de loi était soumis au vote du Parlement (1). Des milliers de manifestants avaient afflué dans les rues de Colombo, vêtus de noir ou portant des drapeaux et des écharpes de deuil, en direction de la Chambre des députés. Brûlant des cercueils symbolisant la démocratie et brandissant des effigies de Mahinda Rajapaksa représenté comme une divinité hindoue dont les multiples bras contrôlent toute la société, les opposants se sont vite heurtés aux forces de l’ordre qui les ont arrêtés avant qu’ils puissent atteindre le Parlement. Ils ont dû ensuite affronter les militants pro-gouvernementaux qui avaient organisé leurs propres cortèges et scandaient des slogans en faveur du « président sauveur du Sri Lanka ».

 

Des chrétiens de toutes confessions, catholiques, méthodistes, anglicans, avaient également répondu à l’appel du Christian Solidarity Movement (CSM) pour une veillée de protestation silencieuse. Ils étaient une centaine, laïcs et religieux, à réciter le rosaire devant l’église Saint-Philippe-Neri. L’un d’entre eux, le P. Sarath Peiris, avait fait 200 km depuis son diocèse d’Anuradhapura afin de se joindre aux manifestants. « Un tel amendement pourrait détruire la démocratie (…) et signer la fin de notre liberté », a expliqué Sr Rose Fernando, Franciscaine Missionnaire de Marie, à l’agence AsiaNews.

 

La Conférence des évêques catholiques du Sri Lanka était, quant à elle, sortie de son silence prudent des derniers jours, pour déclarer dans un communiqué de presse : « En tant que guides spirituels de la communauté catholique et concernés par le bien-être de la population, sans différence de culture ou de religion, nous voulons affirmer que, dans tout amendement de la Constitution, les valeurs essentielles de la démocratie, et l’indépendance des différentes institutions politiques ou sociales doivent être préservées. En aucun cas, le bien-être et la prospérité de la population aussi bien que sa dignité humaine et sa liberté ne doivent être sacrifiés » (2).

 

Les différents opposants au changement constitutionnel n’ignoraient cependant pas que leur protestation serait davantage un baroud d’honneur qu’une véritable pression exercée sur les parlementaires, le président sri-lankais s’étant assuré la majorité des deux tiers à la Chambre lors des élections anticipées qu’il avait convoquées après avoir dissous le corps législatif au printemps dernier. Ils ont donc commenté avec fatalisme le résultat du vote qui change de façon irrémédiable le régime politique sri-lankais : « C’est un grand revers pour la démocratie, a constaté Paikiasothy Saravanamuttu, directeur exécutif du Centre for Policy Alternatives, un groupe de réflexion local. La Chambre est désormais un Parlement croupion. C’est une période sombre qui s’ouvre devant nous. »

 

Dans le quotidien sri-lankais Sunday Leader, du 5 septembre dernier, l’un des éditorialistes dépeignait ce qui, selon lui, allait advenir du Sri Lanka si la réforme était votée : « La plupart des Constitutions sont faites par le peuple et pour le peuple. La Constitution du Sri Lanka est faite par et pour le président. Le projet [du 18e amendement] donne au président encore plus de pouvoir et sans aucune limitation de durée (…). Ce n’est pas un contrat entre un gouvernement et le peuple. C’est un chèque en blanc accordé à un seul homme (…). Cette nouvelle Constitution ne fait que fonder une dynastie. »