Eglises d'Asie – Pakistan
Caritas Internationalis lance un nouvel appel pour le Pakistan qui s’enfonce dans une crise humanitaire sans précédent
Publié le 20/09/2010
… en terme de nombre de personnes à assister et de territoire à couvrir pour leur porter secours ».
Ce vendredi 17 septembre, l’ONU a redemandé avec insistance à la communauté internationale de se mobiliser, déplorant que son appel de fonds d’urgence lancé le 11 août, pour 460 millions de dollars, n’ait pu être à satisfait qu’à 60 % environ.
Outre la province montagneuse de Khyber Pakhtunkhwa (ancienne province de la Frontière du Nord-Ouest), les inondations ont touché le Baloutchistan, le Pendjab, l’Azad-Cachemire et le Sind, soit la majeure partie du territoire pakistanais. Selon des sources locales, plusieurs millions de réfugiés dans le Sind et le Pendjab, les deux provinces les plus sinistrées, n’ont toujours pas reçu d’assistance humanitaire. Les eaux continuent de descendre du nord du pays et les ordres d’évacuation se poursuivent, comme aux environs du lac de Manchar, le plus grand du Pakistan, qui menace de se déverser sur les villes et villages qui l’entourent.
Le bilan actuel donné par le gouvernement fait état de près de 2000 morts mais les ONG craignent qu’après les opérations de premiers secours qui s’achèvent, le pays n’entre dans une phase encore plus critique avec l’arrivée de l’hiver. « Des millions de personne ont dû fuir et sont sans toit, ni nourriture ni soins médicaux. Leurs champs ont été balayés, leurs moyens de subsistance détruits. Les maladies sont une menace constante. Des vies pourraient être sauvées si l’on apportait rapidement de l’aide aux populations les plus vulnérables », prédit Anila Gill, secrétaire exécutive de Caritas Pakistan.
Depuis plus de six semaines, Caritas Pakistan distribue des aides alimentaires, des tentes, des médicaments et administre des soins de première urgence avec ses quelque 200 volontaires locaux et l’aide de la Caritas Internationalis (1). Les membres de l’ONG catholique sont particulièrement attentifs à respecter les traditions des réfugiés, comme celle du purdah qu’observent certaines femmes musulmanes, et qui exige des contraintes logistiques particulièrement difficiles à appliquer dans les camps surpeuplés ou les centres de soins. «Dans la tragédie de l’évacuation, les femmes sont les victimes les plus faibles. Le risque de maladies et d’épidémies est plus important [pour elles], mais selon la tradition et la pratique locales, elles ne peuvent être examinées que par des médecins de sexe féminin», explique Anila Gill à l’agence Fides.
Dans les zones difficiles d’accès, comme les chaînes montagneuses du nord où le gouvernement ne peut faire parvenir l’aide, ce sont des ONG locales, souvent islamiques, qui occupent le terrain, profitant du vide laissé par les institutions pour récolter des fonds pour leurs organisations, dont certaines ont été reconnues comme illicites au niveau international (3). Dans ces régions, la catastrophe naturelle des inondations se double d’une discrimination dans la distribution des aides. Les chrétiens et les minorités religieuses comme les Ahmadi (4) sont délibérément ignorés, aussi bien par les fonctionnaires locaux que par les organisations islamiques. De nombreuses ONG ont rapporté les multiples discriminations que ces groupes doivent affronter : refus de soin, interdiction d’entrée dans les camps de réfugiés, refus de distribution d’aide alimentaire et de secours d’urgence… Les appels au gouvernement se sont multipliés ces derniers jours, venant de responsables d’Eglise, d’organisations humanitaires, mais aussi de la presse pakistanaise qui s’est émue de ces violations répétées du droit humanitaire.
Ces réactions d’indignation se sont amplifiées avec la révélation récente de nouvelles tragédies : afin de sauver leurs terres, des grands propriétaires ont construit des digues et dévié les eaux vers les villages et les terres de paysans pauvres, appartenant souvent aux minorités religieuses chrétiennes, hindoues ou musulmanes, les inondant intentionnellement. Le village chrétien de Khokharabad au Pendjab a ainsi été totalement englouti, entraînant la mort de 15 personnes et l’anéantissement des biens de toute sa population. Selon le directeur de la commission pour les droits de l’homme du Pakistan (HRCP), ces « dérivations intentionnelles » concerneraient surtout les provinces du Sind et du Pendjab et auraient déjà laissées sans toit plus de deux millions de personnes. « Le phénomène des eaux déviées au détriment des pauvres a suscité un vaste écho et l’indignation de l’opinion publique. Les grands propriétaires ont pensé à sauver leurs champs, en construisant des structures de canalisation, sans s’intéresser aux conséquences. Ce sont des personnes riches, influentes, et même directement présentes au Parlement. Elles pensent pourvoir agir sans être inquiétées » (5), a-t-il déclaré, rejoignant le flot de condamnations des ONG, locales et internationales (dont la Croix-Rouge), et des responsables religieux comme Peter Jacob, secrétaire de la Commission « Justice et Paix » de la conférence épiscopale du Pakistan, lesquels ont demandé qu’une enquête soit menée par les autorités afin de déterminer les responsables de ces faits criminels qui ont encore alourdi le bilan des victimes des inondations.