Les raisons qui ont présidé à la mise en place de la réforme sont connues : Deng Xiaoping lançait le pays sur la voie des réformes économiques, les planificateurs mettaient en garde contre le risque de voir les efforts en termes d’accroissement de la richesse grignotés par une augmentation démographique excessive. Des experts étrangers furent consultés et préconisèrent la mise en place d’un système de retraite et de sécurité sociale pour inciter les couples à réduire leur fécondité. La haute direction chinoise trancha, estimant que la mise en place d’un tel système était trop coûteuse et sa réussite hasardeuse. En décrétant la politique de l’enfant unique, elle décida d’opter pour une politique volontariste et coercitive de maîtrise de la croissance de la population (1).
En trente ans, cette politique a eu des conséquences considérables (2). Selon des experts, 400 millions de naissances ont été « évitées », permettant ainsi à la richesse par habitant de la Chine populaire de croître considérablement. Parallèlement, les souffrances infligées aux couples ont été tout aussi considérables. Il a été dicté aux couples, non seulement le nombre de leurs enfants, mais aussi le moment où ils pouvaient engendrer : une grossesse survenant à un « mauvais » moment car hors quota devait être interrompue, la coercition étant employée en cas de refus d’avortement. Dans ce contexte, et en l’absence d’un système de retraite généralisé, les couples ont eu recours à la sélection des sexes. En 2005, dernière année où des statistiques ont été publiées à ce propos, celles-ci indiquaient une moyenne de 119 garçons à la naissance pour 100 filles (là où le ratio naturel est de 105 garçons pour 100 filles). Aujourd’hui, ce sont plusieurs dizaines de millions de jeunes hommes qui ne trouvent pas à se marier, des millions de femmes manquant à l’appel. Enfin, les démographes annoncent un vieillissement accéléré de la population chinoise : les plus de 60 ans représentaient 12,5 % de la population en 2009, formant un groupe de 167 millions de personnes ; en 2050, ils devraient être 438 millions, à la charge d’une population en âge de travailler qui ne croît pas au même rythme.
Pour le trentième anniversaire de la politique de l’enfant unique, le Vice-Premier ministre Li Keqiang a déclaré que le gouvernement allait prendre des mesures pour combler l’écart que l’on constate entre les sexes et faire face aux problèmes induits par le vieillissement de la population. Il n’a toutefois pas donné de détails sur les mesures gouvernementales envisagées.
Au plan académique, cela fait déjà plusieurs années que les chercheurs chinois attirent l’attention sur les coûts tant économiques que sociaux de la politique de l’enfant unique. Relayés par des parlementaires (3), ils appellent à une refonte de la politique démographique. Selon He Yafu, un expert qui est en lien étroit avec les démographes du gouvernement, la haute direction chinoise pourrait bientôt autoriser la mise en place d’un projet-pilote dans cinq provinces du pays. Plus qu’une remise en cause de la politique, il s’agirait d’un assouplissement de celle-ci.
Dans le nord-est, les provinces du Heilongjiang, de Jilin et du Liaoning et, dans l’est, celles du Jiangsu et du Zhejiang pourraient autoriser à avoir deux enfants les couples dont l’un des membres est lui-même un enfant unique. Jusqu’à présent, seuls les couples dont les deux membres étaient eux-mêmes des enfants uniques étaient autorisés à avoir deux enfants. « Le choix des cinq provinces est arrêté et, peu à peu, la mesure devrait être étendue au reste du pays », a précisé He Yafu à l’AFP (4).