Eglises d'Asie – Birmanie
En vue du scrutin du 7 novembre, les responsables chrétiens appellent de leurs vœux des « élections libres et justes »
Publié le 07/10/2010
… et président de la Conférence des évêques catholiques de Birmanie (CBCM), ainsi que de Dawn Yin Yin Maw, anglicane, présidente du Conseil protestant des Eglises de Birmanie (MCC), un rassemblement de plusieurs dénominations protestantes.
Depuis 2003, la CBCM et le MCC, les deux institutions représentatives de la majorité des chrétiens de Birmanie, organisent une semaine de prière pour la paix, du 28 septembre au 4 octobre. Cette année, où seront organisées les premières élections en Birmanie depuis vingt ans, les fidèles étaient tout particulièrement invités par leurs leaders religieux à prier pour « faire le bon choix » en votant pour des candidats qui pourront « travailler pour la justice, la paix, l’unité et le développement du pays » (1).
Le mois dernier, pour préparer cette semaine de prière, les paroisses catholiques de l’archidiocèse de Rangoun (Yangon) avaient mis en place, toujours avec le MCC, une adoration eucharistique quotidienne ouverte à tous. Intitulée le « marathon de prière », la manifestation avait débuté le 18 septembre dans une église évangélique et s’était achevé le 24 septembre à l’église catholique St John. Le MCC et la CBCM sont familiers de ces rencontres œcuméniques (particulièrement lors de la semaine pour l’unité des chrétiens en janvier), ainsi que des déclarations adressées au gouvernement et signées en commun. Toutes confessions confondues, les chrétiens ne représentent dans le pays qu’un peu moins de 5 % d’une population bouddhiste à plus de 89 %. Malgré tout, l’Eglise, déjà très engagée dans l’action sociale et humanitaire, n’hésite pas à intervenir également – mais avec prudence et diplomatie – dans le domaine des libertés et des droits de l’homme.
Le 24 septembre dernier, le Conseil chrétien de Myitkyina adressait ainsi ses félicitations officielles au brigadier-général Aung Zeya, de l’USPD (Union Solidarity and Development Council, parti de la junte au pouvoir) en tant que nouveau dirigeant de l’Etat Kachin, tout en rappelant le souhait de l’Eglise d’une « véritable démocratie ». Plus d’une centaine de représentants de l’Eglise protestante avaient assisté à la cérémonie d’accueil du nouvel officiel à la cathédrale catholique de St Colomban à Myitkyina. Selon la tradition, du riz gluant dans un panier de bambou avait été offert au brigadier-général, en signe de respect. « Nous voulons un Etat qui vive dans la paix », avait déclaré le Rév. Zung Kyang, pasteur baptiste et président du Conseil chrétien de Myitkyina, dans son discours de bienvenue. « [Et pour cela], il nous faut travailler ensemble comme des frères, pour bâtir une vraie démocratie. » Dans son discours en réponse, le brigadier-général Aung Zeya avait engagé les responsables chrétiens à enseigner à leurs fidèles « le bon chemin » et à conserver une éthique irréprochable afin de permettre le développement de leur pays. Il avait également fait l’éloge de la liberté de religion : « Chaque citoyen du Myanmar a le droit de suivre le culte de n’importe quelle religion dans le cadre de ses croyances personnelles. »
Par leur déclaration envoyée au général-président Than Shwe, les leaders chrétiens de la CBCM et du MCC n’ignoraient pas davantage que leur demande d’« élections libres et transparentes » resterait un vœu pieux, dans un pays où toute opposition est muselée et aucune des conditions remplie pour assurer une quelconque liberté électorale. Les partis en lice pour les sièges au Parlement, qui ont échappé à la dissolution par la junte (c’est le cas de dix d’entre eux, dont la Ligue nationale pour la démocratie (LND), parti de l’opposante Aung San Suu Kyi) se voient, à quelques semaines du scrutin, freinés par des obstacles financiers, administratifs, voire des intimidations directes de la part du pouvoir en place.
Quant à l’icône de la résistance à la dictature birmane, elle ne sera libérée que le 13 novembre, soit une semaine après les élections (2). La junte s’est voulue cependant rassurante dans ses allocutions devant les Nations Unies, à la suite de la remise en question de la crédibilité et de la validité des élections à venir par Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU, en l’absence de la lauréate du prix Nobel de la Paix (3). Malgré la plainte déposée par Aung San Suu Kyi contre le régime militaire pour dissolution illégale de son parti, l’issue du scrutin de novembre, considéré par l’ensemble de la communauté internationale comme une mascarade, semble ne pas faire de doute, avec la prévisible réélection de l’USDP (Union Solidarity and Development Council), le parti de la junte, au pouvoir depuis 1962 (4).