Eglises d'Asie – Chine
A Hongkong, les chrétiens rejoignent les militants des droits de l’homme qui demandent la remise en liberté de Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix 2010
Publié le 08/10/2010
En Chine, dix secondes après l’annonce à Oslo de l’attribution du prix Nobel de la paix, les médias et Internet ont été soumis à une sévère censure, le nom de Liu Xiaobo disparaissant des écrans. Sur les réseaux sociaux, que la censure a plus de difficulté à contrôler hermétiquement, des internautes, sur Twitter notamment, ont affirmé qu’ils mangeraient du saumon le 8 octobre au soir pour remercier la Norvège, grande exportatrice de ce produit. Le ministère des Affaires étrangères, quant à lui, a immédiatement exprimé son mécontentement, une dépêche de l’agence officielle Xinhua indiquant que Liu Xiaobo avait été condamné par les autorités pour avoir violé la loi chinoise. « Ce qu’il a fait est contraire au but du prix Nobel de la paix », a déclaré le porte-parole du ministère, ajoutant que cette nomination allait détériorer les relations entre la Chine et la Norvège.
Si en Chine continentale l’expression n’est pas libre, à Hongkong les libertés fondamentales sont respectées, et c’est donc devant le bureau de représentation du ministère chinois des Affaires étrangères que des militants des droits de l’homme se sont réunis pour manifester leur soutien à Liu Xiaobo. « Accorder le Nobel de la paix à Liu représente un encouragement pour tous ceux qui se battent pour la démocratie en Chine populaire », a déclaré Patrick Poon, secrétaire exécutif du Groupe chinois des avocats des droits de l’homme, une organisation basée à Hongkong. L’avocat, qui est de religion catholique, a estimé que le surcroit de notoriété de Liu Xiaobo allait permettre à de plus nombreuses personnes en Chine de prendre connaissance de la Charte O8. Malgré la censure, le régime de Pékin n’est plus en mesure d’empêcher la circulation de ce type de textes, a-t-il souligné.
Lancée le 8 décembre 2008, à l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10ème anniversaire de la signature par la Chine des pactes des Nations Unies sur les droits civils et politiques (pactes à ce jour non ratifiés par l’Assemblée populaire nationale) et du 100ème anniversaire de la première constitution chinoise, la Charte 08 a été élaborée sur le modèle de la Charte 77, qui avait marqué en son temps le début d’une opposition ouverte au communisme soviétique. Liu Xiaobo et ses 300 autres signataires originels y demandent l’élargissement des réformes économiques aux réformes politiques, la fin du monopole du Parti communiste chinois et l’ouverture au pluralisme, la liberté d’expression ainsi que la liberté de pratiquer la religion de son choix (1).
Agé de 54 ans, Liu Xiaobo purge actuellement une peine de onze de prison et c’est la troisième fois qu’il paye de sa liberté son engagement en faveur des droits fondamentaux. En 1989, jeune intellectuel de retour des Etats-Unis pour suivre les événements de Tiananmen, il était arrêté et détenu sans jugement durant vingt mois pour avoir défendu publiquement le mouvement démocratique des étudiants ; il avait notamment tenté – et réussi – une médiation entre la troupe et les jeunes protestataires, permettant à un grand nombre d’entre eux d’échapper aux balles et aux chars. En 1996, il est condamné à trois ans de rééducation par le travail pour avoir contesté l’hégémonie du Parti unique : il avait signé une pétition avec le militant Wang Xizhe, appelant à une nouvelle alliance entre le Parti communiste et le Guomindang, le parti nationaliste réfugié à Taiwan après 1949. Dès sa libération en 1999, Liu Xiaobo recommence à dénoncer les violations des droits de l’homme dans son pays. Pour cela, il choisit une voie pacifique, soulignant les progrès réalisés par le pouvoir et l’appelant à aller plus loin dans l’infléchissement de sa politique. Se refusant à tout compromis avec le pouvoir, déterminé à « vivre dans la vérité », il insiste sur le caractère non violent de sa démarche. Pour lui, il est essentiel que la mutation de la Chine vers une plus grande démocratisation se fasse dans le respect des lois et le refus de la violence.
Lorsqu’en décembre 2008 paraît la Charte 08, dont Liu Xiaobo est l’un des rédacteurs et diffuseurs, la police prend les devants : le 8 décembre, elle place le dissident en résidence surveillée et son procès n’aura lieu qu’un an plus tard. Tenu le 23 décembre en l’absence de tout observateur indépendant, le procès est rapidement expédié et le dissident est condamné à onze années de prison pour « subversion du pouvoir de l’Etat ». La sentence est prononcée le 25 décembre 2009, jour de Noël, les autorités chinoises estimant sans doute que, ce jour-là, l’attention des médias du monde extérieur serait moindre.
En juin 2009, alors que la résidence surveillée de Liu Xiaobo avait été transformée en une détention effective, l’évêque catholique de Hongkong, Mgr John Tong Hon avait déclaré : « J’espère que le gouvernement à Pékin autorisera la liberté d’expression. Prendre en compte une pluralité d’opinions ne peut être que bénéfique pour le pays car c’est seulement comme cela que nous pourrons élargir notre horizon. »