Eglises d'Asie

Mgr Malcolm Ranjith a été élevé au cardinalat par le pape Benoît XVI

Publié le 21/10/2010




Seul Asiatique à figurer au nombre des cardinaux dont le pape Benoît XVI a annoncé la création prévue lors du consistoire qui se tiendra à Rome les 20 et 21 novembre prochain, Mgr Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, est à la fois un évêque riche d’une longue expérience pastorale et un proche du pape. …

… Agé de 63 ans, le prélat a servi à Rome aussi bien à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples qu’à la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements.

Le 20 octobre, dès l’annonce, à Rome, des noms des nouveaux cardinaux, les félicitations ont afflué à l’archevêché de Colombo, dont celle du président de la République, Mahinda Rajapaksa. Parmi les catholiques, tous ont salué la nomination comme une reconnaissance accordée à l’Eglise catholique du Sri Lanka, qui réunit 7 % environ des habitants de ce pays. Parmi les chrétiens, si les félicitations ont été unanimes, certains ont exprimé l’opinion selon laquelle le futur cardinal péchait par une trop grande proximité avec l’actuel gouvernement, lequel est critiqué pour ses dérives autoritaires. Chez les bouddhistes, des responsables ont souligné que Mgr Malcolm Ranjith, du temps où il était évêque de Ratnapura (1995-2001), s’était fait le promoteur du dialogue interreligieux.

En juin 2009, lorsque Benoît XVI nomme Mgr Albert Malcolm Ranjith Patabendige Don archevêque de Colombo, c’est un proche collaborateur du pape, connu pour ses qualités de leadership et l’orthodoxie de ses conceptions ecclésiales, qui est envoyé au Sri Lanka. A Colombo, Mgr Malcolm Ranjith, qui, à Rome, assumait le secrétariat de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, succède à Mgr Oswald Gomis, qui a atteint l’âge de la retraite, et retrouve un diocèse dont il avait été l’évêque auxiliaire au début des années 1990. A cette date de juin 2009, Mgr Malcolm Ranjith prend la tête d’une Eglise catholique sri-lankaise à un moment-clé de son histoire : après des mois de combats qui ont coûté la vie à des milliers de civils (1), les séparatistes tamouls du LTTE ont été battus par l’armée sri lankaise qui a reconquis la partie nord-est de l’île où ils avaient progressivement instauré un gouvernement autonome de guérilla. Le chef de l’Etat, Mahinda Rajapakse, a toutes les cartes en main mais aucune solution politique ne semble se dessiner afin de trouver une issue au problème de la cohabitation entre la majorité cinghalaise et la minorité tamoule.

Né le 15 novembre 1947 dans la province du Nord-Ouest de parents cinghalais, fils unique de Patabendige Don William et Mary Winifreeda, Mgr Malcom Ranjith est entré au séminaire à l’âge de 18 ans. De 1966 à 1970, il étudie au séminaire national, à Kandy, avant d’être envoyé à Rome par le cardinal Thomas Cooray parfaire ses études de théologie, à l’université pontificale urbanienne. Le 29 juin 1975, il est ordonné prêtre en la basilique Saint-Pierre par le pape en personne, Paul VI. Il poursuit ensuite ses études à Rome puis à Jérusalem. A son retour au Sri Lanka, il découvre le travail pastoral, notamment auprès de villages de pêcheurs pauvres, à Payagala et à Kalutara. Il fonde alors Seth Sarana, un centre caritatif de l’archidiocèse de Colombo. Plus tard, il déclarera que « l’amour de la liturgie et l’amour des pauvres forment le compas qui guide ma vie de prêtre ». Après avoir assumé divers ministères dans le diocèse, il est nommé évêque auxiliaire de Colombo par Jean Paul II en 1991 puis évêque du diocèse nouvellement érigé de Ratnapura en 1995.

De 1995 à 2001, il est aussi secrétaire général de la Conférence épiscopale sri-lankaise ; il préside de plus la Commission épiscopale pour la Justice, la Paix et le Développement humain, et c’est à ce titre qu’il est impliqué dans la recherche d’une solution au conflit ethnique qui mine son pays. L’Eglise catholique au Sri Lanka (7 % de chrétiens) présente en effet la particularité d’être implantée aussi bien auprès des Cinghalais, qui, dans leur écrasante majorité, sont bouddhistes, qu’auprès des Tamouls, majoritairement hindous. Le prélat veut faire du dialogue interreligieux une étape indispensable à l’apaisement des tensions extrêmes qui existent entre les deux principaux groupes ethniques du pays, tensions qui, à l’occasion, se cristallisent autour de critères religieux. Signe de son acceptation par les deux parties en présence, il sert, à une époque, d’émissaire du gouvernement auprès des Tigres tamouls.

Le 1er octobre 2001, le pape Jean Paul II l’appelle toutefois à Rome, où il devient le premier évêque sri-lankais à être nommé à un poste de responsabilité au Vatican. Secrétaire adjoint à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, il met ses qualités d’organisateur au service des 1 100 diocèses et circonscriptions ecclésiales placés sous ce dicastère. L’entente est toutefois difficile avec le préfet d’alors de la Congrégation, le cardinal Sepe, et, en avril 2004, Mgr Malcolm Ranjith est nommé nonce apostolique en Indonésie et au Timor-Oriental, un poste sensible dans le premier pays musulman du monde et auprès de la toute jeune République est-timoraise, catholique à 98 %.

Rapidement après avoir été élu sur le trône de Pierre, le pape Benoît XVI rappelle Mgr Malcolm Ranjith à Rome, où il lui confie, le 10 décembre 2005, le secrétariat de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. A ce poste, Mgr Malcolm Ranjith n’a jamais fait mystère de ses vues : selon lui, un certain nombre des changements intervenus dans la liturgie après le concile Vatican II ont outrepassé ce que les pères conciliaires souhaitaient. Dénonçant « un état d’esprit à l’œuvre dans les pays occidentaux favorisant une liturgie et une théologie sécularisée », il a, à plusieurs reprises, appelé à une redécouverte du sens du sacré dans la liturgie de l’Eglise. Il a ainsi déclaré : « Je ne suis pas un fan des lefebvristes, mais ce qu’ils disent à propos de la liturgie, ils le disent pour de bonnes raisons » (2).

Au Sri Lanka, selon les observateurs, la tâche de Mgr Malcolm Ranjith à Colombo n’est pas simple. D’une part, le catholicisme dans ce pays est loin d’être unifié, se partageant entre différentes tendances dont la plupart sont le résultat d’une forte acculturation, comme en témoignent de nombreux fidèles qui mêlent des rites hindous au rituel catholique. D’autre part, la situation politique entre les différentes communautés religieuses est lourde de dangers, Mahinda Rajapakse poussant au maximum l’avantage que lui confère la victoire militaire sur les Tigres. Les bouddhistes nationalistes dénoncent toute tentative visant à décentraliser le pouvoir et les voix dissidentes, que ce soit dans les médias ou la société civile, sont fréquemment physiquement éliminées. Mgr Malcolm Ranjith, polyglotte, parlant couramment le cinghalais et le tamoul, se trouve donc chargé de veiller au maintien de l’unité dans l’Eglise catholique de son pays, tout en devant se faire le promoteur, auprès des pouvoirs publics, d’une solution politique à la question tamoule. Nul doute que son élévation au cardinalat ne pourra que renforcer son autorité (3).

Après le consistoire du 20 novembre prochain, les Eglises d’Asie (hors Moyen-Orient) compteront 16 cardinaux (dont dix sont âgés de moins de 80 ans et donc électeurs en cas de conclave).