Eglises d'Asie – Chine
A l’heure où le gouvernement s’apprête à lancer le recensement de sa population, une femme enceinte de son deuxième enfant est contrainte d’avorter à huit mois de grossesse
Publié le 22/10/2010
Le 10 octobre dernier, dans le district de Siming, sur l’île de Xiamen, une dizaine de membres du bureau local du planning familial ont fait irruption dans le logement du couple formé par Luo Yanquan, un employé du secteur de la construction, et son épouse, Xiao Aiying. Les fonctionnaires ont signifié à la jeune femme, âgé de 36 ans, que sa grossesse était illégale, le couple étant déjà parent d’une petite fille âgée de 9 ans. Lorsqu’ils ont voulu l’emmener pour que soit procédé sur elle un avortement, la jeune femme a résisté, récoltant au passage des coups. « Ils lui ont mis les mains dans le dos et l’ont poussé la tête contre le mur, avant de la frapper au ventre, rapporte Luo Yanquan. Je ne sais pas s’ils tentaient de provoquer ainsi une fausse-couche. »
Emmenée de force, Xiao Aiying a été détenue durant trois jours dans une clinique, avant d’être transférée dans un hôpital où des médecins lui ont injecté un produit létal pour l’enfant qu’elle portait. Le 14 octobre, la jeune femme a accouché d’un enfant mort-né, et est restée hospitalisée. Son mari a précisé que ni lui ni son épouse n’avaient été informés du sexe de leur enfant ainsi avorté.
Pour spectaculaire qu’il soit, le cas de Xiao Aiying n’est pas isolé. Le 25 septembre dernier a marqué le trentième anniversaire de la mise en place de la politique de l’enfant unique. Si, à cette occasion, des experts se sont prononcés pour demander un assouplissement, voire une remise en cause de cette politique volontariste et coercitive de contrôle de la croissance démographique (1), à l’échelon local, l’administration du planning familial continue d’appliquer cette politique. A la faveur de l’enrichissement de la population, ses agents préfèrent souvent exiger le paiement d’amendes en cas de naissance non autorisée, mais ils n’hésitent pas, dans certains cas, à recourir à la contrainte et à des avortements forcés et tardifs.
Dans le droit chinois, contraindre une femme à avorter est un crime. Toutefois, tant la police que les juges refusent de se saisir des éventuelles plaintes en la matière ; et les médias, soumis aux directives de la propagande, répugnent à se faire l’écho de ce type d’affaire. Ces dernières années, néanmoins, des activistes et des avocats ont tenté d’aider les femmes confrontées à cette expérience. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été harcelés ou emprisonnés pour cela (2).
Dans ce contexte, Luo Yanquan a décidé de faire part de son histoire sur un blog. Des médias étrangers l’ont repéré et la télévision Al-Jazira a rapporté l’affaire sur son site Internet le 20 octobre. Des photos montrent Xiao Aiying à l’hôpital, clairement enceinte ; des hématomes sur le bras, séquelles des coups reçus, elle est assise sur un lit, l’injection qui provoquera un peu plus tard l’avortement lui ayant déjà été prodiguée.
Interrogé le 21 octobre au téléphone par un journaliste de l’agence Associated Press (AP), un fonctionnaire du planning familial de Siming a confirmé que ses listings indiquaient bien que Xiao Aiying avait récemment avorté, mais il a déclaré que la grossesse avait été interrompue au stade de six mois et que la procédure avait été volontaire. En Chine, la notion d’avortement tardif n’est pas clairement définie. Le fonctionnaire a aussi précisé que le mari de Xiao Aiying avait donné son assentiment à l’avortement. Une assertion vigoureusement démentie par Luo Yanquan. « Je n’ai jamais rien signé, ni moi, ni personne de ma famille. J’ai appelé la police, mais ils m’ont dit que les affaires concernant le planning familial n’étaient pas de leur ressort. Je veux porter plainte, mais les avocats que j’ai contactés ici disent qu’ils ne peuvent pas m’aider et que les médias ne diront rien de cette affaire », a-t-il expliqué au journaliste d’AP.
Par ailleurs, le 20 octobre, à Pékin, le gouvernement a annoncé que les opérations 2010 du recensement décennal allaient bientôt commencer. Durant dix jours, du 1er au 10 novembre prochain, six millions d’agents vont être déployés à travers le pays. Pour ce sixième recensement, ils auront notamment pour tâche de compter les Chinois non pas en fonction du lieu où chacun est légalement censé vivre (selon son hukou ou permis de résidence, qui distingue entre les ruraux et les urbains) mais en fonction du lieu où chacun vit effectivement. Le Bureau national des statistiques espère ainsi avoir une image plus précise de la population, en mesurant plus exactement l’urbanisation du pays et l’importance des « populations flottantes », ces ruraux partis chercher du travail en ville.
Il sera aussi demandé à chacun un plus grand nombre d’informations personnelles, les démographes chinois promettant à la population que ces données ne pourront pas être utilisées contre les personnes. S’agissant des enfants non enregistrés – car nés « hors quota », leur naissance n’ayant pas été déclarée par leurs parents –, Feng Nailin, vice-directeur du Bureau national des statistiques, a annoncé que les parents seraient encouragés à faire reconnaître ces naissances. Au lieu de se voir imposer les fortes amendes prévues en pareil cas, ceux des parents qui saisiront le recensement pour faire enregistrer leur(s) enfant(s) non déclaré(s) ne paieront que des amendes allégées, a-t-il précisé.
Selon le recensement de 2000, la Chine comptait 1,26 milliard d’habitants. Les résultats du recensement 2010 ne devraient pas être connus avant un an.