Eglises d'Asie

Ferme condamnation par le Saint-Siège de l’ordination épiscopale illicite qui a eu lieu à Chendge le 20 novembre 2010

Publié le 24/11/2010




L’avant-veille de l’ordination du P. Guo Jincai au titre d’évêque du diocèse de Chengde (province du Hebei), le Saint-Siège avait dit son « trouble » à la perspective de l’ordination illicite à venir, dénonçant les « graves violations de la liberté de religion et de la liberté de conscience » accompagnant cette cérémonie (1). L’ordination a cependant eu lieu le 20 novembre (2) et, quatre jours plus tard, le Saint-Siège a publié un communiqué, en italien, …

… en anglais et en chinois, pour dire « le profond regret » éprouvé par le pape à cette nouvelle.

 

Ce 24 novembre, dans un texte en sept points, la salle de presse du Saint-Siège précise qu’en l’état des informations qu’il a été possible de rassembler, l’ordination menée sans mandat pontifical du P. Guo Jincai « constitue une blessure douloureuse » faite à la communion de l’Eglise et « une violation grave de la discipline catholique », termes qui renvoient, quasiment mot pour mot, à la Lettre aux catholiques chinois de 2007 par laquelle le pape Benoît XVI rappelait l’impossibilité pour l’Eglise catholique d’envisager « l’ordination épiscopale sans mandat apostolique ».

 

Le communiqué poursuit en mentionnant les pressions qui ont été exercées par les autorités chinoises sur les évêques, au nombre de huit, qui ont pris part à la cérémonie d’ordination. Ces pressions constituent « une violation grave de la liberté de religion et de la liberté de conscience ». Sous réserve d’une enquête à venir de ce qu’il s’est réellement passé le 20 novembre à Chendge et durant les jours précédants, le Saint-Siège garde ouverte la possibilité d’examiner la validité du sacrement de l’ordre conféré au P. Guo Jincai. La « position canonique » des évêques impliqués dans l’ordination sera aussi examinée.

 

Quelles que soient les conditions concrètes dans laquelle s’est déroulée l’ordination, le Saint-Siège souligne qu’en premier lieu, le P. Guo s’expose à l’excommunication latae sententiae, l’excommunication de fait, prévue par le Code de droit canon pour les prêtres et les évêques qui portent un geste contraire à la communion ecclésiale. Le communiqué du 18 novembre ne faisait pas mention de cette possible sanction. Elle réapparaît ici, après avoir été évoquée lors des précédents de 2000 et 2006. En deuxième lieu, le Saint-Siège précise que l’ordination du 20 novembre porte tort aux catholiques de Chengde, à qui est « imposé » un pasteur qui n’est pas en pleine communion avec l’Eglise universelle. Le Saint-Siège dit de ces catholiques qu’ils sont « humiliés » par les autorités chinoises, terme qui ne manque pas de renvoyer à la rhétorique utilisée par la Chine, autrefois « humiliée » par les traités inégaux imposés à elle par les puissances occidentales.

 

En réponse aux propos d’Anthony Liu Bainian, qui, ces derniers jours, avait déclaré que Rome n’avait pas répondu, deux ans durant, à la demande qui lui était faite d’ordonner évêque le P. Guo, le Saint-Siège rétorque que, « plusieurs fois, durant l’année écoulée », il a été « clairement » communiqué aux autorités chinoises l’opposition du pape à une telle ordination épiscopale. La Chine a néanmoins procédé « unilatéralement » à l’ordination. Se placer ainsi « au-dessus » des évêques constitue « une offense » faite au Saint-Père, à l’Eglise en Chine et à l’Eglise universelle, affirme le communiqué.

 

Les voies du dialogue patiemment tissé au fil de ces trois dernières décennies ne sont toutefois pas entièrement rompues. Le communiqué veut établir un distinguo entre le gouvernement de la Chine populaire et la direction de l’Association patriotique, le nom de son vice-président, le laïc Anthony Liu Bainian, étant cité. En effet, le Saint-Siège « note avec regret » que les autorités chinoises « autorisent » les dirigeants de l’Association patriotique « à adopter des attitudes qui nuisent gravement à l’Eglise catholique et entravent » le dialogue entre Rome et Pékin. On peut voir là une invite de Rome à Pékin qui serait bien avisé de « recadrer » l’action de l’Association patriotique et de son principal responsable, Liu Bainian. Enfin, le communiqué conclut en disant que les catholiques du monde entier suivent attentivement « le périple troublé » de l’Eglise en Chine et sont spirituellement solidaires avec eux dans la prière.

 

Peu avant que la salle de presse du Saint-Siège ne diffuse ce communiqué, des informations venues de Chine indiquaient que les huit évêques qui ont pris part à l’ordination de Chengde étaient retournés dans leurs évêchés respectifs. Il était toutefois impossible d’entrer en contact avec eux. Parallèlement, on apprenait qu’une centaine de séminaristes du séminaire régional de Shijiazhuang, dans la province du Hebei, faisait grève, en signe de protestation à la nomination d’un fonctionnaire du gouvernement au poste de recteur adjoint.

 

L’affaire remonte au 11 novembre dernier, date à laquelle le Bureau des Affaires religieuses et ethniques du Hebei annonçait qu’un de ses responsables, Tang Zhaojun, était nommé recteur adjoint du séminaire et professeur de politique. Ces dernières années, des classes d’enseignement politique, obligatoires dans toutes les universités en Chine, avaient bien été confiées à des membres du Bureau des Affaires religieuses, mais c’est la première fois que cette administration tente d’imposer l’un des siens à un poste de direction au sein du séminaire. Aucune consultation préalable de l’Eglise locale ne paraît avoir été menée avant cette nomination. Et, le 15 novembre, l’ensemble du corps enseignant du grand séminaire, soutenu par les étudiants, a décidé de suspendre les cours en signe de protestation.

 

« Un séminaire forme de futurs prêtres, pas des membres du Parti, explique une source sur place. Un recteur adjoint exerce un pouvoir en matière académique. Si cette nomination est confirmée, les diocèses pourraient être amenés à ne plus envoyer leurs séminaristes à Shijiazhuang. » Un autre catholique proche du séminaire interroge : « Nos évêques nous ont déçus en participant à l’ordination illicite [de Chengde]. Comment penser qu’ils pourront nous défendre face au gouvernement ? »

 

Confrontés aux remous provoqués par cette nomination, les autorités locales ont accepté, après des débats houleux, de reconsidérer leur décision et de convoquer une réunion du bureau des directeurs du séminaire, seule instance habilitée à nommer les responsables du séminaire. Mais, à la date du 24 novembre, la situation restait bloquée, les évêques de la région n’étant pas visibles.