Eglises d'Asie – Thaïlande
Disparition de Mgr Bunluen Mansap, grande figure de la justice sociale catholique en Thaïlande
Publié le 09/12/2010
… décédé le 2 décembre dernier à l’hôpital de Bangkok à l’âge de 81 ans.
« L’Asie a perdu un grand évêque », a déclaré le P. Bonnie Mendes, coordinateur de la Caritas Asie, au sein de laquelle Mgr Bunluen Mansap était très actif. Un avis partagé par tous les acteurs de la justice sociale dont il était un ardent défenseur : « Mgr Bunluen a été l’un des premiers à faire en sorte que l’Eglise s’ouvre à l’engagement social (…) et à initier un dialogue interreligieux dans le domaine de la justice sociale et du développement », a souligné Walai Na Pompetch, de la Commission ‘Justice et Paix’ de l’épiscopat thaïlandais, fondée également par l’ancien évêque. Sans lui, ajoute-t-il, la cause des pauvres et des marginalisés n’aurait jamais avancé.
Parinda Vapikung, également responsable au sein de la même commission, confirme que le prélat invitait fréquemment des moines bouddhistes à participer aux projets de l’Eglise : « Il exhortait les croyants de toutes religions à s’engager dans la voie de la charité, et incitait en particulier les catholiques à utiliser tous les moyens pour aider les déshérités et participer au développement social. »
Né en 1929, Michael Bunluen Mansap avait été ordonné prêtre en 1951 pour le diocèse de Ratchaburi, dans l’ouest de la Thaïlande. A l’époque déjà, le jeune prêtre s’intéressait à l’aspect social de son ministère mais ce n’est qu’en 1965 qu’il put véritablement mettre ses premiers projets en action. De 1974 à 1976, il est secrétaire du Bureau pour le développement humain au sein de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC), avant d’être ordonné évêque d’Ubon Ratchathani, sans pour autant délaisser son poste à la FABC, qu’il conservera jusqu’en 1984.
« Lors du coup d’Etat de 1992, Mgr Bunluen avait incité fortement l’Eglise à exprimer sa position, qui était de résoudre les problèmes politiques par des moyens pacifiques et dans le respect des droits de l’homme. Avant cela, l’Eglise était toujours restée muette sur ces questions », rappelle Rakawin Leechanavanichpan, ancien coordinateur de ‘Justice et Paix’. En Thaïlande où les catholiques représentent à peine 0,5 % de la population, l’Eglise n’a pas une forte tradition d’engagement dans la vie sociale et politique, bien qu’elle dispose d’une sphère d’influence non négligeable par sa présence dans le domaine de l’éducation comme dans celui de l’assistance caritative.
Suivant les principes qui l’avaient animé toute sa vie, Mgr Bunluen, quelque temps avant sa mort, était encore intervenu pour encourager l’Eglise, qui se cantonnait alors à une prudente observation, à agir lors de l’épisode sanglant entre les « chemises rouges » et le gouvernement en avril-mai 2010, lequel avait fait 88 morts et plus de 2 000 blessés (2). Après les événements meurtriers du week-end des 10 et 11 avril, il avait tenu à faire une déclaration publique : « Ce qui menace notre pays, ce n’est pas la guerre civile, avait-il déclaré. C’est la colère et la haine, et il semble qu’il y ait beaucoup de gens qui sont remplis de haine aujourd’hui. » L’évêque émérite de Ratchaburi avait ensuite appelé tous les Thaïlandais à respecter les différences d’opinions et de croyances de chacun : « Tous les hommes sont faits pour aimer leur prochain mais ils sont divisés par la politique et les idéologies. »
Son intervention avait fait sortir l’Eglise et les autres responsables religieux de leur réserve. S’unissant pour tenter de mettre fin à la violence et faire revenir les belligérants à la table des négociations, les responsables religieux chrétiens, bouddhistes et musulmans avaient alors proposé leur médiation, organisé des rassemblements de prière interreligieux et s’était investis dans le programme de « réconciliation nationale » après l’écrasement de la révolte dans le sang le 19 mai 2010.
Parallèlement à la fondation de la Commission ‘Justice et Paix’, Mgr Bunluen Mansap avait également créé le Conseil catholique de Thaïlande pour le développement (CCTD). Mais sa lutte contre les inégalités sociales ne s’arrêtait pas là : l’infatigable prélat était également à la tête de la Commission pour le développement humain de la Conférence des évêques de Thaïlande (en plus de sa charge à la FABC) ainsi que des commissions pour les groupes ethniques et en faveur du travail social. L’actuel évêque d’Ubon Ratchathani, Mgr Banchong Chaiyara, a révélé qu’en outre, son prédécesseur avait mis en place un système de microcrédit afin d’aider les personnes en difficultés financières à gérer leur argent (2).