Eglises d'Asie – Pakistan
Un musulman a été arrêté au titre de la loi anti-blasphème pour avoir jeté à la poubelle une carte de visite portant le nom de Mohammed
Publié le 14/12/2010
… de l’importance du pouvoir de pression des mouvements extrémistes musulmans dans le pays.
Il s’agit cette fois d’un musulman, mais appartenant à l’ismaélisme, un courant minoritaire de l’islam chiite, considéré comme hérétique par le sunnisme (1). Le Dr Naushad Valiyani, médecin à Hyderabad, dans la province du Sind, a été arrêté vendredi 10 décembre dernier au titre de la loi anti-blasphème. Il est accusé d’avoir jeté la carte de visite d’un représentant en produits pharmaceutiques dont le nom est Mohammed Faizan, venu le démarcher dans sa clinique le 9 décembre.
Selon le chef de la police régionale, Mushtaq Shah, Mohammed Faizan a déposé une plainte accusant le médecin ismaélien d’avoir insulté Mahomet en jetant aux ordures une carte portant son nom. Bien que, comme le souligne le Pakistan Christian Post du 12 décembre, « 99,9 % des noms des musulmans commencent par le prénom Mohammed (…) » et que le Dr Valiyani se soit excusé en assurant qu’« qu’[il] n’avait absolument pas l’intention d’insulter le prophète Mahomet en jetant [la carte de Mohammed Faizan] à la poubelle », les leaders religieux ont fait pression pour qu’il soit inculpé.
Cette arrestation, pour un motif aussi surprenant qu’inquiétant, intervient alors que le pays fait l’objet d’une campagne sans précédent contre la loi qui punit de peines de prison un blasphème contre le Coran et de mort un blasphème contre Mahomet. Les arrestations se sont multipliées, la censure s’est renforcée, comme le confirme, début décembre, l’inculpation d’un jeune musulman pakistanais « blogueur », arrêté pour blasphème contre Mahomet après dénonciation de fonctionnaires de police chargés de surveiller le Net.
La chrétienne Asia Bibi, première femme pakistanaise condamnée à mort pour blasphème, attend toujours son procès en appel dans la prison de Sheikhupura, la première audience étant prévue pour la fin décembre (2). Quel que soit le verdict en appel, ses jours sont d’ores et déjà en danger, Yousaf Qureshi, imam de la plus ancienne mosquée de Peshawar, ayant, lors de la prière du vendredi 3 décembre, promis une prime de 500 000 roupies (4 300 euros) pour l’exécution de la jeune mère de famille si elle était acquittée par le tribunal. Un appel à la violence qui a été relayé, entre autres, par le Nawa-i-Waqt, l’un des quotidiens les plus lus au Pakistan : « Le verdict prononcé à l’égard d’Asia Bibi sera appliqué d’une façon ou d’une autre », assure-t-il.
Le ministre des Minorités, Shabhaz Bhatti, un chrétien, dont le poste est en passe d’être supprimé, est également, selon l’agence Fides, dans le collimateur des extrémistes : le ministre a reçu des menaces depuis qu’il affiche son soutien à la cause de la chrétienne condamnée. L’organisation islamiste Lashkar-e-Toiba et d’autres groupes talibans ont déclaré ces jours derniers que le ministre « devait être tué en tant que complice de blasphème ».
Le 10 décembre dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’homme, plusieurs pétitions en faveur d’Asia Bibi ont été remises aux Nations Unies par différents groupes de défense des droits de l’homme. Mgr Rufin Anthony, évêque catholique d’Islamabad-Rawalpindi, qui soutient l’une de ces pétitions, a déclaré : « Mon message est que tous les chrétiens du Pakistan sont des Pakistanais qui aiment leur pays, servent leur pays, et ont le droit de pratiquer leur foi et d’exprimer leurs croyances sans craindre d’être tués par des extrémistes ou d’être mis à mort par l’Etat. » Nazir Bhatti, président du Congress of Christians in Pakistan (PCC), a également lancé un appel aux Nations Unies pour l’abolition d’une « loi controversée qui est utilisée contre les minorités religieuses pour régler des rivalités personnelles ou des querelles de voisinage ».
Quant à Ansar Burney, intellectuel musulman pakistanais très réputé dans son pays et ancien ministre des Droits de l’homme, il a envoyé une lettre au président Ali Zardari et au Premier ministre Gilani, demandant le renforcement des mesures de protection d’Asia Bibi et que soient engagées des poursuites judiciaires à l’encontre de ceux qui ont appelé au meurtre de la chrétienne. Cité par l’agence Fides, Ansra Burney rappelle au gouvernement que 33 personnes accusées de blasphème ont été exécutées de manière extrajudiciaire, que ce soit durant leur détention en prison ou au cours de leur procès (3).