Eglises d'Asie – Malaisie
Bornéo : un projet de renforcement de la loi sur l’apostasie inquiète les chrétiens de l’Etat de Sabah
Publié le 04/01/2011
… serait renforcée dès que le « centre de réhabilitation » en construction à Kinarut serait prêt, c’est-à-dire vers le mois de juin 2011. D’ici-là, a-t-il poursuivi, les « apostats seront éclairés sur les mérites de l’islam », une tâche qui selon le directeur du JHEAIN a souffert du relâchement de l’enseignement des imams et de la « négligence » des organisations islamiques (2). Amri Suratman a également expliqué que cette décision était à replacer dans le cadre du plan quinquennal des autorités de l’Etat, comme le projet de reconquérir les zones rurales particulièrement touchées par l’« affaiblissement » de l’islam.
Avec la polémique sur l’usage du mot « Allah » (3), l’apostasie est un important sujet de controverse en Malaisie, en raison des différences d’interprétation des articles de la Constitution fédérale malaisienne. Celle-ci a institué l’islam religion officielle, bien que son article 11 garantisse la liberté de religion aux non-musulmans. Cependant, toute tentative de conversion d’un musulman, tout blasphème contre l’islam ou Mahomet doivent être sanctionnés, ainsi que, de façon variable selon les Etats, l’apostasie d’un musulman (5).
Les communautés non musulmanes, et en particulier l’Eglise catholique de Sabah, qui connaît un véritable essor ces dernières années et compte aujourd’hui trois diocèses (3), n’ont pas caché leur inquiétude. Si l’archevêché de Kota Kinabalu, à Sabah, a déclaré préférer attendre des précisions sur les modifications projetées, Mgr Murphy Pakiam, archevêque catholique de Kuala Lumpur, a déclaré lors d’une conférence de presse le 26 décembre qu’une telle loi instaurerait un climat de peur et une répression religieuse sévère. Le prélat a appelé le gouvernement fédéral à intervenir et les autorités locales de Sabah à se rallier au message de modération lancé par le Premier ministre malaisien Najib Razak.
Selon un observateur vivant à Sabah, qui s’exprime sous couvert d’anonymat dans les colonnes du Malaysia Today le 2 janvier dernier, les conséquences de l’application d’une telle loi sont prévisibles : « Au cours de l’année qui vient, des centaines, si ce n’est des milliers, de convertis « d’un moment » à l’islam dans l’Etat de Sabah risquent de passer un long moment dans [un] centre de réhabilitation […] afin de réfléchir sur leur foi », avertit-il dans un article intitulé : « Le repentir ou la prison ».
Il raconte que, selon ce système déjà en vigueur en Malaisie, les suspects sont menés au tribunal islamique pour un jugement expéditif après lequel ils sont placés en détention pendant 36 mois afin d’être « rééduqués ». Si, après ce passage en camp de « réhabilitation », les apostats ne se sont toujours pas repentis, ils peuvent être à nouveau condamnés à un nouvel emprisonnement.
Rappelant que la plupart des conversions de masse ont eu entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, lorsque le fait de devenir musulman apportait plus de chances de promotion, de l’argent et des avantages divers, l’auteur de l’article explique qu’au fil des ans, après avoir changé de nom et fait carrière, bon nombre de ces « convertis » ont commencé, vers l’âge de la retraite, à revenir à leurs pratiques religieuses antérieures.
Aujourd’hui, poursuit l’auteur anonyme, il n’est pas rare à Sabah que des dénonciations publiques soient faites dans les journaux, annonçant que telle ou telle personne « convertie » et bien en vue ne pratique pas réellement sa foi musulmane. Cette nouvelle étape franchie par le JHEAINS démontre, selon lui, l’influence grandissante des mouvements religieux extrémistes, soutenus par les autorités.
« Très tôt cette année, nous aurons des journées de troubles et d’affrontements sur des sujets touchant à la religion, a averti, dans son message de Noël, le chef de l’Etat de Sabah, Seri Musa Aman. Cependant, les Malaisiens qui aiment la paix, garderont la tête froide et ne rejoindrons pas ceux qui veulent provoquer des tensions religieuses. »